lundi 8 juillet 2013 - par GHEDIA Aziz

Réflexions sur le système de santé algérien (3)

Autres infrastructures privées. 

 

2005

2006

2007

Cabinets de consultation (Généralistes)

5990

6102

6208

Cabinets de consultation (spécialistes)

4573

4962

5095

Cabinets de chirurgie dentaire

3832

3930

4120

Officines pharmaceutiques

5849

6285

7459

Laboratoires d’analyses médicales

267

278

286

Unités de transport sanitaire

 85

 124

141

Centre de procréation médicalement assistée

 7

 9

 9

 

Pour ce qui est des ressources humaines, la remarque essentielle à faire, ici, est qu’elles sont mal réparties à travers le territoire national. Ces sont les grandes villes du Nord qui comptent le plus de médecins, particulièrement les spécialistes. Cette mauvaise répartition est due au fait que les médecins affectés ailleurs, notamment au Sud du pays, et ce après leur cursus universitaire, comme nous l’avons mentionné précédemment, regagnent le Nord dès la fin de leur contrat zonal et s’y installent à titre privé. 

 

Personnels médicaux et paramédicaux : 

Selon le Ministère de la santé publique et de la réforme hospitalière, en 2006, on comptait :

  • 25818 médecins généralistes (1/1373 habitants). OMS : 1/1000
  • 14273 médecins spécialistes (1/2081 habitants)
  • 9684 chirurgiens dentistes (1/3191 habitants)
  •  7267 pharmaciens (1/4571 habitants).
  • Et 56710 paramédicaux (brevetés ou non) : 1/341 habitants OMS : 1/500
  • Pour le personnel administratif, technique et de service, le chiffre est de 64307 ! Pléthorique, est le mot qui convient ici. N.B / Les normes de l’OMS sont de :

 

Politique du médicament.

AVEC toute la volonté du monde, le meilleur des médecins, s’il n’a pas un appui logistique conséquent, ne peut exercer pleinement sa profession et être d’une utilité certaine pour le malade. La médecine est certes l’art de guérir, mais faudrait-il encore que le médecin dispose d’une panoplie de produits pharmaceutiques pour arriver si ce n’est à vaincre la maladie du moins à en atténuer le mal. 

Ce qui nous amène à évoquer, brièvement, le problème du médicament en Algérie et les fréquentes ruptures de stock qui pénalisent gravement les malades.

On nous dit que « le marché des produits pharmaceutiques est en pleine expansion », mais lorsque le malade, muni de son ordonnance, se présente à l’officine du coin, il est rarement entièrement servi et entièrement satisfait. Dans les hôpitaux publics, c’est la galère. Souvent d’ailleurs, des opérations chirurgicales sont reportées à des dates ultérieures pour cause de manque de drogues d’anesthésie. Quant aux malades sous chimiothérapie, ils ont largement le temps de faire des métastases ou de trépasser avant que les antimitotiques ne soient disponibles. Non. Nous n’exagérons pas en relevant toutes ces carences de la politique du médicament. Pourtant, en 2009, par exemple, la facture globale telle qu’elle est présentée sur le tableau suivant est vraiment salée. Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à faire ces remarques puisque, chaque jour que Dieu fait, des professionnels de la santé s’expriment et donnent leur avis personnel sur la santé en Algérie, et ce, sur les différents titres de la presse nationale. Le dernier en date est un certain Abdelouahab Bengounia (3), professeur hospitalo-universitaire au CHU Mustapha d’Alger. Dans son article intitulé « Où sont les droits constitutionnels du malade ? », celui-ci tire à boulets rouges sur les pouvoirs publics. Jugez-en rien qu’en lisant ce paragraphe : « Outre la souffrance humaine, dit-il, il est certain que de nombreux malades, surtout dans l’Algérie profonde, ont perdu la vie ou gardé des séquelles indélébiles, suite à ces absences répétées et prolongées de médecins, souvent concomitantes, à des pénuries de médicaments, comme cela a été le cas lors de la grève des spécialistes en 2004, où le stock de sécurité était nul au 21 mars 2004 pour 271 produits (rapport n°897/DG/PCH/2004). Même la digoxine, médicament d’urgence en cardiologie, manquait dans nos officines ! Est-il juste, qu’aucun des responsables de cette tragédie nationale n’ait été identifié et encore moins inquiété ? En santé publique, l’impunité n’est pas seulement amorale ou dangereuse, elle est la ruine de l’Algérie. Elle est mortelle ! » 

 

 

 

Médicaments

 

1463,65 millions d’euros

Vaccins

 

