mardi 2 février 2010 - par Voris : compte fermé

Quelles réponses à la crise du logement ?

Alors que la Fondation Abbé-Pierre sort son 15ème rapport annuel sur le mal-logement en France et déclare que la crise économique a aggravé celle du logement, des voix s’élèvent pour alerter sur les solutions à trouver d’urgence. Pendant ce temps, que fait le gouvernement ? Le point...

 
stèle Abbé Pierre
 
Tandis que la Fondation Abbé-Pierre tire une énième fois la sonnette d’alarme et que la crise du logement s’amplifie, on a l’impression que le gouvernement ne prend pas toute la mesure du problème. Certes, des textes sont intervenus pour améliorer la gestion et la cohérence de la politique du logement. Mais si le souci d’une bonne gestion de l’existant est louable, l’investissement dans la création de logements paraît bien faible au regard des défis qui nous attendent.
 
1 - Les efforts du gouvernement
 
Ces efforts vont dans le sens de la rationalisation, de la cohérence, de la simplification et de la relance du logement par l’économie.
 
Parmi les dernières mesures prises, on peut relever notamment : 
  • Pour les organismes HLM : Chaque organisme d’HLM doit prouver ses résultats en matières d’occupation sociale. A cette fin, il doit conclure une convention d’utilité sociale avec l’État d’ici le 31 décembre 2010, une convention qui devra comporter des objectifs précis à atteindre notamment en matière de développement de l’offre d’accueil, d’hébergement et d’insertion, de droit au logement, etc. 
  • Hors secteur HLM : Un décret du 31 décembre 2009 vient réformer - pour le clarifier -le système d’agrément des organismes exerçant des activités en faveur du logement et de l’hébergement des personnes défavorisées hors secteur HLM traditionnel. Il faut savoir qu’il existe actuellement une trentaine d’agréments prévus dans le Code de la construction et de l’habitation et que certains d’entre eux n’avaient plus de raison d’être (caducs dans la réalité). Désormais, ne subsisteront que 3 types d’agréments en fonction de la nature des activités exercées par l’organisme : l’agrément "maîtrise d’ouvrage", l’agrément "ingénierie sociale, financière et technique" et l’agrément "intermédiation et gestion locative". 
  • L’ANAH (agence nationale de l’habitat) est réformée conformément à la loi Molle du 25 mars 2009 (loi Boutin) qui en a modifié les missions et la gouvernance. Pour les missions, l’ANAH est désormais substituée à l’État « dans les droits et obligations résultants des contrats passés par lui et des engagements financiers nécessaires à la poursuite des actions  » menées pour l’amélioration des structures d’hébergement. Un transfert d’opérations en cours se chiffre à 46 millions d’euros, dont l’Anah assurera le paiement. 
Des mesures qui devraient avoir un impact sur la construction de logements :  
  •  Le doublement du PTZ (prêt à taux zéro) : La loi de finances pour 2009 prévoit que « le montant de l’avance remboursable sans intérêt » (le prêt à taux zéro, PTZ) est majoré. Cette majoration s’ajoute au doublement du PTZ dans le cadre du plan de relance et elle est cumulable - dans la limite du coût total de l’opération - avec les autres majorations prévues par ailleurs. L’entrée en vigueur de cette majoration supplémentaire pour les logements neufs constitue un indéniable avantage nouveau pour les accédants à la propriété dans le neuf et pour le secteur de la construction, l’une des cibles privilégiées du plan de relance. 
Critique : Il s’agit de donner un coup de fouet à la création de logements neufs mais ce doublement de prêt ne s’applique pas au logement ancien et il expirera en 2011. 
  • La durée maximale des prêts locatifs sociaux (PLS) passe de 30 à 40 ans. Pour leurs opérations immobilières, les organismes contractent au moins deux prêts : l’un pour l’acquisition du foncier, l’autre qui finance le bâti. Sur la partie bâtie, jusqu’à présent la durée maximale des prêts était de 30 ans. Elle est portée à 40 ans (alignement sur la durée prévue pour les PLAI et les PLUS).
[ NDLR : En France, il existe une hiérarchie des logements qui dépend du niveau du loyer : 3 catégories de prêts PLAI, PLUS, PLS. Le premier correspond au loyer le plus faible (destiné aux plus pauvres)
 
On rappellera aussi les objectifs de mobilité dans le logement social et le renforcement du surloyer, de prévention des expulsion de la loi Molle, l’expérimentation d’un dispositif d’occupation de logements vacants par des résidents temporaires, etc. Autant de mesures destinées à libérer des logements au profit de ceux qui en ont le plus besoin. Malgré cela, le besoin en logements est très loin d’être satisfait et le gouvernement semble faire la politique de l’autruche face aux enjeux énormes qui se présentent. C’est aussi ce que dit le rapport de la Fondation Abbé Pierre.
 
