samedi 14 mai 2016 - par Clark Kent

« Réforme » et « Pédagogie », ou la torture des mots

Le jeudi 12 Mais 2016, Arte a diffusé à travers l’émission 28’ un condensé de l’idéologie dominante actuelle, « ultra libérale » ou « néoconservatrice » comme on voudra.

http://sites.arte.tv/28minutes/fr/jean-tirole-reforme-en-france-pourquoi-ca-coince-28minutes

Le spectacle comprenait deux parties :

  • Une « leçon d’économie », conférence assistée de Jean Tirole, prix Nobel de l’économie au même titre qu’Obama est prix Nobel de la paix, lélèbre fondateur et patron de la « Toulouse School of Enonnomics », le petit conservatoire des néocons.
  • Un « débat », sur le modèle de la grand-messe dans laquelle les invités récitaient les litanies et les animateurs répondaient « amen ».

Inutile de paraphraser les discours que le lecteur pourra découvrir en cliquant sur le lien fourni. Le lecteur ne découvrira d’ailleurs rien du tout, puisque le fond du discours (non-dit mais sans lequel on ne peut pas comprendre les orateurs) était celui de tous les chroniqueurs de l’économie patentés et homologués par les matrices officielles :

- le capitalisme est bon, il est naturel, il n’y a pas d’autres système économique possible, pas d’alternative (TINA) et ceux qui prétendent le contraire sont des imposteurs.

- les règles du jeu ont été perverties en mettant des contraintes à la gestion des entreprises et en taxant les profits liés à la spéculation

- les salariés sont trop protégés, ce qui freine les inititiatives des employeurs.

Pour entendre ce discours, il suffit de regarder n’importe quel JT.

L’intérêt de ce show n’était donc pas le sens des propos, mais les mots-clés devenus rituels qui ponctuaient chaque intervention. L’idée, c’était : « la réforme est-elle impossible en France ? ». Car il faut savoir que « la réforme » (sic) est nécessaire, elle est bonne, mais les bénéficiaires (qui, au mieux font preuve d’un esprit routinier, sont au pire de dangereux syndicalistes presque terroristes) résistent au changement.

Donc, le mot « réforme » était présent dans toutes les phrases, et aucun des « journalistes » présents n’a éprouvé le besoin d’en définir le contenu, puisque l’important, c’est de réformer et non pas de savoir ce qu’on réforme, ni comment on veut le réformer.

Alors, Mesdames et Messieurs, vous aurez compris que la racine du mal, l’explication des dysfonctionnements de notre économie, le taux de chômage et tout ça n’a qu’une origine : la résistance au changement de la masse laborieuse (ou chômeuse, ce qui est encore pire) qui ne comprend pas, et vous aurez compris aussi qu’on veut faire son bien malgré elle.

Et alors ? Mesdames et Messieurs ? Comment le magicien va faire sortir le lapin de son chapeau ?

Avec la pé-da-go-gie. Une fois que le mot-miracle a été émis par le prix Nobel de l’économie (ce qui équivaut un peu au statut de demi-dieu dans la mythologie classique), les chanoines et les enfants de chœur présents ont été atteints sur le plateau d’une crise aigüe de psittacisme et ne pouvaient plus retenir leurs borborygmes : « pédagogie », il faut faire de la « pédagogie », la solution, c’est la « pédagogie », de l’Obs aux échos en passant par le politologue, tous étaient réunis dans cette foi : la vérité est dans la « pédagogie », au point que même la chef d’orchestre, Elisabeth Quin, ne pouvait dissimuler son amusement qu’avec peine.

Or, sans le savoir, les officiants venaient de redonner au mot pédagogie (παιδαγωγία) son sens premier : « direction des enfants », et non pas « techniques d’enseignement », comme on l’utilise aujourd’hui. Le propos des orateurs était bien de montrer deux réalités qui pour eux ont valeur de dogme :

  • Nous connaissons la route pour atteindre notre cap.
  • La masse populaire est assimilable à un enfant auquel le maître doit monter la direction à suivre.

La novlangue ne se contente pas se supprimer des mots ; elle limite la définition de ceux qui restent au seul sens qui va dans son intérêt.