 144,26 millions d’euros

Consommables

 

 37,5 millions d’euros

Réactifs

 

 32 millions d’euros

Produits dentaires

 

 2,85 millions d’euros

 

 

 

Ceci sans parler de la production nationale qui, semble-t-il, ne couvre actuellement que 38% de la consommation en la matière. Ce que l’on peut dire aussi, c’est que, depuis quelques années maintenant, Saidal (dont les produits sont largement plus efficaces que certains produits importés de Jordanie ou d’Inde) n’est plus seule sur ce créneau. Elle est même de plus en plus concurrencée par des laboratoires privés algériens qui prennent des initiatives de s’associer avec des firmes pharmaceutiques étrangères. C’est ainsi que le site Internet du « le point économique  » du 4 avril dernier nous donne l’information suivante : « Le groupe pharmaceutique allemand Merck a signé mercredi 3 avril 2013 une déclaration de joint-venture avec le laboratoire algérien Novapharm (que dirige Yassin Benamara) pour la fabrication de médicaments dans le traitement du diabète et de l’hypertension. La capacité de production et de distribution de l’usine, située à Bousmail (Tipaza), atteindra quelque 300 Millions de comprimés par an pour traiter quelque 500 000 patients et devrait largement contribuer à réduire la facture à l’import de médicaments par l’Algérie. L’investissement financier consacré par les partenaires aux seuls équipements est de 5 Millions d’euros ». Toutes ces initiatives sont à encourager autant que possible si l’on veut arriver à l’autosuffisance médicamenteuse.

Pour réduire un tant soit peu la facture du médicament, nous pensons que le mieux est de promouvoir la consommation des génériques qui sont moins coûteux et d’une efficacité équivalente à celle des molécules mères. Pour cela, il suffit d’inciter les praticiens à prescrire beaucoup plus ces génériques et d’appliquer, éventuellement, le droit de substitution. Ce droit donne toute la latitude au pharmacien de délivrer au malade, muni de son ordonnance, un médicament générique à la place du médicament prescrit. A titre d’exemple, cette pratique est largement répandue en France où le droit de substitution a été adopté en 1999 par une loi sur le financement de la sécurité sociale.

D’autres actions peuvent également être menées dans ce sens : sensibilisation des médecins dans le cadre de la formation médicale continue (quant au coût de la santé) afin qu’ils se limitent, dans leur prescription, au strict minimum. Cette dernière remarque nous paraît importante car il est nous arrive souvent de constater que les ordonnances de certains confrères sont remplies recto verso (8 à 10 médicaments) alors qu’il suffit de deux ou trois médicaments bien choisis pour soulager la malade. 

Dépenses de la Santé et son financement. 

1 Qui finance la santé en Algérie ?

Il faut dire que dans les années 70 et particulièrement après la promulgation de la médecine gratuite, les dépenses de santé étaient prises en charge par l’Etat (75 %) et la sécurité sociale (25%). Mais, à partir des années 80, marquées par la crise économique de 1986 qui a failli mettre l’Algérie en cessation de paiement, l’Etat s’est progressivement désengagé de ce secteur obligeant en quelque sorte la sécurité sociale à prendre le relais et les ménages à y contribuer même de façon symbolique. La part des ménages est devenue ensuite de plus en plus importante dès lors que les cliniques privées ont commencé à pousser comme des champignons. Par ailleurs, du fait de la déliquescence du secteur public dont les rendez-vous pour une éventuelle intervention chirurgicale, par exemple, s’étalent parfois sur des mois, les patients n’avaient pour seul recours que de s’orienter vers les cliniques privées. Ils finançaient donc eux-mêmes leurs soins, quitte, pour certains ménages les moins favorisés, à recourir au système D : quête au niveau de certaines associations caritatives ou des lieux de culte (mosquées) ou encore mise en branle de l’entraide familiale. De ce point de vue, force est de reconnaître d’ailleurs que la famille algérienne n’est pas encore complètement nucléarisée, sociologiquement parlant, ce qui fait que lorsque l’un de ses membre est malade, c’est tout le monde qui se sent concerné. Chaque membre de la famille est donc prié de mettre la main à la poche ! 

Sources de financement en %.

