vendredi 25 avril 2008 - par Argo

Quarts à la mer : Panama

Témoignage sur le métier de marin de commerce. Cinq heures du matin, dernier quart de la nuit, le Zeebrugge, cargo des Messageries maritimes, se présente en avant lente devant Colon, l’entrée du canal de Panama, côté Atlantique.

Loin sur l’avant, là où depuis des jours le ciel rejoignait la mer, une barre sombre apparaît qui les sépare à présent... La terre est là, et à mesure que l’on s’approche, elle gagne en largeur sur l’horizon. Avant très lente... dans la clarté tamisée d’une lune rousse, on distingue à présent les hautes collines qui dominent Colon. Leurs ombres spectrales enveloppent la ville avachie sur le rivage sans vie de la baie, une cité obscure, sans relief ni halo, un paysage enseveli dans une nuit fauve à peine ébréchée, çà et là, par quelques fenêtres, blafardes et laiteuses, et de pauvres néons qui clignent mollement.
- Stoppez !
Un bras ramène sans hâte la lourde poignée de cuivre du transmetteur d’ordres deux crans en arrière ; deux clings sonores suivis d’un tintement strident et, quand il cesse, le timonier annonce :
- Les machines sont stoppées.
- Bien, lui répond le commandant depuis le fauteuil de quart.

Le Zeebrugge file à présent sur son erre, silencieusement, ombre parmi les ombres des autres navires mouillés dans la baie de Colon. Sur la passerelle de navigation, on voit des silhouettes de marins, quatre ou cinq, immobiles et autour d’elles flotte une odeur de terre humide et de café frais. Il y a le « vieux » dans le fauteuil de quart et le timonier à la barre, le lieutenant de quart devant le pupitre et les matelots, qui sont penchés en avant, chacun devant la vitre d’un sabord, les coudes sur la tablette, et qui font pivoter leurs jumelles pour y plonger leur regard à intervalles réguliers. Les ordres et les réponses se succèdent dans la pénombre, et on ne sait pas très bien qui parle, sauf si comme eux, après avoir partagé tant de quarts de nuit, on connaît par cœur le son de chaque voix.
- Arrière demi !
- Les machines sont en arrière demi.
- Bien.

Un bourdonnement sourd monte de la salle des machines. Il grossit, enfle progressivement, puis se mue en un vrombissement qui s’amplifie encore, cogne furieusement aux cloisons d’acier et emporte le navire entier dans un train de trépidations sonores. L’hélice bat frénétiquement en arrière, rejetant de gros bouillons vaseux dans le sillage. Le Zeebrugge se cabre, frissonne des entrailles jusqu’à la pointe des mâts, fait craquer ses membrures, et les vitres des sabords vibrent. Peu à peu, les trépidations se font moins violentes, les derniers cahots, puis à peine quelques hoquets. L’erre est brisée et les remous s’immobilisent en glougloutant sous les flancs.
- Stoppez !
- Les machines sont stoppées.
- Bien. Bosco ? Vous m’entendez ?
- Oui, Commandant, grésille une voix dans le haut-parleur de la radio qui relie la passerelle au gaillard d’avant.
- Mouille bâbord ! Trois maillons.
L’entrechoquement sonore de la chaîne filant sur l’écubier couvre la réponse du maître d’équipage. On perçoit quelques bribes... des mots par interstices.
- Bâbord... maillons... deux...
Puis l’infernal raclement s’arrête, le silence revient et on entend, distinctement cette fois :
- Trois maillons à l’eau. Ancre bâbord mouillée.
- Bien.

Sans un mot échangé, la passerelle se vide et, dans l’air, il n’y a plus à présent que le ronronnement à peine perceptible des groupes électrogènes. Face à l’entrée du canal, le navire évite sur la chaîne de l’ancre, s’étire paresseusement et s’immobilise dans le flot de la marée. La rade de Colon est enveloppée dans la moiteur opaque des brumes du petit matin. Une douzaine de cargos mijotent au mouillage, figés dans la touffeur, leurs coques sombres rivées sur l’encre gris-perle de la mer, enchaînés là comme à côté du monde.
Tels de vieux volcans en sommeil, leurs cheminées laissent échapper régulièrement de minces panaches de fumée pâle et, dans leurs mâts, les antennes des radars tournent et déchirent lentement un ciel de cendres tièdes.

