jeudi 16 juin 2016 - par Desmaretz Gérard

Recherches & localisation des Boîtes noires

Lors de la disparition d’un aéronef ou d'un crash aérien, les autorités déclenchent le plan Sauvetage Aéro-Terrestre (SATER) et s'affairent immédiatement à retrouver l'appareil et à localiser les « fameuses » boîtes noires. Celles-ci correspondent au Digital flight Data Recorder qui enregistre les paramètres de vol, vitesse, altitude, cap (jusqu'à 1 300 paramètres), etc. sur une durée de 25 heures, et au Cockpit Voice Recorder qui lui enregistre les sons (conversations des pilotes, messages de cabine, bruits d'ambiance). Chacun de ces deux boitiers est équipé d'un Crash Survival Memory Unit comportant deux balises pour aider à leur localisation.

Il existe trois principes pour transmettre à distance des signaux sans fil : optiques - électromagnétiques - acoustiques. Le flash stroboscopique ne porte qu'à quelques kilomètres et encore moins en forêt dense ou lors d'un crash en mer. La balise de détresse radiofréquence localisable par homing (le signal capté, l'opérateur dirige le mobile de secours sur le spot). Lors d'un crash et partant du principe qu'un appareil suit un plan de vol prédéfini, les autorités dépêchent sur la zone probable, un appareil d'observation qui « balaie » la zone à la vitesse d'environ 320 km/h (au delà, la vitesse de défilement dépasse nos capacités visuelles) et d'une altitude d'environ 300 mètres d'altitude (ce qui correspond sensiblement à un couloir de 3 kilomètres de large) à la recherche d'indices visuels ou à la réception de signaux radioélectriques émis par la balise automatique de détresse qui émet sur 121.5 Mhz et 243 Mhz (deuxième harmonique du signal veillé par les militaires), fréquences pouvant être captées par d'autres avions à une bonne centaine de kilomètres de distance. Par contre leur portée au sol est beaucoup moindre, car les ondes VHF ne se propagent qu'en ligne droite comme un rayon lumineux le ferait. D'autre part, un appareil peut avoir dévié de son plan de vol et s'être abîmé dans une zone non couverte par les lignes aériennes régulières. La réponse pourrait être apportée par une balise émettant sur 401.65 Mhz, signal pouvant être capté par les satellites Argos et localisable à 500 mètres près. En attendant, il faut s'en remettre à l'Aircraft communication addressing and reporting system (Acar) qui envoie automatiquement et régulièrement des informations techniques aux équipes au sol. Seulement voilà, toutes les compagnies aériennes ne disposent pas d'une trésorerie suffisante pour s'offrir un abonnement « premium ».

Si l'appareil s'est abîmé en mer, un appareil de l'aéronavale décolle afin de survoler la zone estimée à la recherche de traces dans l'espoir d'avoir à larguer une chaîne SAR (canots gonflables et de vivres) aux survivants. Si l'appareil a coulé, les ondes radioélectriques à haute-fréquence (HF) et au-delà (VHF-UHF, etc.) ne pénètrent pas la couche d'eau. Elles sont donc inutilisables. Les ondes sonores sont les seules à rester en lice. Le son est un phénomène de nature vibratoire qui se crée et se propage par des chocs élastiques entre les matériaux. L'oreille perçoit un bruit lorsqu'une perturbation atteint le milieu (air, solide, liquide) et que l'ébranlement consécutif parvient au tympan. Lorsque les ondes sonores parviennent à l'oreille, elles donnent une impression sensorielle qu'on appelle son, bruit ou onde matérielle (pour la différencier des ondes radioélectriques immatérielles). De façon générale, on peut appeler bruit toute impression sonore qui n'est ni un son ni un accord. Les sons émis sur une fréquence audible (18 à 18 000 Hz) sont très bien perçus par l'oreille d'un plongeur qui peut entendre un avion survoler l'eau et de l'opérateur d'un sous-marin ou d'un bâtiment de lutte anti-sous-marine qui perçoit les bruits lointains des machines d'un bâtiment et les mammifères marins. Il est à noter que si les sons aigus (fréquence élevée) sont mieux perçus par l'oreille, ils se propagent bien moins que les sons graves.