 

Années

Etat

Sécurité sociale

Ménages

1974

75

25

00

1986

36

64

02

1988

27

51

03

1998

34

39

26

2000

47

26

26

2005

51

23

27

2009

55

31

13

 

Sources : Kaid Tlilane N. : La problématique du financement des soins en Algérie, revue internationale de sécurité sociale n°4vol.57,

OMS, rapport sur la santé dans le monde 2002,2004 et 2006.In www.who.int

OMS : Rapport sur la santé dans le monde, septembre 2010. In www.who.int

 

Toujours est-il que les dépenses de santé représentaient en 2009 5,8 % du PIB. Nous sommes donc loin par rapport à certains pays industrialisés qui enregistrent en moyenne des taux supérieurs à 7%. Ces dernières années, tout le monde est d’accord pour dire que les dépenses de santé ont augmenté du fait de l’embellie financière générée par les recettes provenant de l’exportation des hydrocarbures. Mais, sans que cela ne se traduise, sur le terrain, par une meilleure prise en charge des malades, particulièrement de ceux qui présentent des pathologies lourdes tels les cancers. La situation des cancéreux en Algérie est d’ailleurs tellement gravissime que la société civile commence à bouger ces derniers temps en organisant des sit-in au sein même du Centre Pierre et Marie Curie du CHU Mustapha.

Pour vous donner une idée concrète sur ces dépenses, j’ai repris un tableau de l’étude « analyse des dépenses de santé en Algérie » faite par Lila Ziani et Mohamed Achouche de l’Université de Bejaia.

Evolution des dépenses.

 

Années

1974

1983

1986

1988

1996

2009

Dépenses totales (en Millions de DA)

847

4272

8140

19822

97353

679262

Public

847

4157

7977

15600

75588

585503

Privé

 

 121

 123

 4103

21765

 93759

En % du PIB

 

  4,2

  5,2

 6

 3,8

 5,8

 

  

N.B : Par habitant et en dollar (USD), on est passé de 62 dollars en 1995 à moins de 400 dollars actuellement.

Par ailleurs, pour le secteur public, le budget de fonctionnement pour l’année 2008 se compose ainsi. Ces chiffres sont du MSPRH.

 

 

Nature

Montant en DA (millions)

Titre 1

Personnel

 81969 50%

Titre 2

Formation

 4000

Titre 3

Alimentation

 5605

Titre 4

Médicaments

 39847 20%

Titre 5

Prévention

 5190 3,76%

Titre 6

Matériel médical

 9000

Titre 7

Entretien infrastructures

 7000

Titre 8

Autres dépenses de fonctionnement

 10690

Titre 9

Œuvres sociales

 1720 

Titre 10

Recherche médicale

 50 0,03%

Total

 

 164711 

 

 

Les remarques que peut nous inspirer ce tableau sont les suivantes :