2 - Les besoins criants mis en avant une fois encore par le rapport de la Fondation Abbé Pierre
 
La crise du logement est un mal profond, grave et durable, que persiste à ignorer le gouvernement.
 
Selon le rapport paru le 1er février, 10 millions de personnes sont aujourd’hui frappées par la crise du logement. Le nombre de personnes très mal logées augmente continuellement et révèle aux yeux du monde une France cruelle et très injuste : 3,5 millions de personnes survivent dans des cabanes, ou sans aucun abri. 600 000 enfants sont des "victimes collatérales du mal-logement". Avec les conséquences que l’on sait de l’insalubrité (saturnisme, affections respiratoires...).
 
On connaît les réponses toutes faites du gouvernement : la croissance repart, le chômage baisse et pour le logement, il faut libérer les logements indument occupés et permettre à tous d’accéder à la propriété ! Un discours décidément surréaliste et qui se fiche des réalités une nouvelle fois dénoncées par la Fondation Abbé Pierre qui ne lâche pas son bâton de pèlerin.
 
Le rapport dénonce d’entrée les responsables politiques qui par leurs discours s’efforcent de minorer les effets d’une crise de logement qui se fait le creuset des inégalités. "La crise du logement est bien antérieure à la crise financière puis économique qui ont submergé le monde à partir de l’été 2008 ; alors que ni ses manifestations ni ses causes n’ont été traitées."
 
Bientôt des chèques énergie ?
 
L’organisation évoque aussi la "précarité énergétique", qui concerne 3,4 millions de ménages. Ces foyers ne peuvent chauffer leur logement à un prix raisonnable. Sur ce point , un rapport d’un groupe de travail, remis au gouvernement le 6 janvier, propose la création d’un chèque énergie, dont le montant varierait selon le revenu des familles et leurs besoins en chauffage. Il propose aussi une généralisation des dispositifs locaux de lutte contre la précarité énergétique qui existent déjà dans une quinzaine de départements.
 
Rappelons au passage que l’effort de rénovation thermique des logements privés des plus modestes est ponctionné sur le logement social. C’est ainsi qu’en fin d’année 2009, Nicolas Sarkozy annonça que le secteur du logement social figure au rang des sept grandes priorités stratégiques du Grand emprunt. Malheureusement, il omit de préciser que sur les 2 milliards d’euros proposés par la commission Juppé - Rocard, il ne laissa que 500 millions d’euros finalement consacrés à la rénovation thermique et non au logement social décidément maudit comme à Neuilly !
 
Le rapport de la Fondation Abbé Pierre évoque également une "zone grise" du mal-logement, constituée de personnes installées chez des tiers, dans des campings, des squats, des caves, des garages...
 
Parmi les solutions proposées par la fondation, l’idée d’"imposer sur tout le territoire et dans tout programme immobilier de plus de 10 logements un quota minimum de 30% de logements à loyer accessible", d’"encadrer" les loyers des logements qui changent de locataires et de façon à limiter leur augmentation.
 
 
 
 


17 réactions


  • Gabriel Gabriel 2 février 2010 10:28

    Bonjour Voris,

     Aucun plan de soutien comme pour l’automobile n’est activé pour le BTP, -35% en 2009 et -15% de prévu en 2010 pour les mises en chantier. Le prix du foncier a explosé ces dernières années, le pouvoir d’acquisition des ménages c’est effondré, les banquiers trop occupés à se goinfrer distribuent les crédits immobiliers au compte goutte. Le livret A dont les intérêts devaient servir aux logements a été décapité par notre nabotléon. Concernant le logement en France il faudrait l’équivalent d’un plan Marshall. La fondation Abbé Pierre tout comme le DAL sont totalement ignoré des pouvoirs publics et ne tiennent debout que grâce aux bénévoles. Ceci dit, les hommes politiques de tout bord, ont posé sur la  photo pour être à côté de l’Abbé Pierre. Ils ont aucune honte ces cons !