Six heures, le jour succède à l’obscurité presque sans transition, avec cette brutalité propre aux Tropiques qui ne connaissent, pour ainsi dire, ni aurore ni crépuscule. Trente-sept degrés déjà, et pratiquement pas de brise pour dissiper la moiteur grasse d’un ciel chargé de sombres stratocumulus.
Le signal de formation du convoi est donné depuis la terre et la rade s’éveille. Les navires sont répartis en groupes distincts selon leurs caractéristiques : tonnage, longueur, largeur, tirant d’eau et leur chargement. Le canal 16 de la VHF crépite en continu, les ordres fusent et les cheminées, à l’unisson, se mettent à cracher d’épaisses volutes noires. La flottille fait virer les ancres à pic et remettre en route.

Les remorqueurs ! On les voit gicler de la brume, bas sur l’eau, ventrus et noirs comme des frelons et venir se ranger contre la hanche du navire sous les échelles de pilote affalées à tribord. Ils nous accostent et les épaisses bandes de néoprène qui ceignent leurs étraves crissent contre notre coque le temps que leur cargaison humaine s’en extirpe, pilotes, équipes de lamaneurs, marchands de pacotille, filles, pêle-mêle.
Les bras nerveux empoignent les torons des échelles, bousculade, cris, ils grimpent bruyamment le long du bordé, enjambent le pavois, un rapide coup d’œil, ils déboulent sur le pont, confluent aux ouvertures et vont s’ensevelir dans les entrailles du navire, puis, sûrement, ils s’y dispersent selon leurs fonctions.
Les pilotes rejoignent directement la passerelle tandis que les lamaneurs, chargés des manœuvres d’amarrage, se scindent en deux équipes, plages avant et arrière du navire. La cohue bruyante des marchands et des filles investit le château. Les commerces sont établis sur le pont numéro un, dans la coursive principale de l’équipage et l’emplacement précis de chacun donne lieu à d’âpres négociations où ancienneté et surtout palabres font loi. Une activité fébrile s’empare du navire et vient rompre la monotonie, l’ordre et le charme accumulés au cours de semaines de vie en mer. Panama marque une étape importante entre les deux longues traversées de l’Atlantique et du Pacifique, sur la route qui mène d’Europe en Océanie.

Une demi-heure plus tard, on atteint la première écluse de Gatun. Autour de nous, par endroits, les rayons obliques du soleil ouvrent d’immenses brèches dans le plomb du ciel et déversent dans la mer des coulées lumineuses d’ocre-jaune.

Du quai, les toulines fusent et leurs pommes retombent mollement sur le pont. Les lamaneurs s’en saisissent prestement pour hisser les amarres et arrimer le Zeebrugge à six locomotives grises et jaunes, ruisselantes de graisse, chargées de le haler depuis la terre. Un entrelacs de câbles d’acier couvre rapidement le pont du navire, prisonnier sous les toiles enchevêtrées des six araignées de métal.

Au signal, les locomotives s’arc-boutent en chœur, alignées par trois de chaque bord sur les voies ferrées qui sillonnent les rives. Leurs puissants moteurs pestent, grognent et couvrent le Zeebrugge de mugissements rauques de colère et d’effort. Au tonnerre de ces mules métalliques répondent les cris des matelots, minuscules fourmis affairées sur les plages de manœuvre et le grincement sinistre des câbles d’acier qui ripent sur les tambours de treuils, lacèrent les poupées des chaumards et font voler des plaques de peinture sur le pont. Une odeur âcre de chaud et de rouille.

Au cours de ces luttes, il arrive fréquemment qu’une amarre rompe à la suite d’un à-coup de traction trop violent et que le long serpent d’acier brûlant vienne balayer le pont, fouettant l’air de sa promesse mortelle, s’enroulant obstinément autour du moindre obstacle, homme ou chose, mis sur sa route par le hasard. De nombreux Panaméens payent un lourd tribut au service du canal... un membre... une vie parfois, mais jamais leur travail ne semble perturbé par l’appréhension ou la crainte de l’accident. Bien au contraire, ceux qu’on appelle les hommes du canal aiment se jouer du danger, rieurs, délibérément à découvert sur le pont ou enjambant les filins tendus à la limite de la rupture, avec un mélange d’insouciance et de fatalisme latins.

