Quelques réflexions sur la grève de l’anglais de Michel Serres
Après que l'année dernière une polémique sur l'enseignement en anglais dans l'enseignement supérieur ait été vite désarçonnée par les médias à coup de "on n'a pas le choix", "l'anglais c'est vital", "on est les plus nuls an anglais", un nouveau cri d'alarme vient éveiller les consciences.
C'est dans un entretien avec la Dépêche du Midi que le philosophe et enseignant à l'université de Stanford Michel Serres critique l'omniprésence l'anglais en France. Ainsi il propose un boycott des marques et produits qui utilisent à outrance l'anglais quand ils pourraient traduire leurs slogans. Au delà de cette proposition d'activisme pratique, Michel Serres envisage l'anglais comme une langue de riche, à l'inverse de la langue de pauvre qu'est le français.
La proposition de refus des compagnies abusant d'anglicismes ou carrément de phrases en anglais semble plus être de l'ordre de l'opération coup de poing que d'une action durable. Même si les propos de Michel Serres sont très louables, dans le fond ils ne me semblent pas mûrement réfléchis.
Ainsi, quand il dit que l'anglais est celle des riches, il a relativement tort : on compte beaucoup de pauvres avec anglais comme langue maternelle dans le monde, et même en France, des gens peu aisés peuvent maîtriser l'anglais aussi bien voire mieux que des gens aisés par une consommation culturelle anglophone.
Par contre il est vrai que l'anglais est l'une des composantes qu'utilise la classe dominante pour assoir son pouvoir. Ainsi la maîtrise de l'anglais est de plus en plus nécessaire pour accéder à des postes de responsabilité, que ce soit dans l'entreprise ou dans l'Etat.
En fait l'analyse que Michel Serres fait de l'anglais et de sa situation est biaisée, ainsi, en déclarant " Je suis d’accord qu’il y ait une langue de communication, il y en a toujours eu une ", il légitime la cause première des conséquences qui l'indignent. En effet, si l'anglais s'immisce peu à peu partout dans la société française, c'est lié à sa place prépondérante comme langue de communication accompagnant le phénomène de mondialisation. L'anglais parvient donc même toujours plus à être utilisé dans des situations n'impliquant pas de communication internationale (comme dans les publicités françaises par exemple), car il représente une ouverture au monde et un développement des opportunités.
Et tous les problèmes (l'anglais supplantant les langues nationales comme langues d'enseignements et langues scientifiques, les anglicismes..) viennent du fait qu'un consensus s'est créé au fil du 20ème siècle autour de l'adoption de l'anglais comme langue internationale. Et quand la France, en 1922, a voté à la Société des Nations (SDN), ancêtre de l'ONU, contre l'adoption de l'espéranto comme langue internationale, on se dit qu'elle l'a bien cherché, la suprématie de l'anglais.
Pourtant il existe une solution qui ne demande qu'un appui politique et populaire fort pour changer la donne : l'alternative de l'espéranto. En effet l'espéranto pourrait-être à même de régler beaucoup de problèmes créés actuellement par l'usage de l'anglais. Premièrement car l'espéranto est une langue neutre, qui n'avantage donc pas de pays par rapport aux autres (savez vous que chaque année les pays anglophones gagnent des milliards d'euros tenant à l'avantage de leur langue sur les autres langues ? - tourisme, édition, négociations commerciales inéquitables..). Ensuite l'espéranto est une langue très simple à apprendre (5 à 10 fois plus rapide à apprendre que l'anglais selon les études), ce qui réduirait donc considérablement les coûts et les difficultés de communication internationale. L'espéranto, mise en avant comme langue de communication internationale, permettrait aussi une sauvegarde de la diversité culturelle et linguistique, en permettant une traduction simple et efficace entre chaque culture et l'international - alors que les production tendent à s'angliciser partout (même en France on tourne en anglais...). Voici une argumentation étoffée en faveur de l'espéranto.
Je remercie donc Michel Serres pour son cri d'alarme, mais je lui adresse la nécessité d'une alternative, car sinon ce cri sera voué à l'échec.