    • Voris 2 février 2010 10:45

      Je n’ai pas abordé la question sous l’aspect économique mais j’ajoute ici que le domaine de l’immobilier n’est plus un secteur d’investissement mais un pan complet laissé aux spéculateurs pour qu’ils fassent leur beurre sur la misère des gens. De nombreux freins sont délibérément maintenus dans le secteur de la création du logement pour favoriser cette spéculation dont les politiciens doivent sans doute tirer un certain profit plus ou moins direct...


  • Reinette Reinette 2 février 2010 10:36

    « Je veux, si je suis élu président de la République, que d’ici à deux ans, plus personne ne soit obligé de dormir sur le trottoir et d’y mourir de froid. Parce que le droit à l’hébergement, je vais vous le dire, c’est une obligation humaine. Mes chers amis, comprenez le bien : si on est plus choqués quand quelqu’un n’a pas un toit lorsque qu’il fait froid et qu’il est obligé de dormir dehors, c’est tout l’équilibre de la société où vous voulez que vos enfants vivent en paix qui s’en trouvera remis en cause ».
    (Nicolas Sarkozy, discours de Charleville-Mézières, 18 décembre 2006)

    deux ans plus tard : 18 décembre 2008 = RIEN !

    mais bon, qui a pu le croire à l’époque, des bênets !


    • Reinette Reinette 2 février 2010 10:41

      Bonjour Voris

      bonjour à tous

      Rappel : Le droit au logement en France
      Droit constitutionnelLe droit au logement est considéré comme découlant, en France, de la rédaction des 10e et 11e alinéas du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 
      , qui fait partie de textes à valeur constitutionnelle :

      10. La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement.

      11. Elle garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence.

      préambule de la Constitution du 27 octobre 1946
       
      http://fr.wikipedia.org/wiki/Pr%C3%A9ambule_de_la_Constitution_du_27_octobre_1946


    • Voris 2 février 2010 10:51

      Le droit au logement a surtout été garanti pour la première fois par la loi du 31 mais 1990 dite loi Besson. Attention, c’est Louis Besson, ministre du logement de l’époque, et non pas Eric Besson. Ce n’est pas le genre de ce dernier...Puis la loi DALO a rendu le droit opposable à l’Etat qui est désormais tenu par une obligation de résultat et non plus seulement par une obligation de moyens. Héals ! Même l’obligation de moyens, l’Etat et les communes ne la respectent pas...


    • Voris 2 février 2010 10:54

      « Je veux, si je suis élu président de la République, que d’ici à deux ans »...bla bla bla. Et bien même Voris aurait fait beaucoup mieux ! C’est dire la mauvaise volonté de ce président.


    • Reinette Reinette 2 février 2010 11:41


      il y a également un très gros blème

      la Caf alloue des aides pour le logement à des personnes résidant dans des piaules pourries dans des « hôtels  » qui se sont spécialisés dans ce genre de location - je trouve cela scandaleux ce système qui coûte cher à la collectivité ; au lieu de construire des logements sociaux (pour 2 personnes l’aide de la Caf peut aller jusqu’à 1000 euros/mois directement versés à l’hôtelier

      un bon nombre de ces hôteliers/voyous ont fermés quelques temps leurs bouges pour faire des travaux grâce à l’argent de la Caf ainsi cumulé ... et bien souvent après la rénovation les chambres sont réservées aux « touristes », ils ne reprennent pas les personnes qui logeaient avant, elles sont à la rue



    • Voris 2 février 2010 11:50

      Les « marchands de sommeil » font en effet un profit juteux avec les aides des CAF et des Conseils généraux. La situation continuera de profiter à ces spéculateurs car rien n’est mis en oeuvre pour arrêter ces abus. Il faut savoir que loger des familles dans des hôtels coûte plus cher à la collectivité que la mise à leur disposition de logements vacants (il y aurait 400 000 logements inocccupés en Ile-de-France).


  • foufouille foufouille 2 février 2010 12:21

    le logement social sert surtout a fournir des postes aux fils de la france d’en haut
    ils ne sont pas entretenu ni remis au norme
    un bailleur public est aussi pourri qu’un bailleur
    sauf que le prive touche pas de subventions ni de salaire a vie


  • Romain Desbois 2 février 2010 12:35

    Sans parler du dispositif ROBIEN et ses variantes qui permettent à de se faire rembourser une large partie de son bien immobilier (c’est allé jusqu’à 75% de la valeur du bien !), dispositifs qui a l’origine était conditionné à des loyers plafonds, des loyers sociaux. Puis comme par hasard ces conditions ont disparu.