N’ayant que l’inertie de ses vingt-sept mille tonnes à opposer, le Zeebrugge doit vite renoncer. Il abandonne aux machines le soin d’engager son étrave, docile à présent, dans l’étroit bassin de l’écluse et il y glisse tel un taureau dans le corridor menant à l’arène.

Par paliers successifs, écluse après écluse, le navire est hissé au-dessus de l’Atlantique. Le troisième et dernier sas ouvre sur le lac de Gatun, suspendu à près de trente mètres au-dessus des océans, à la fois si proche et inaccessible à leur fureur.
Dix heures du matin. On glisse sur les eaux paisibles du canal et, à mesure qu’on avance, on voit l’eau devenir de plus en plus large, et le lac s’enfoncer entre les deux Amériques, au cœur des jungles luxuriantes des rives.
Les trilles d’une myriade d’oiseaux multicolores et les parfums poivrés de la végétation vibrent dans l’air incandescent comme chez nous, en été, la chaleur au-dessus de l’asphalte brûlant des routes. La forêt projette une lumière verte, tantôt en taches précises, tantôt floue, sur l’eau grise du canal. Sur les rives, quelques arbres morts émergent de l’eau. Ils tendent leurs troncs tortueux vers le ciel et semblent l’implorer, comme s’ils avaient une âme et qu’ils le suppliaient de les libérer des berges vaseuses. La richesse et l’harmonie de la nature ne se voient pas, elles s’écoutent, s’exhalent, se hument.

Coincée entre l’épais couvercle de nuages et la terre spongieuse, la chaleur est étouffante. Elle règne ici pour l’éternité, au mépris de millions de ventilateurs asthéniques, impuissants à brasser cette fournaise épaisse et dégoulinante. Toute la sueur de l’humanité semble se condenser à Panama, et les fièvres aussi.

Peu à peu l’horizon s’évanouit. Le canal se resserre entre les flancs abrupts rabotés par la main de l’homme et le silence revient. C’est la Culebra ou Gaillard Cut, du nom de ce colonel américain qui, entre 1907 et 1913, dirigea une armée de 6 000 hommes et autant de machines au creusement de cette gigantesque tranchée. Une plaque de bronze de près d’une tonne évoque le formidable colonel, mais ne dit rien des milliers d’ouvriers victimes de la fièvre jaune, les siens, ceux de Ferdinand de Lesseps avant lui, pas un mot de leurs souffrances, de leurs agonies, des vomissements de sang noir avant la mort.
Tout a été effacé, lavé lors de la mise en eau de l’ouvrage en 1914, les tombes ensevelies sous des millions de mètres cubes d’eau. En surplomb, rivée sur le roc, la plaque s’obstine pourtant à célébrer la mémoire d’un seul homme et son reflet dérisoire danse à la surface de l’histoire engloutie des terrassiers, de ces milliers de soldats inconnus de l’impossible, ironiquement disparus dans une tranchée, eux aussi, en 1914, et dont on ne parle plus.

Seize heures. A son extrémité Sud, le défilé est fermé par l’écluse de Pedro Miguel. Une dégringolade de huit mètres, un court passage sur le dernier lac et on arrive aux deux sas de Miraflores, l’ultime série de marches, face au Sud, avant Balboa et le pont des Amériques, la porte de l’océan Pacifique, et derrière, tout en bas du ciel, sous l’horizon, les promesses du large, Tahiti et ses atolls, la Nouvelle-Calédonie et son lagon, l’arc des Tonga, les Nouvelles-Hébrides, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et d’autres terres, plus loin encore... au-delà des extrémités du monde, au bout des voyages imaginaires qu’enfant je traçais avec mon doigt sur la mappemonde, les yeux mi-clos, à la poursuite de Bougainville, de Cook, et du capitaine Bligh.

La journée est usée quand les remorqueurs nous accostent et reprennent les hommes du canal ; ils les emportent vers un nouveau navire, puis un autre et un autre encore. Ces gens simples ne vont jamais plus loin que le bas des marches conduisant aux océans. Du commencement à la fin, leurs espoirs et leurs fatigues sont concentrés ici, sur cette langue de terre torride et spongieuse. Au-delà, le monde leur apparaît comme une manière de caricature terrifiante, brossée par des marins de passage venus des quatre coins du monde, une peinture amère née de l’évocation de foyers trop lointains et trop souvent quittés. Pourquoi aller où vont les marins ?

