Quand la jeunesse vous rouvre les yeux...
Comment naît la nécessité de l'engagement ? Question mystérieuse dont on peut parfois trouver les clefs en écoutant les plus jeunes. Fraîcheur, idéalisme... font du bien. Quand la jeunesse est utopiste, elle se fait l'aiguillon de notre conscience.

J'ai réalisé hier que j'étais sourde et aveugle depuis plusieurs années aux plus grandes misères de ce monde.
Vivant à toute vitesse, croulant sous les charges professionnelles et familiales, je me suis progressivement renfermée sur le microcosme qui constituait ma vie : mes enfants, mon mari, mon travail. Point.
Ma petite soeur, d'une douzaine d'années de moins que moi, de visite après de nombreux mois d'absence pendant lesquels elle est partie au Japon, vient de m'ouvrir les yeux. Etudiante à Science Po, elle a acquis du répondant.
Avec la fougue de sa jeunesse et ses idéaux magnifiques, elle n'y est pas allée de main morte.
"Quand vous étiez jeune, vous aviez des valeurs fortes, a-t-elle asséné en évoquant mon mari et moi-même. Rappelez-vous, le Tour du monde de Théo, votre association humanitaire, votre voyage auprès des orphelins et des prisonniers... Que reste-t-il de tout cela ?" Première gifle.
"Dire que l'on ne peut pas supporter toute la misère du monde est de l'égoïsme pur." Deuxième gifle.
"J'ai l'impression que plus on prend de l'âge, plus on devient pessimiste et égocentrique." Uppercut final.
Oui, ma fibre humanitaire en a pris un coup ces dernières années. Attentats, problèmes au collège, difficultés famililales... Mes idéaux de jeunesse se sont évanouis.
Oui, j'étais plus ouverte et tolérante avant.
Oui, elle a raison. Oui, j'ai mes raisons.
Oui, je peux retrouver la flamme qui m'animait.
Cette conversation m'a bouleversée. Je me suis rendue compte que je ressemblais au narrateur de Matin Brun de Franck Pavloff, celui-là même qui, embourbé dans son quotidien, laisse s'installer un régime totalitaire sans réagir, par passivité, par lâcheté : "Ca va si vite, il y a le boulot, les soucis de tous les jours. Les autres aussi baissent les bras pour être un peu tranquilles, non ?" se justifie-t-il.
Il y a 10 ans, j'ai écrit plusieurs articles sur Agoravox, sur des thèmes politiques et culturels, sous le pseudonyme d'anita. En écrivant cet article, je renoue avec l'humaniste passionnée et engagée dans l'humanitaire que j'étais alors.
Merci petite soeur.
Je terminerai par une citation d'Anne Frank :
"Nous, les jeunes, nous avons deux fois plus de mal à maintenir nos opinions à une époque où tout idéalisme est anéanti et saccagé, où les hommes se montrent sous leur plus vilain jour, où l’on doute de la vérité, de la justice et de Dieu. Voilà la difficulté de notre époque, les idéaux, les rêves, les beaux espoirs n’ont pas plus tôt fait leur apparition qu’ils sont déjà touchés par l’atroce réalité et totalement ravagés."