  1. Le titre budgétaire réservé au personnel des établissements publics est de loin le plus important. Il représente presque 50 % des dépenses totales. Cela s’explique certainement par la pléthore du personnel notamment administratif, technique et de service dont on a déjà parlé sur une diapo précédente (64307 rien qu’en 2006). Ça ne peut être le fait des médecins puisque ceux-ci optent de plus en plus pour le privé. « En 2003, par exemple, 44% des médecins spécialistes et 34% des médecins généralistes exerçaient dans le secteur privé ». De plus, les médecins du secteur public, qui sont des fonctionnaires, ne sont pas très largement rémunérés d’où d’ailleurs leur mouvements de grève qui reviennent de façon cyclique depuis plusieurs années maintenant. Mais, il est clair, que ceux-ci ont plus d’un tour dans leur sac. Ne pouvant obtenir de l’Etat ce qu’ils réclament depuis des lustres, l’augmentation conséquente des salaires, ils s’adonnent à des activités parallèles, dans les cliniques privées, beaucoup plus lucratives. La loi le leur permet. C’est ce qu’on appelle «  le temps complémentaire ». Théoriquement, ce sont les médecins ayant cumulé un certain nombre d’années d’exercice dans le secteur public qui y ont droit. Or, dans la pratique, cette clause n’est respectée par personne. C’est ainsi que l’on voit de jeunes chirurgiens, par exemple, fraichement installés dans le secteur public, venir lorgner du côté du privé. En fait, ils passent beaucoup plus de temps dans les cliniques privées qu’au chevet de leurs malades du public. Cela n’est ni plus ni moins que la recherche « du beurre et de l’argent du beurre ». Cette pratique est condamnable car non seulement elle se fait au détriment des citoyens, mais aussi elle est dépourvue d’éthique et de morale dans une profession qui devrait, en principe, rester noble. Pour redorer quelque peu le blason du secteur public, nous pensons que c’est à ce niveau-là qu’il faut agir dans un premier temps. Que les règles du jeu soient claires. On ne peut être au four et au moulin en même temps. Nous pouvons, à la rigueur, concevoir qu’en cas de besoin, le secteur public puisse faire appel aux médecins privés, dans un cadre qui reste à définir par les deux parties (convention ou bénévolat), mais pas le mouvement inverse tel qu’il se fait actuellement. A l’intérieur du pays, plusieurs secteurs sanitaires le font déjà, particulièrement en ce qui concerne les spécialités de base telles que la chirurgie et la gynécologie obstétrique. A titre d’exemple, je peux citer le cas de la Wilaya de Bordj-Bou-Arreridj où, en 2005, des gynécologues privés ont été appelés à assurer des gardes au niveau du secteur sanitaire. Malheureusement, cette «  lune de miel » entre privés et secteur public a été quelque peu gâchée par l’irresponsabilité d’un Wali qui a voulu faire de ce bénévolat, de cette abnégation du corps médical privé envers la population de cette Wilaya, une obligation, allant jusqu’à ester en justice ces médecins, lorsque, après plus d’une année de travail dans des conditions très pénibles, ces derniers ont voulu mettre fin à cette forme d’esclavage moderne. Oui, je dis bien esclavage moderne parce que ces médecins n’ont rien eu en contre partie. La DSP et le Wali avaient utilisé, à l’époque, comme argument principal, une vieille note ministérielle de «  nécessité de service  ». La justice les a, cependant, débouté.  
  2. Les dépenses pour « le médicament » viennent en deuxième position : 20%. Mais alors Comment, dans ce cas, peut-on expliquer les pénuries de médicaments qui caractérisent l’ensemble de nos structures sanitaires publiques ? Mauvaise gestion des stocks par la PCH (pharmacie centrale des hôpitaux) ? Problème au niveau des structures sanitaires elles-mêmes qui ne font pas leurs commandes à temps au niveau de la PCH ? Pénuries sciemment entretenues par ceux qui veulent voir disparaître le secteur public ? Croyez-moi, il n’est pas aisé de répondre de façon claire et nette à ces questions. En Algérie, tout se fait dans l’opacité la plus totale. 
  3. La prévention n’est dotée que de 3,76 % de ces dépenses alors que l’un des principes de la médecine moderne dit qu’ «  il vaut prévenir que guérir  ».
  4. Enfin, la recherche médicale est le parent pauvre de la médecine algérienne !

En conclusion à ce chapitre concernant le budget octroyé, chaque année, à la santé publique, le moins qu’on puisse dire est que ce secteur est budgétivore mais les prestations de service qu’il fournit sont loin de répondre à l’attente des citoyens. En tout cas, cet argent n’est pas réparti équitablement : « pour les uns, c’est le Val-de-Grâce et pour les autres, c’est le coup de grâce  ». 

 

 

  1. http://www.vdfr95.com/index.php?option=com_content&view=article&id=548:6000-medecins-algeriens-en-france&catid=38:tribune&Itemid=13
  2.  Colloque International - Algérie : Cinquante ans d’expériences de développement Etat -Economie-Société

 ANALYSE DES DEPENSES DE SANTE EN ALGERIE

 Lila ZIANI (Maître assistante, Université de Bejaïa) et Mohamed ACHOUCHE (Maître de conférences, Université de Bejaïa).

  1. http://www.elwatan.com/contributions/ou-sont-les-droits-constitutionnels-du-malade-19-06-2013-217995_120.php

 



3 réactions


  • lulupipistrelle 8 juillet 2013 19:52

    Avec tout le fric que rapporte le gaz et le pétrole , l’Algérie n’a toujours pas de services d’oncologie accessibles à tous, pour qu’elle nous envoie encore des malades, dont on se demande qui paye la prise en charge dans les services français d’hospitalisation longue durée ?

    Ne me dites pas que j’invente , j’ai rencontré à Marseille des jeunes leucémiques qui étaient là depuis plus de deux ans. 

    • lulupipistrelle 8 juillet 2013 19:53

      rapportent... 


    • lulupipistrelle 8 juillet 2013 21:00

      Mais n’ayez crainte ; nous non plus on ne peut plus voyager en Europe, sans une carte européenne d’assuré social... on faisait la queue la semaine dernière pour commander la sienne... 


      Quand à la question posée elle signifiait aussi : où va le fric, puisqu’on continue à nous envoyer des cas, pas exceptionnels du tout...
      J’ai passé une moitié de nuit à discuter avec un jeune homme de 19 ans ( et oui, à l’hôpital , dans la même misère, on passe beaucoup de temps à écouter ) il n’avait pas d’autre famille en France qu’un oncle à peu près inconnu, on sentait qu’il aurait eu tout à gagner à être soigné près des siens... 

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