Nous embouquons le chenal de sortie qui mène au pont des Amériques, avant la haute mer ; les remorqueurs font demi-tour et cornent en signe d’adieu. Quelques bouts d’étoffes s’agitent au bout des bras, des foulards rouges sur des manches de chemises blanches. Le Zeebrugge les salue en retour ; son long trait de sifflet se propage à la surface de l’eau calme de l’embouchure, dépasse un remorqueur, puis se faufile entre les haubans du pont, contourne les arches, roule au loin et va se perdre dans les vallées écrasées de chaleur des montagnes avoisinantes. Un moment passe et elles renvoient leur faible salut... une plainte étouffée... un long soupir brûlant.

A Panama, les montagnes sont lassées de répercuter l’écho de navires qui les traversent et s’en vont, nous comme tous les autres navires ici, aujourd’hui, demain et comme tous les autres jours.

PS : « Voyager, c’est bien utile, ça fait travailler l’imagination. Tout le reste n’est que déceptions et fatigues. Notre voyage à nous est entièrement imaginaire » (Louis Ferdinand Céline).



38 réactions


  • jako jako 25 avril 2008 11:10

    Cela me rapelle les 8 années que j’ai passé sur des bateaux gris , merci Argo !


  • rocla (haddock) rocla (haddock) 25 avril 2008 11:30

    Trop ce billet , j’ crois j’ vais le lire petit à petit pour le savourer .

     

    Déjà un nom inconnu de plus " erre " vitesse acquise par un navire lorsque le propulseur n ’est plus en action .


    • rocla (haddock) rocla (haddock) 25 avril 2008 11:33

      écubier : ouverture de chaque côté de l’ étrave d’ un navire où passent les câbles et les chaines .


    • rocla (haddock) rocla (haddock) 25 avril 2008 11:37

      qui ceignent leurs étraves crissent contre notre coque

       

      récit très musical  !


    • Argo Argo 25 avril 2008 11:37

      Merci, ça peut être un peu "technique" par moments même si j’ai essayé de ne pas le faire (je ne me rends pas bien compte). Pour les termes inconnus, ou les ambiguités, il n’y a qu’à demander, je me ferai un plaisir d’y répondre.

      L’erre, c’est effectivement l’avancée du navire quand ses moteurs sont stoppés. Pour une voiture on dirait plutôt la lancée, ou l’élan, quand on met au point mort.


    • rocla (haddock) rocla (haddock) 25 avril 2008 11:43

      il est où le bureau pour s’ engager ?


    • Argo Argo 25 avril 2008 11:53

      Ah mais c’est que depuis l’époque de l’article, les Messageries Maritimes sont devenues la CGM puis la CMA-CGM (celle du Ponant). Les bateaux ont changé, le métier et les hommes aussi.


  • rocla (haddock) rocla (haddock) 25 avril 2008 12:20

    Ca se corsaire ! je cherche un forban pour m’ asseoir .


  • Sandro Ferretti SANDRO 25 avril 2008 12:27

    Captain,

    Merci pour avoir honoré notre "commande" dans les délais impartis.

    J’ai du refermer le hublot, car je m’étais salement pris les embruns sur mon brushing.

     

    Pour Céline (ah , tu sais me prendre par les sentiments...), j’ajouterais la suite de la phrase que tu cites :

    "et puis d’abord, tout le monde peut en faire autant. Il suffit de fermer les yeux. C’est de l’autre coté de la vie".

    Et aussi la dernière phrase du "Voyage" :( je cite de mémoire)

    "Au loin, le remorqueur a sifflé. Son appel a passé un pont, une arche, un autre pont. Il a emmené vers lui toutes péniches du port, toutes, et la nuit et ses malheurs, et nous aussi, tout, je vous dis, qu’on n’en parle plus".

    Merci, Captain, de ce voyage immobile.


    • Argo Argo 25 avril 2008 12:44

      Bonjour Sandro,

      Chose promise avant mon départ (retour vers mi mai... normalement), chose...