Afin de pouvoir isoler un son précis du bruit de l'océan, on a recours aux ultra-sons (inaudibles par l'oreille humaine). Le signal émis peut être capté grâce à un réseau d'hydrophones passifs (microphones sous-marins) remorqué à quelques nœuds derrière un navire ou un sous-marin. La balise ultra-sonore s'active automatiquement au contact de l'eau pour émettre un signal ultra-sonore omnidirectionnel. L'utilisation des ultrasons repose sur le phénomène de la piézoélectricité (Langevin). Le haut-parleur de la source sonore (amplificateur) est remplacé par un transducteur piézoélectrique dont l'apparition d'un champ électrique entraîne la déformation mécanique du transducteur comme le fait la bobine sur la membrane d'un haut-parleur.

Pour matérialiser l'émission d'un transducteur ultra-sonore, on peut prendre l'exemple d'une pierre qui tombe dans l'eau, son choc à la surface va repousser violemment les molécules et entraîner l'apparition d'ondes (d'oscillations) circulaires ayant pour origine le point de chute de la pierre. La longueur d'onde symbolisée par la lettre grecque lambda représente la distance séparant deux mêmes points sur une sinusoïde (distance séparant les deux crêtes d'une ride à la surface de l'eau), la fréquence étant le nombre d'oscillations se produisant dans une seconde. La longueur d'onde est égale au rapport entre la vitesse et la fréquence le nombre d'oscillations se produisant dans une seconde. L'amplitude de la vibration décroît avec la distance car l'énergie de l'onde se répartit dans un volume qui s'accroît. Plus la fréquence est élevée, plus l'absorption du son est grande.

La balise ou pinger émet un bip d'une puissance de 160 dB (bruit équivalent au tir d'un fusil d'assaut) chaque seconde sur une fréquence de 37,5 kHz pendant une durée d'au moins trente jours consécutifs (certaines balises ont une autonomie de 3 mois). La faiblesse d'une boite noire ne réside pas seulement dans sa robustesse mécanique (boitier en titane capable de résister à 1100°C pendant 60 minutes et à une immersion de 7 000 mètres), mais dans son alimentation électrique. La portée d'un pinger est fonction de sa puissance, plus le pinger est puissant, plus il consomme d'énergie. La fiabilité de la batterie liée à l'autonomie annoncée par le constructeur est de 6 ans, délai au-delà duquel il convient de procéder à son remplacement (temps moyen de bon fonctionnement). Si la maintenance n'est pas assurée correctement, la durée de vie et la capacité de la batterie peuvent être beaucoup moindres.

Le mode de propagation des ondes sonores dans l'eau présente une analogie avec la propagation des rayons lumineux. Le passage de la lumière à travers des matériaux d'indices différents est à l'origine du phénomène de réfraction. En présence d'une différence de température entre deux couches d'eau (thermoclines), on peut se retrouver en présence d'un « canal sonore » qui conduit les sons à grande distance, voire à très grande distance et créer de véritables chenaux sonores. Des différences de température et ou de salinité peuvent aussi représenter un obstacle et être à l'origine de variations de propagation. Une couche d'eau chaude voisine d'une couche d'eau froide peut avoir un effet de « miroir » et la propagation sonore ressembler à la propagation lumineuse dans une fibre optique. Le son peut aussi venir se « réfléchir » sur la surface, sur le fond, sur un obstacle, et l'onde sonore cheminer par réflexions successives. L'onde incidente (réfléchie) peut parfois interférer et entraîner un changement soudain des conditions de propagation. Si le signal est en phase, il se renforce, dans le cas contraire cela peut conduire à l'extinction totale du signal. Cela nous montre les difficultés et explicite les aléas rencontrés dans la propagation acoustique. Un signal peut être perçu à grande distance et ne plus l'être dans une zone située plus proche de la source sonore.

