Quand le padawan François devint Dark Hollande
La ministre Delphine Batho et le Président bolivien Evo Morales froidement humiliés. Cette semaine, le jeune apprenti Hollande a achevé sa sinistre formation. Un grand trouble traverse la galaxie PS. Scénario d’une saga catastrophe.
Episode I : Un espoir faiblard
Il n’y a pas si longtemps que cela, au printemps 2012, François Hollande promettait fermement de combattre la finance, cet ennemi qui « n’a pas de visage ». Stratège (!), il n’hésitait pas à faire mine de rassurer les marchés, ces puissantes entités abstraites, minaudant devant la City londonienne : « I am not dangerous ». Caresser d’une main pour mieux cogner de l’autre, aurait-on pu vaguement penser. Prendre la finance en traître. Lumineux ! Sauf que…
Sauf que quelques mois après sa prise de pouvoir, il s’avéra qu’en fait de stratège, François Hollande tenait davantage de la girouette grinçante influencée par des vents mauvais. Jurant un jour de se pencher sur l’amnistie sociale, il décida le lendemain de la fouler aux pieds. Assurant vouloir « renégocier » le nouveau traité européen, il le signa sans en changer une ligne. Ouvrant la porte au mariage des personnes de même sexe, il laissa allégrement pourrir le débat, de manière à cliver la société, à réveiller les vieux démons extrême-droitiers qui s’en donnèrent à cœur joie : amalgames haineux, expéditions punitives dans les milieux homosexuels, manifestations virant à l’émeute agitèrent la France pendant trop longtemps. Sur le terrain militant, la tension monta jusqu’au meurtre. Ayant suffisamment nourri l’extrême droite comme cela, le gouvernement décida de remettre le droit de vote des étrangers - qui travaillent en France et paient leurs impôts - aux élections municipales à… eh ben, après les municipales. Logique. Auparavant, François Hollande accorda un coup de pouce au SMIC si dérisoire qu’il fallut mettre le nez dans la poussière, se coucher plus bas que terre pour le voir. Manifestement, François se moquait de nous. Il poursuivait la même politique que son piètre prédécesseur. Mais au moins, on n’avait plus à subir la peoplisation de l’Elysée, les sorties ridicules de Morano et les charters d’Hortefeux. Du moins le crut-on quelques instants… En coulisses, la force obscure travaillait le gouvernement au corps.
Episode II : « Je ne suis plus président socialiste »
On découvrit que M. Valls détestait les Roms au moins autant que Sarkozy. Que le chômage continuait de trouer le plafond. Que malgré les promesses de Duflot, les logements vides n’étaient pas réquisitionnés. Pis : que Hollande était capable de jeter le Code du Travail aux oubliettes, en se pliant à la volonté de Mme Parisot. Il déclara n’être point président socialiste, mais président de « tous les français ». Si, si : il avait l’outrecuidance de cracher sur les idéaux socialistes et de s’affirmer président de tous les français alors même qu’il tournait le dos aux trois-quarts du pays. Rien n’allait plus, mais l’horreur absolue restait encore à venir : l’affaire Cahuzac. « L’affaire d’un seul homme », assurèrent nos gouvernants d’une unique voix blanche, conscients probablement que ça commençait à faire trop.
Lasses, les forces de gauche s'ébranlèrent par un 5 mai printanier, renouvelant leur pari du 30 septembre contre le TSCG, et presque un an jour pour jour après l’élection de François Hollande. Jean-Luc Mélenchon et le Front de Gauche au grand complet, rejoints par Eva Joly et plus de 100000 citoyens, envahirent les rues dans le calme pour réclamer une vraie politique de gauche et le changement des institutions. La réponse fut bête, méchante et irresponsable : M. Valls promena sa rigidité sur les plateaux TV en affirmant malgré les preuves qu’à peine 30000 (trente mille) personnes s’étaient jointes au mouvement.
La rupture était consommée. Le gouvernement prétendument socialiste n’apporterait rien de bon à la gauche. Il était passé du mauvais côté. Il continua de s’y enfoncer jusqu’à insulter la Terre entière aux premiers jours du mois de juillet 2013.
Episode III : La semaine de la honte
Première partie : la ministre Delphine Batho éjectée du pédalo. Le mardi 2 juillet 2013, Delphine Batho, coupable d’avoir critiqué les restrictions budgétaires affectant le ministère de l’écologie, fut promptement convoquée puis limogée. Alors même que l’affaire Cahuzac avait traîné des mois durant, jetant l’opprobre sur un média indépendant (Médiapart), l’affaire Batho fut vite torchée, et ce pour quelques malheureux mots. Delphine Batho avait le tort d’être une femme ne faisant pas allégeance aux décisions budgétaires du gouvernement, quand Cahuzac, lui, pouvait virilement mentir « les yeux dans les yeux » devant le Président, l’Assemblée Nationale et les citoyens… Deux poids deux mesures en somme. La main de Hollande apparut définitivement gantée de noir.
Seconde partie : l’avion d’un Président étranger cloué au sol. Le mercredi 3 juillet, on apprit que l’avion du Président bolivien Evo Morales avait du atterrir la veille à Vienne afin que l’on vérifie que le dangereux défenseur des libertés Edward Snowden ne se trouvait pas à l’intérieur. Inquiets de cette possibilité qui donnait sans doute des sueurs froides à l’Empereur, la France et l’Italie avaient ainsi refusé l’accès à leur espace aérien au chef d’Etat bolivien. François Hollande qui quelques heures auparavant faisait semblant de se fâcher tout rouge contre l’ingérence états-unienne dans les affaires européennes se révélait soudain farouche défenseur de cette même ingérence. Schizophrénie ? Non. Simple et désespérante déclaration de guerre contre tout ce qui constitue la moelle idéologique de la notion de « gauche » : respect des libertés et des droits de l’Homme, fraternité dans l’adversité, résistance à l’impérialisme nord-américain… A travers le corps de François Normal, tenant d’une pseudo-gauche molle sociale-libérale, perça soudain l’armure en acier trempé d’un Dark Hollande férocement… de droite. Le gouvernement dit « socialiste », après avoir longuement moqué la gauche sud-américaine, passait brutalement aux actes.
Outre la monumentale erreur diplomatique, une étape supplémentaire venait d'être franchie dans l’affront fait par le gouvernement « socialiste » à l’idée de gauche. Aux espoirs de gauche, à la philosophie de la gauche.
Lors de son dernier débat télévisé face à Jean-Luc Mélenchon, le fougueux poulain Cahuzac affirmait que la lutte des classes n’existe pas. Non seulement la lutte des classes existe factuellement, indépendamment de toute idéologie, mais le gouvernement autoproclamé « socialiste » a désormais ostensiblement choisi son camp : celui de l’obscurité, de la raillerie et de la guerre contre tous ceux qui se situent en bas de l’édifice. Le camp des dominants impunis, des vainqueurs déshumanisés, de ceux qui divisent non seulement pour régner, mais pour asphyxier, mépriser, prendre à la gorge, oserai-je ? violer.
Le gouvernement Hollande viole tout ce que contient la notion historique et philosophique de gauche. L’épisode IV risque d'être violent, et Dark Hollande dira que ce n’est pas de sa faute…