10 réactions


  • jef88 jef88 14 mai 2016 16:52

    j’ai entendu notre Nobel sur France inter ce matin.....
    il m’a rappelé le baratin des profs de fac science-eco d’il y a 30 ans !
    à l’époque, à 40 ans, avec un bac-3 j’ai suivi 5 mois de cours de licence en auditeur libre....
    les profs étaient complétement déconnectés de l’économie réelle que je pratiquais depuis 20 ans.
    la mode était aux japo-niaiseries et americano-dogmes ....
    le vocabulaire a changé mais le sens profond est inchangé : il n’existe dans le monde que des grôôôôses boite , le reste c’est de la m***e ! ! ! !


  • Phoébée 14 mai 2016 17:04

    Elisabeth Quin, au sujet de l’adoption de sa fille, une petite asiatique, il y a quelques années :

    «  Non, je n’aurais pas pu adopter un enfant de couleur noir, c’était trop ! »

    Ainsi Quin, nous exprimait un point de vue largement partagé, mais tabou ( face caméra et sans tabou. )

    Dire des conneries est une de ses spécialités. Pourquoi s’en priverait-elle ? Elle, qui est payée pour cela..... et protégée pour cela.

    Sa vision du monde est celle d’une lesbienne néo-libérale. Quoi de plus naturel en somme *


    • leypanou 14 mai 2016 19:35

      @Phoébée
      Ainsi Quin, nous exprimait un point de vue largement partagé, mais tabou ( face caméra et sans tabou. )  : largement ? Vous en savez quoi, vous avez demandé l’avis de chaque Français ?

      Moi-même je vois souvent des petits africains noirs avec leurs parents adoptifs blancs qui ne sont certainement pas du même avis qu’Elisabeth Quin.

      Et même si tout le monde ne raisonne pas comme Madonna, la position de Quin n’est pas la référence.


  • CN46400 CN46400 14 mai 2016 17:16

     Jean Tirole = la bourgeoisie enseignant l’économie......


  • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 14 mai 2016 17:49

    Elle ne disait rien, elle passait les plats.

    Mais elle a paru étonnée elle-même du côté caricatural dans le discours unanime de ses invités qui remplissaient laborieusement une mission mal préparée, et sans le minimum talent de comédien que doivent posséder les chroniqueurs dans ce genre d’"mission. C(était vraiment une récitation par cœur d’un livret non assimilé.

  • Le p’tit Charles 15 mai 2016 09:08

    Vous devez savoir, que la télé est la propagande du pouvoir ou le tout et le n’importe quoi ont droit de cité...Le reflet de la pensée inique des partis politiques...Arte comme les autres est un instrument qui sert le grand capital... !


    • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 15 mai 2016 09:21

      @Le p’tit Charles

      Certes !

      Mais certains valets ont du style et d’autres sont de gros lourdauds.
      C’était le cas de ces larbins-là.

      Que« l’Obs », héritier du « Nouvel Observateur » se retrouve sur la même ligne que « Les Echos », en utilisant les mêmes clichés et en détournant les mots dans le même sens, cela montre, s’il en était besoin, les véritables intérêts défendus. 
      L’Obs ne développe pas une analyse qui prend en compte la sensibilité de ses lecteurs. 
      Ce journal et ses journalistes tentent d’adapter leur style à cette sensibilité pour légitimer auprès de leurs lecteurs des choix politiques qui ne sont pas les leurs. 
      Et la journaliste de l’Obs, ce soir-là, le faisait avec lourdeur, maladresse et, aurait-on dit, une certaine gêne.

    • Habana Habana 15 mai 2016 09:30

      @Le p’tit Charles
      Et particulièrement le 28’ où on vous fait croire qu’il y a des blancs d’un côté et des noirs de l’autre (principe d’un débat d’idées) mais où la conclusion est finalement toujours grise.
      Les raccourcis sont légions et on en profite lourdement pour pointer du doigt le perpétuel même méchant, bien ciblé celui-ci !
      Que voulez-vous, il y a les bien pensants et le vilain petit canard !


  • Allexandre 15 mai 2016 09:55

    Tout ceci n’a rien de surprenant. Elisabeth Quin fait partie du sérail sioniste et obéit aux ordres du grand gourou. La France est devenue une filiale sioniste, lui-même étant, depuis Milton Friedman, à la tête des Etats-Unis par le biais des néocons. La France a fait une double allégeance, à Washington, et donc, à Tel-Aviv. 

    Tout ceci n’est rien que très logique. Lors de l’affaire « Dieudonné », elle avait réuni tout un plateau à charge, ce qui n’est jamais le cas. Il ne faut rien attendre de ces gens dont la malhonnêteté intellectuelle est sans égale.
    Tous ces gens sont aux abois malgré tout, et c’est pour cela qu’il faut nous « éduquer ».

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