      Je sais que nous partageons une passion commune pour Ferdine. Tiens j’ai relu la fin du Voyage au bout de la nuit, " De loin, le remorqueur a sifflé ; son appel a passé le pont, encore une arche, une autre, l’écluse, un autre pont, loin, plus loin... Il appelait vers lui toutes les péniches du fleuve toutes, et la ville entière, et le ciel et la campagne, et nous, tout qu’il emmenait, la Seine aussi, tout, qu’on n’en parle plus. "

      Et dans le même livre, la traversée vers l’Afrique sur l’Amiral Bragueton des Corsaires Réunis, poursuivi par la hargne de petits fonctionnaires coloniaux tarés et alcoolisés, n’est pas mal non plus.

      A bientôt

       


    • Sandro Ferretti SANDRO 27 avril 2008 11:45

      Merci, Amiral, d’avoir, en tant que gardien du temple, cité in extenso cette phrase superbe qui ne tolère en effet pas d’approximation.

      Mais j’écrivais loin de chez moi, dans la fureur et dans le bruit.

      En relisant de nouveau l’article, il me fait aussi penser à un vers de Racine, objet de l’une des citations du Furtif dans son pict/ CV :

      "Que le jour recommence, que le jour finisse".

      Bon vent, bonne mer.


    • Argo Argo 27 avril 2008 11:59

      Bonjour Sandro,

      Derniers préparatifs, je pars demain matin. Beau temps, mer belle. En revenant, je pourrais peut être écrire d’autres billets de mer. Je viens d’acheter le bouquin de R Debray " Sur la mort d’Albert Londres". Assez décevant, pour ne pas dire bâclé. Et puis franchement Régis Debray, on se demande ce qu’il vient faire là dedans... Bien fait pour moi.

      Les grands naufrages, ça m’a toujours fasciné, y compris... sur la terre ferme, d’où les quelques billets "Meeticiens" que j’ai commis. L’incendie (accidentel ou criminel ?) du Georges Philippar en 1932, pile là où le Ponant a été capturé, la mort d’Albert Londres (et de 52 autres personnes) ça ferait peut être un sujet intéressant...

      A bientôt à tous


  • alberto alberto 25 avril 2008 13:06

    Ouf, ça change de la serine sarkomédiatique de cette fin de semaine ( y paraît qu’ Il a parlé à la télé ? ) 

    Merci Argo pour cette petite croisière littéraire.

    Bien à vous.


  • Radix Radix 25 avril 2008 13:14

    Bonjour Argo

    Très beau récit, remarquablement écrit, qui a mis des images sur mes rêves. J’ai traversé le canal maintes fois... en imagination, en rêvant sur les cartes marines !

    J’ai rêvé aussi sur Suez, alors la prochaine fois peut-être ?

    Radix


    • Soleil2B Soleil2B 25 avril 2008 16:46

      Les Messageries Maritimes ont inauguré le canal de Suez le 17 novembre 1869 avec le navire Méluse

      - Une bien belle (et longue, 181 ans) histoire que celle des M.M. De superbes livres !


  • mandrier 25 avril 2008 13:29

    Excellent !

    On se croirait aux postes de manoeuvre !

    La Marine c’est quand même autre chose ! 

    Si nos politiques se désintéressent de la Marine en géneral, c’est parcequ’il sont incapables de voir la ligne d’horizon... C’est triste !


  • Bulgroz 25 avril 2008 14:40

    Argo,

    Très belle histoire, j’adore ce style de littérature.

    Quand vous écrivez :  »Le Zeebrugge file à présent sur son erre » et « L’entrechoquement sonore de la chaîne filant sur l’écubier »

    Il me revient le passionnant livre de Norman Hall et Charles Nordhoff « Men against the sea » où j’avais noté sur un carnet les termes de marine que j’y avais trouvé. Les connaissez vous tous ? Les utilisez vous tous ?

    Alestir
    Plat-Bord
    Déhaler
    Alarguer
    Avirons sous les estropes des trolets
    Falaises accores
    Est-suett
    Paumoyer
    Voile à bourcet
    Hanches
    Désenverguer
    Aussières
    Loch
    Toron
    Have
    Accul
    Enganter
    Epreinte
    Anatife
    Guibre
    Juquer
    Capeler
    Galimafrée (ça c’est de la bouffe)
    Battures
    Tribord amure
    Grègne
    Caronade
    Ramasseur de pénille
    Miqueteux
    Quia

     

     

     