En approximation, l'absorption est proportionnelle au carré de la fréquence, par contre, plus la fréquence est basse, moins elle est directive. La propagation des sons semble inversement proportionnelle au carré de la distance, autrement dit, si la distance double, le signal est 4 fois plus faible, si la distance triple, le signal sera 9 fois plus faible. Mais en présence d'une surface capable de réfléchir le son, cette loi empirique ne saurait convenir, il faut tenir compte des frottements rencontrés par les molécules qui sont la cause d'un amortissement. Pour une distance inférieure au kilomètre on peut cependant négliger cet amortissement.

Les écrans acoustiques, les courants, les variations de températures, les bruits ambiants, voilà quelques paramètres capables d'influer sur la qualité de la liaison. On pourrait comparer ces problèmes avec le fading (affaiblissement, extinction) des hautes-fréquences dans les liaisons à longue distance. Le samedi 5 avril 2014, un navire chinois captait pendant 90 secondes un signal ultra-sonore dont les caractéristiques étaient proches de celles émises par les boites noires du vol MH 370 de Malaysia Airlines disparu le 8 mars 2014 quelque part dans l'océan Indien avec 239 personnes à bord. Le lendemain, l'Ocean Shield, un navire de la Marine australienne participant aux recherches, détectait à 65 nautiques de cette zone d'autres signaux acoustiques d'une fréquence de 37,5 kHz, fréquence très spécifique qui ne se rencontre que très peu dans le bruit de fond océanique. Un robot sous-marin équipé d'un sonar, le Bluefin-21, a balayé une surface de 400 km carrés, en vain ! Dans les années soixante, les sous-mariniers avaient enregistré à plusieurs reprises un mystérieux « bruit du canard » dans l'océan Antarctique. Sa source était restée un mystère jusqu'à cette étude scientifique découvre en avril 2014 que ce « bruit du canard » appartenait à l'espèce de baleine de Minke...

Les recherches aériennes & maritimes engagées par vingt-six pays n'ont toujours pas permis de retrouver l'épave du Boeing 777 de Malaysia Airlines disparu le 8 mars 2014 quelque part dans l'océan Indien. Le coût des opérations pourrait être beaucoup plus élevé que ce qu'avaient coûtées les deux années de recherche de l'AF447 Rio-Paris d'Air France, les dépenses se situaient entre 80 et 100 millions d'euros. A la suite du crash du vol AF-447 Rio-Paris, les enquêteurs français du Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA) avaient recommandé d'allonger de 30 à 90 jours la durée d'émission des balises fixées aux enregistreurs de vol et suggéré que la balise émette désormais sur une fréquence plus basse vers 8 ou 9 KHz (boomer). Une fois les pingers localisés à quelques mètres près, encore faut-il qu'ils ne soient pas désolidarisés des boîtes noires... Autre écueil, dans le cas du crash de l'appareil de la Swissair du 2 septembre 98, l'électricité avait été coupée six minutes avant le drame, si bien que les boîtes noires furent inexploitables sur cette durée de temps cruciale... Les boîtes noires récupérées, rien ne garantit que le CVR n'ait pas été désactivé volontairement en tirant sur le « breaker » (interrupteur) accessible depuis le cockpit... Pourquoi les syndicats de pilotes sont t-ils opposés à ce que le « breaker » ne puisse plus être désactivé ? Idem pour le transpondeur qui sert à identifier l'appareil. J'avais fait mention des raisons à le désactiver sur un blog voici plusieurs années, bien avant que l'on en parle pour le vol MH 370...

 



2 réactions


  • Jn (---.---.196.134) 17 juin 2016 13:08

    Excellent agréable à lire ça change des inepties qu’on trouve habituellement sur ce site


  • sirocco sirocco 17 juin 2016 20:19

    L’analyse des boîtes noires sera opérée par un pays atlantiste.
    Ce qui veut dire que si l’avion a été victime d’un tir de laser militaire effectué depuis un des navires de guerre américains présents en Méditerranée, on ne le saura jamais.


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