samedi 24 mars 2012 - par Cedric Citharel

Rajouter un peu de chaos dans l’équation

En cette période de deuil et d’union nationale, il est aisé de vilipender la tendance à stigmatiser les minorités, la politique nationale impérialiste et la paupérisation des banlieues (quand on est de gauche) ou de fustiger le laxisme rampant, la porosité des frontières et l’échec de l’intégration des immigrés (quand on est de droite). Mais si l’on s’extrait des analyses politiques, sans pour autant tomber dans les considérations psychologiques de supérette, peut-on essayer de comprendre ce qui est en train de se passer ?

Je ne reviens pas sur les faits, le peu qu’on en connaît a été retransmis en boucle sur toutes les chaînes et imprimé en première page de tous les quotidiens. En revanche, en observant leurs conséquences immédiates, je pense qu’on peut en apprendre sur la façon dont notre système fonctionne.

D’abord, il n’aura échappé à personne que nos politiciens ont adopté des stratégies différentes suite aux crimes perpétrés par ce tueur. Bien naturellement, ceux qui s’estiment à l’aise et crédibles sur le plan de la sécurité ont cherché à faire peur (y compris aux enfants des maternelles qui se sont vus imposer une minute de silence dans leur classe) tandis que les autres ont joué sur le caractère raciste de cette tuerie, rendu possible par un virage trop à droite de la politique nationale (qui n’est pourtant pas récent). Enfin, le Centre, qui bénéficie sur ce sujet d’une certaine virginité en a profité pour s’attaquer au président en place.

Je ne commenterai pas la pertinence des stratégies adoptées, seuls les sondages nous diront qui a eu raison et qui a eu tort. En revanche, je vais m’attarder un peu sur les contexte dans lequel ces stratégies ont été adoptées.

D’abord, il est facile d’observer les difficultés que rencontrent les plus petits partis, incarnés par un seul leader charismatique, pour réagir à ce type d’événements. Puisqu’un candidat à la présidence se doit de rester digne, il lui est difficile de porter des coups bas. Les leaders des gros partis, appuyés par des subordonnés qui disposent d’une bonne visibilité médiatique, peuvent confier les attaques en dessous de la ceinture à leurs proches collaborateurs (Copé, Royal…) Les autres en revanche, sont obligés de faire profil bas ou d’assumer plus ou moins difficilement leurs attaques et leurs commentaires.

La récupération n’est donc pas une question de dignité, mais bien d’opportunité, voire de moyens. Quand Copé accuse le PS d’instrumentaliser l’événement, à l’instar de monsieur Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir, il l’instrumentalise à son tour. Il faut bien comprendre que pour nos politiciens, la récupération n’est pas un travers, c’est leur métier. Que ce soit pour dénigrer leurs adversaires, justifier leur politique ou prendre de la hauteur, les politiciens et leurs conseillers en communication se doivent d’utiliser les événements les plus médiatique, et cela pour une bonne raison : s’ils ne le faisaient pas, on leur en porterait grief.

Troisième point, qui pour moi reste le plus important : le système se nourrit de ses propres détracteurs. Le terrorisme a justifié l’invasion de l’Irak et l’adoption de lois liberticides aux États-Unis, nous verrons comment il sera utilisé en France. Renforcement du flicage et du fichage, augmentation des subventions aux associations favorisant l’intégration et l’endoctrinement des jeunes en difficulté ; en cette période d’élections, cela dépendra des dirigeants qui parviendront à profiter de l’événement. Étrange société que celle dans laquelle nous vivons et où les terroristes et les criminels sont devenus une variable de l’équation.

Mais que ce passerait-il si le prochain meurtrier ne se faisait pas prendre et s’il agissait sans autre motivation que de plonger le système dans le chaos ? Les politiciens pourraient-ils rebondir sur des crimes toujours différents et qui échappent aux schémas logiques qu’on nous impose ? Et puisque l’un des rares moyens pour lutter efficacement contre un système semble être de le frapper sans relâche et sans logique, combien de temps un tel individu, ou groupe d’individus, serait considéré comme un fléau avant d’être considéré comme un libérateur ?



2 réactions


  • mic0741 mic0741 24 mars 2012 09:23

    « Mais que ce passerait-il si le prochain meurtrier ne se faisait pas prendre et s’il agissait sans autre motivation que de plonger le système dans le chaos ? »

    C’est bien simple, il serait de toute façon taxé d’appartenance à un groupe ou une communauté de sorte que son action puisse être instrumentalisée. Notre société n’admet plus la folie gratuite. Preuve en est avec Merah dont il aurait été aussi simple de convenir qu’il était atteint de folie meurtrière. Parce que son soi-disant embrigadement ne change rien aux fait qu’il avait un problème personnel qui le poussait à tuer. Pour moi ce comportement relève avant tout de la psychologie ou de la psychiatrie, et qu’il ait été outillé par un organisme n’y change rien sinon que certains s’en servent pour justifier leurs actions ou leurs propositions, dont on peut remarquer qu’elles vont toutes dans le sens d’une restriction de nos libertés. Vive notre société « démocratique » !

  • Pierre Régnier Pierre Régnier 24 mars 2012 23:30

    LE XXIe SIECLE SERA RELIGIEUSEMENT CORRECT

    Il sera violent, tricheur et lâche…

    Ce n’est pas annoncé dans les premières pages d’Agoravox mais ça existe. C’est ici  :

    http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/le-vingt-et-unieme-siecle-sera-113119


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