    • Argo Argo 25 avril 2008 18:43

      Alestir : Vieilli, on dirait plutôt alléger
      Plat-Bord  : Oui
      Déhaler : Oui, très courant
      Alarguer : Vieilli, porter plus largue (pour un voilier).
      Avirons sous les estropes des trolets  : je pense qu’il doit s’agir de "tolet", une cheville de bois ou de fer plantée ou clouée sur le plat-bord et à laquelle l’aviron est assujétti (capelée) par une estrope (un anneau de cordage). Aujourd’hui on trouve plus souvent une "dame de nage".
      Falaises accores  : Oui, côte accore en général. Falaise accore est plutôt un pléonasme.
      Est-suett  : Oui
      Paumoyer : Vieilli. Et puis aujourd’hui il y a des treuils pour virer les aussières
      Voile à bourcet  : Vieilli désignait je crois la voile et le mat de misaine.
      Hanches : Oui, très courant
      Désenverguer : Ancienne marine à voile avec enverguer pour fixer et détacher une voile de la vergue
      Aussières : Oui, très courant
      Loch Oui, très courant
      Toron : Oui, très courant
      Have : ???
      Accul : Oui et acculer ou culer pour reculer
      Enganter : Vieilli, moins de pirates de nos jours pour enganter leur proie
      Epreinte : je ne connais pas ce terme en marine ? je ne vois que les coliques
      Anatife : Oui, ce sont des coquillages, les pousse-pieds qui se fixent parfois sur les coques des navires (ceux qui ne naviguent pas)
      Guibre : ancienne marine en bois, figure de proue sculptée sur le beaupré (sirène, animal, etc.) 
      Juquer : ??? je ne connais pas, jucher ?
      Capeler : Oui, très courant
      Galimafrée (ça c’est de la bouffe) : pas spécialement dans la marine (on mange bien à bord)
      Battures : vieilli, haut-fond en général, et plus précisément banc si c’est du sable ou brisants si c’est de la roche ou du corail
      Tribord amure  : Oui, très courant pour un voilier, amure en général, babord ou tribord
      Grègne  ??? je ne connais pas
      Caronade : Ancienne marine de guerre, les canons modernes on remplacé les caronades
      Ramasseur de pénille : ??? un coquillage ? Se dit d’un "terrien" ?
      Miqueteux  ??? Contraction de miteux et loqueteux ? Quia ???

      Voilà, de nombreux termes sont assez anciens et remontent à la marine à voile mais dans l’ensemble, ces mots sont assez couramment uttlisés.


    • Bulgroz 25 avril 2008 20:08

      Désolé de vous avoir fait autant "travailler", Argo, ce n’était pas le but de la manoeuvre (de marine !), dans mes notes, je retrouve ce que vous avez écrit :

      Quelques précisions :

      Accul : Oui et acculer ou culer pour reculer  : j’avais noté : petite anse ou crique trop petite pour les grands bâtiments, servant d’abri aux pêcheurs et aux caboteurs, mais aussi lieu qui n’a pas d’issue.

      Epreinte : je ne connais pas ce terme en marine ? je ne vois que les coliques : Exact, il s’agit d’une contraction abdominale violente et douloureuse, envie d’aller à la selle

      Juquer : ? ? ? : je ne connais pas, jucher ? Exact : jucher, percher (au mat)

      Quia ??? : immobilisé, être réduit à quia, être immobilisé

      Have ??? : effectivement ,ce n’est pas un terme de marine : amaigri, blafard, blême, livide

      Grègne  ? ? ? je ne connais pas  : mes notes font l’impasse sur ce mot. (mot Wallon ?)

      Ramasseur de pénilles ? ? ? un coquillage ? Se dit d’un "terrien" ? : effectivement, comme vous dites si bien, c’est pas terrien : Pénilles : bandes de tissu destinées à faire des catalogues. Ramasseur de pénilles : loqueteux

      Merci pour votre patience et pour vos voyages !!


    • mandrier 25 avril 2008 22:55

      On "paumoye" toujours les filets pour les parer avent de les filet...

      Autrefois, on "paumoyait" la peinture (passer avec la main !) parceque les pinceaux n’étaient pas forcément mis à disposition par le maître chargé...


    • mandrier 25 avril 2008 22:58

      "Epreinte" ? J’avais vu ce terme dans le rapportdu Capitaine Blight à propos de son périple de 9000 milles à la voile après son abandon par les mutinés du Bounty... (Un très grand marin de capitaine Blight ! Son équipage n’était qu’un ramassi de voyous !)