    Sans parler des centaines d’organismes qui gèrent le 1% logement dans lesquels certains touchent 220 000 euros de salaire annuel ! (source canard enchainé)

    Sans parler du million d’euros par jour que l’Etat débourse pour loger en urgence à l’hotêl des familles avec enfants. (source Emmaüs ce matin sur France Inter)

    Le problème n’est pas le manque d’argent ni le manque de logement, il ya suffisamment et de l’un et de l’autre.

    Le vrai problème est que beaucoup se servent au passage, que la pauvreté développe une économie que l’on peut comparer à une économie parasite, parallèle.


    • Voris 2 février 2010 13:39

      C’est en effet un véritable scandale ! C’est plein de petits Proglio dans le social puisque « Sur 89 directeurs généraux de collecteurs, trois déclarent gagner plus de 200 000 € par an, 19 affichent entre 150 000 € et 200 000 €, et 31 perçoivent entre 100 000 € et 150 000 € ! Et encore ne s’agit-il là que des salaires : ni les primes, ni les indemnités de départ, ni les éventuelles retraites chapeaux ne sont signalées. » Source Le Parisien

      Quant au 1% logement qui était au départ une contribution des employeurs, il devient un impôt et il est détourné par l’Etat à d’autres fins.


  • Bélial Bélial 2 février 2010 12:50

    Voilà un vrai problème, qui mérite qu’on s’y penche, et qu’on le solutionne enfin.


  • Bélial Bélial 2 février 2010 12:56

    Un truc m’a frappé, quand sarkozy a donné un poste à Martin Hirsch, je me suis dis merde il se fout de nous c’est pour faire beau, qu’est-ce qu’il va faire seul ? Tu peux filer un ministère à l’abbé Pierre, seul et sans moyens il pourra rien faire, il faut mettre des associations entières sur le coup, les écouter, leur donner et se donner les moyens et résoudre les problèmes.


  • L'enfoiré L’enfoiré 2 février 2010 15:59

    Salut Paul,
     Un chiffre a attiré mon regard : 10 millions.
     Cela représente exactement la population de la Belgique.
     Dix millions frappés par la crise du logement.
     Cela plus de 15% de la population française.
     Enorme. J’ignorais. 


  • Emmanuel Martin 3 février 2010 00:24

    Je me permets de mettre un lien vers mon article qui tente de traiter les problèmes de fond de la crise du logement, en remontant aux sources des déséquilibres :
    http://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/crise-du-logement-ce-qu-on-ne-dit-69235?debut_forums=0#forum2420669


  • Voris 3 février 2010 16:02

    Le secrétaire d’Etat au logement, Benoist Apparu 140 000 logements locatifs sociaux.

    Cette augmentation (par rapport à 2009, 125 000 créés) n’est pas liée au rapport de la fondation Abbé Pierre. Elle était déjà prévu au budget 2010.

    Ce chiffre global ne done pas la décomposition en PLUS, PLA-I et PLS. Autrement dit les PLS (logements pour les personnes les plus favorisées) pourraient représenter une part importante au détriment des logements très sociaux. Or, la fondation Abbé Pierre demande « 150.000 logements vraiment sociaux par an dont 30.000 PLAI familiaux. »

    Indication : La commission des Finances avait donné les chiffres suivants : « En 2010, la production de 110 000 logements locatifs sociaux nouveaux devrait être financée (hors plan de relance de l’économie), se décomposant en 58 000 PLUS, 20 000 PLAI et 28 600 PLS agréés. »

    Autre indication : Il est annoncé une somme de 624 millions d’euros qui devrait être versée aux organismes HLM au titre d’aides à la pierre, le reste le serait sous forme d’aides fiscales. Comme on sait que les aides à la pierre sous forme de subventions directes de l’Etat ne concernent que les PLUS et PLA-I et pas les PLS. Et que ces derniers sont aidés par les déductions fiscales, et à en juger au niveau élevé des déductions fiscales annoncées, il semble que les PLS soient une fois encore favorisés au détriment des logements très sociaux.

    Tout cela reste à vérifier...


    • Voris 3 février 2010 16:06

      Pardon pour les fautes et pour l’oubli suivant :

      « Le reste », c’est le solde 4,7 milliards d’euros moins 624 millions d’aides directes. On voit que les aides fiscales sont largement favorisées par rapport aux aides directes (aides à la pierre aux organismes HLM et aux SEM par la Caisse des dépôts) et donc les PLS par rapport aux logements très sociaux.


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