mercredi 26 février 2020 - par GHEDIA Aziz

Réflexions « jadidiennes » * inspirées par le Hirak*.

A un ami qui me pressait de répondre à sa question concernant l’orientation politique de notre parti politique, Jil Jadid, j’ai répondu, sans la moindre hésitation, ceci : libérale sur le plan économique. Non pas parce que la tendance actuelle en matière de politique économique est le libéralisme, et cela sous presque tous les cieux, mais parce que, de mon point de vue ça correspond parfaitement bien à la mentalité de l’algérien. Et, j’ai tout de suite ajouté, pour être plus convaincant encore « mais nous ne négligerons pas la dimension sociale dans notre programme politique » ! « En somme, vous voulez dire que votre parti sera une social-démocratie, comme les pays scandinaves », me dira encore mon ami et d’ajouter « alors l’Algérie va âtre la Suède si toutefois votre parti arriverait au pouvoir » ?

Il est évident que ma réponse à cette dernière remarque de mon interlocuteur ne pouvait qu’être oui.

« Pourquoi pas, lui-dis-je ? Qu’ont-ils de plus que nous les scandinaves qui ont pu ériger des systèmes politiques presque infaillibles où chacun de leurs concitoyens se sent à l’aise et protégé par la loi ? Viendrait-il à l’esprit d’un jeune suédois, par exemple, de braver les éléments de la nature, la mer du nord déchaînée, de se mettre dans la peau d’un « Harrag » et de mettre le cap sur le Sud ? Non. Il n’a pas besoin de tout cela. Il ne risquera pas sa vie pour un hypothétique Eldorado. Son pays est déjà un Eldorado. Il lui offre tout : enseignement, travail, logement et loisirs. Pourtant, ni la Suède ni un autre pays scandinave ne dispose de richesses naturelles dont nous disposons, nous. Alors ? Où réside le mal qui fait que presque tous les algériens se sentent mal dans leur peau dans leur pays » ?

La réponse à cette question est éminemment politique.

Le pays est immense. Il présente de nombreux contrastes sur le plan du relief et de la géographie. En quelques heures vous pouvez détaler les pentes raides des monts Djurdjura pour vous retrouver dans les zones semi désertiques de Boussaâda, par exemple, et, à chaque détour de la route, les paysages sont d’une beauté saisissante qui vous donne le tournis. Le climat y est bon et le soleil généreux tout au long de l’année. Ce n’est donc certainement pas le pays en lui-même qui pousse les gens à l’émigration clandestine. Alors, pourquoi la seule chose qui intéresse les jeunes algériens quel que soit leur niveau d’instruction et quelles que soient leurs conditions socio économiques est de partir loin de ce pays ? Un aller souvent au péril de leur vie. Beaucoup d’entre eux n’atteindront pas l’Eldorado de leurs rêves. Pourtant ceci ne dissuade pas les autres de tenter, eux aussi, l’aventure. Aventure qui se termine souvent mal, tragique même pour certaines familles qui ne pourront même pas faire le deuil de la disparition de leurs enfants à la fleur de l’âge : pas de corps, pas de sépulture ! Ou alors, lorsque la mer daigne rejeter les corps, ils sont tellement abimés, en décomposition avancée qu’il est difficile même à la police scientifique de les reconnaître. Pourquoi je parle de tout cela, je veux dire de ce phénomène de l’émigration clandestine qui est devenu en quelques années presque un fléau social ? Tout simplement parce que c’est une réalité. Cette réalité est amère certes, mais ne faisons pas comme l’autruche. Ayons le courage de l’aborder et d’en parler.

Je disais cela il y a quelques années, lors d’une discussion avec un ami qui n’a jamais cru en la chose politique. C’était tout au début de la création du parti Jil jadid, en 2012. En ce qui me concerne, par contre, j’étais très enthousiaste à l’idée de faire partie d’une nouvelle génération d’hommes politiques, autodidactes pour la plupart et n’ayant jamais fricoté avec le système auquel nous étions, cependant, tous prêts à s’opposer. J’étais aussi très optimiste quant au changement inéluctable qui nous attendait. J’avais l’intuition et l’intime conviction qu’il fallait juste forcer le destin. C’est chose faite aujourd’hui. Et c’est ce qui fait dire à beaucoup de gens que ce Hirak est béni, un don du ciel qui est arrivé à point nommé pour secouer le cocotier. On en dira pas plus. 

En ce temps-là, le pays était encore gouverné par une coalition de partis politiques qui avaient certainement juré dévouement et fidélité à l’ex Président Bouteflika mais qui étaient honnis par la majorité des Algériens. En fait, c’était par intérêt personnel et donc pour la sauvegarde de leurs privilèges notamment matériels que les hommes politiques qui gravitaient autour du cercle présidentiel soutenaient de façon inconditionnelle les successifs mandats présidentiels de l’ex Président. Ils voulaient même en faire un Président à vie… même si, tout un chacun, en Algérie, savait que l’état de santé de ce Président était des plus calamiteux. Il ne tenait « debout » que par la grâce de la médecine moderne. En fait, je devrais dire qu’il ne tenait assis sur sa chaise roulante que grâce aux soins intensifs qui lui étaient prodigués dans les meilleures cliniques de France et de Suisse. 

Aujourd’hui, soit une année après le début du Hirak, ces partis politiques, pour ne pas disparaître de la scène politique, essaient de nier les faits. Ils essaient de faire croire aux gens naïfs et peut-être aux simples d’esprit qu’ils n’y étaient pour rien dans la gestion catastrophique du pays, qu’ils n’étaient qu’un simple faire- valoir aux vrais tenants du pouvoir. Mais personne ne croit aujourd'hui à ce discours ou, pour être un peu plus méchant et vulgaire, à ces sornettes. La rue algérienne continue, de toutes les façons, à réclamer ET à exiger la mise au musée pour le plus vieux d’entre eux, le FLN, et … la crèche pour son alter égo, celui qu’on surnommait dans les années 90, c’est-à-dire à sa création, le « bébé moustachu ». Leur descente aux enfers a donc bel et bien commencé. Ou en tous les cas, c’est ce qu’espèrent presque tous les Algériens qui ont trop souffert de la mal gouvernance de ces partis politiques.

* Jadidiennes : relatives au parti jil jadid (Nouvelle Génération)

* Hirak : mouvement citoyen algérien né le 22 février 2019. 



3 réactions


  • popov 26 février 2020 14:01

    @GHEDIA Aziz

     

    Bonjour

     

    Vous avez posé une bonne question : Comment les Suédois(*) sont-ils arrivés où ils sont avec peu de ressources naturelles alors que l’Algérie n’y arrive pas malgré son pétrole.

     

    Mais vous n’y avez pas répondu.

     

    (*) L’exemple de la Suède est bon parce qu’on ne pourra pas dire que c’est en pillant leurs colonies.


    • Clark Kent Séraphin Lampion 26 février 2020 16:06

      @popov


    • popov 27 février 2020 12:08

      @Séraphin Lampion

      J’ignorais cet épisode. Mais le développement de la Suède le précède.
      En prenant l’exemple du Danemark, pourrait-on, comme vous le faites pour la Suède, insinuer que ce pays doit son développement à sa collaboration avec le régime nazi ?


Réagir