       


    • Bulgroz 26 avril 2008 17:03

      Exact, Mandrier, les mots que j’ai glanés sont tirés du livre de Norman Hall et Charles Nordhoff « men against the sea » (Dix-neuf hommes contre la mer) qui est le passionnant récit du « voyage » à la voile et à la rame du Capitaine Blight et des hommes qui ont décidé de lui rester fidèles lors de la mutinerie du Bounty.

      Il ne s’agit pas d’un récit par la Capitaine Blight mais d’un livre écrit autour du témoignage, recueilli bien longtemps après, auprès du médecin du bord du Bounty, Thomas Ledward qui a fini sa vie à Tahiti.

      Le voyage a eu lieu en 1789, à 30 milles nautiques au large de Tofua (Ile Tonga) où Blight et ses 18 hommes ont été débarqués sur une barque (c’est le mot !) de 7 mètres jusqu’à Timor. Voyage de 41 jours et de 6701 km sans carte marine ou compas (seulement un sextant). Le seul mort de cette équipée est un matelot tué à coups de pierres par les natifs de Tofua (Tonga), seule et dernière île où la barque s’est arrêtée avant sa destination finale,au début de l’expédition donc. C’est pour cette raison (nous sommes en 1789) que Blight a constamment refusé de s’arrêter dans les îles rencontrées au cours du périple malgré la faim et l’impatience des membres de l’équipage.

      Pour le trajet et les courants marins, Blight travaillait de mémoire suite à un voyage d’exploration fait avec Cook en 1768.

       

       


    • rocla (haddock) rocla (haddock) 26 avril 2008 20:51

      Trop bien tous ces mots , merci .


    • Argo Argo 26 avril 2008 22:06

      William Bligh fut un des plus grands marins du monde même si son caractère était impossible (il a fini contre amiral et a servi sous Nelson où il s’est illustré).

      Pour moi, le Capitaine Bligh évoque un souvenir amer. A l’époque, j’étais jeune lieutenant sur le Rostand des Messageries Maritimes et mon commandant (paix à son âme) était un inconditionnel de Bligh. A l’occasion de ce voyage dans le Pacifique Sud, il revivait, à sa façon, l’histoire du Capitaine Bligh et l’épopée de la Bounty. Il m’avait puni de sortie à Tahiti, puis nous avait fait faire le détour sur la route entre Tahiti et Nouméa pour passer dans le détroit où Bligh avait été éjecté par son lieutenant mutin, Christian Fletcher (alias Clark Gable, Marlon Brando ou Mel Gibson).

      Bon, ensuite ça s’est arrêté là, parce je ne me suis pas mutiné, et que je ne l’ai pas mis dans une chaloupe.

      J’en garde toutefois un souvenir amer de cette consigne à bord à l’escale de Tahiti alors qu’avec une élève officier dont j’étais un peu amoureux, nous avions loué un "faré" pour 3 jours en baie de Cook, sur l’île de Moorea. Ce sacré capitaine Bligh a peut être contrarié, trois siècles après son infortune, l’amour d’une vie. Qui sait ? Parfois cela tient à si peu de choses...


    • Bulgroz 27 avril 2008 13:23

      Cette histoire, Argo, soulève une question : qui a oser utiliser le Faré dont la location était déjà payée et qu’est il advenu à la (jolie) élève officier qui s’y trouvait ?

      Ne me dites pas que c’est le Capitaine qui a osé ?


    • Argo Argo 27 avril 2008 13:35

      La jeune fille y est restée seule, tandis que le Capitaine et moi coulions une lune de miel à bord. Il n’allait que très rarement à terre.


    • Radix Radix 27 avril 2008 14:02

      Bonjour

      Petite définition pour "Have" : havre = abrit, anse pour mouillage.

      Radix


  • rocla (haddock) rocla (haddock) 25 avril 2008 14:49

    Avirons sous les estropes des trolets

     

    Ca veut dire  : les trolls arrivent estropons-nous ....


    • mandrier 25 avril 2008 23:02

      Lequel Mistral doit avoir un sacré fardage ! Cette baille à une vraie gueule de tangon !

      Le bibel ? Il est sympa au moins ? Et la rue de la joie ? Toujours aussi bien fréquentée ? Bon ! D’accord, ce n’est surement pas la "Casa del amor" de Panama !...


  • Soleil2B Soleil2B 25 avril 2008 16:38

    Bonjour Argo.

    - Un bien bel article,les commentateurs de Thalassa n’ont qu’à bien se tenir !

    - Les M.M avaient commencé en 1796 avec .......................des diligences !

    - Ca ne nous rajeunit pas les "Messageries Maritimes" sur lesquelles naviguaient un grand nombre de Corses ! Je me souviens de certaines histoires et de certains cadeaux ramenés du "bout du monde" : un disque de John Lee Hooker par exemple !

    - Plus ou moins 50 ans !


    • Argo Argo 25 avril 2008 19:00

      Oui au début c’était un service de transport terrestre, qui s’est diversifié dans le maritime sous la pression de la concurrence du chemin de fer en 1851. Le premier service maritime s’appelait "messageries nationales" devenues deux plus tard "messageries impériales" et finalement "messageries maritimes" à la chute de l’emprire vers 1870.

      Les "Messmar" ont été fusionnées avec la "Transat", la CGT (Cie Générale Transatlantique, la Cie du Normandie et du France, etc) en 1977 pour devenir la CGM (Cie Générale maritime). La CGM a été privatisée et acquise par la CMA de M Saadé en 1996. Aujourd’hui CMA-CGM est le troisième armement mondial.

      Une longue histoire, des bons souvenirs et... des moins bons. 


    • Soleil2B Soleil2B 25 avril 2008 22:57

      Oui Argo ; la CGT qui a mis dehors la compagnie Fraissinet qui avant desservait la Corse !

      - C’est pas d’hier !

      - Même la CGT, avec le Cdt Quéré ou le Sampiero Corso, lorsque tu allais dîner au resto des 1°, je te dis pas ! Et carrément à la proue le matin à 5h, lorsqu’on arrivait en vue du Cap Corse ! Zon rien inventé Caprio et Titanic ! Ca c’était des bateaux !

      - Maintenant, cabines en plastique et plateaux repas !

       


  • Charles Ingalls Charles Ingalls 25 avril 2008 17:33

    Trés bel article, vous avez décidement un talent certain pour l’écriture...

    Je regrette d’avoir "raté" votre article précédent...

    Merci pour la croisière et ... bon vent...


  • rocla (haddock) rocla (haddock) 25 avril 2008 17:35

    Boum boum boum boum , le John Lee !

    Salut Soleil


    • Soleil2B Soleil2B 25 avril 2008 22:35

      Tu te rends compte Hadd ! 50 berges !

      - Je me rappelle de ce disque comme si c’était hier !

      - Et bientôt comme ils disent dans la marine américaine : " Le Commandant quitte la passerelle"

      - J.L.H ---------Boom Boom------- The Blues Brothers !

      - The Hot Spot ------------ J.L.H---------Miles Davis-----------Taj Mahal !


  • snoopy86 25 avril 2008 17:46

    Bonsoir Argo

    Quelques jours loin de chez moi sans internet, je repasse ce soir sur AV dont la moiteur fétide commence à me lasser quelque peu et surprise, une brise marine, un petit vent du large soufflé par l’amiral...

    Remarquable article une nouvelle fois, belle écriture...

    Tout cela vaut bien un verre du Marange que je viens de monter de la cave. A la tienne amiral et bon vent puisque tu dois t’absenter... 


  • Bobby Bobby 26 avril 2008 11:24

    Bonjour,

    Belle prose, bien écrite, qui donne envie de participer au voyage... Merci beaucoup !

    Pour ceux qui aiment les voyages, je me souviens d’un livre que j’ai personnellement trouvé extraordinaire étant plus jeune, c’est d’un certain Wolfgang Haussner, et raconte le premier tour du monde en solitaire sur un catamaran qu’il avait construit lui-même... toute une épopée que je conseillerais volontiers pour autant que le livre ne soit pas épuisé !

    Bon vent à tous.


  • Sandro Ferretti SANDRO 17 décembre 2008 18:13

    Amiral,
    Ceci est une bouteille à la mer, ballottée par le clapot des grands vents désertiques du E- no man’s land .
    Dedans , il y a une vieille cassette de Barbara, la longue dame brune, qui chante en sourdine " dis, quand reviendras-tu ?".
    Mais on n’entend pas bien, y a trop de zeffirin , et puis les sardines s’en foutent....


Réagir