mercredi 10 mars 2010 - par Voltaire

Remettons l’homme au cœur des élections régionales

Cette campagne électorale pour les élections régionales a pris une bien étrange tonalité. Pas un commentateur qui ne se penche sur les implications du scrutin pour tel ou tel présidentiable, sur l’avenir de tel ou tel parti, sur les alliances à venir… On ne voit dans les grands titres que « rapport de force », « faire monter les enchères », « arbitre du scrutin » et autres expressions politiciennes en tout genre… Mais des véritables enjeux ? Pas une trace. C’est à peine si l’étude de Technologia sur l’immense pénibilité des journées de transport a été reprise. Comme si les régions n’existaient pas, comme si surtout les Français n’existaient pas. Et l’Île-de-France en est devenue la pire des caricatures. Comment s’étonner dès lors du taux record d’abstention annoncé ?

Cette vision déshumanisée de la politique a déteint sur les projets aussi bien de la majorité régionale que de l’exécutif gouvernemental. Tout occupés à mettre en scène leur confrontation bloc contre bloc, ils se retrouvent malgré tout sur un modèle unique de développement, construit autour de quelques grandes infrastructures symboliques. Un nouveau métro par-ci, une prolongation de ligne par-là… Les Franciliens sont ainsi devenus les otages d’une vision archaïque du développement de notre région ; Il est grand temps d’inverser cette logique et d’affirmer que le développement urbain doit se penser à partir de l’humain et non des infrastructures.

Comme le dit fort bien Jean Nouvel, le développement de l’Île-de-France ne peut se résumer à des cercles concentriques d’urbanisation reliés par des voies de transport rapides. Malheureusement, que ce soit à travers le « Grand Paris » ou le Schéma Directeur d’Île-de-France, les projets actuels de l’UMP ou du PS et des Verts se focalisent uniquement sur la concentration du potentiel économique et universitaire en quelques pôles (appelés « clusters » pour faire moderne) disséminés dans la région, le plus souvent à proximité de la capitale, en excluant systématiquement les zones les plus rurales ou les plus déshéritées. L’exemple du projet de développement de la Défense symbolise le plus cyniquement cette vision.

Quand va-t-on enfin s’intéresser à l’habitant ? Quand va-t-on sortir de l’impasse selon laquelle c’est au Francilien de s’adapter aux projets des politiciens et technocrates et non l’inverse ? 

Pense-t-on à ces travailleurs modestes, forcés de s’exiler en lointaine banlieue, là où le logement demeure abordable, mais loin de toute infrastructure économique, culturelle, éducative ?

Pense-t-on à ces parents qui passent chacun trois heures de leur journée dans les transports, et dont la vie de famille se réduit à sa portion congrue ?

Pense-t-on à ces personnes âgées, auxquelles l’hôpital ou le médecin de quartier, la poste, le centre administratif, le commerce de proximité sont devenus inaccessibles ? 

Pense-t-on à ces étudiants, pour qui l’impossibilité de trouver un logement à prix abordable près des centres universitaires les oblige soit à avoir un travail complémentaire, soit à demeurer chez leurs parents et donc à effectuer de très longs trajets, ce qui dans les deux cas devient un facteur déterminant d’échec et d’inégalité devant les études ?

Est-il acceptable que la région la plus riche de France ne soit, si l’on prend en compte tous ces problèmes de logements, de transports, d’accessibilité, de pauvreté, que la quinzième région sur 22 en termes de qualité de vie ?

Il faut reconsidérer ce modèle de développement qui s’oppose par nature aux besoins de la majorité de nos concitoyens. L’enjeu est aussi simple qu’il est ambitieux, aussi complexe qu’il est nécessaire pour le vivre ensemble : il faut replacer l’homme et la qualité de vie au centre du projet du territoire francilien. L’Île-de-France doit se reconstruire et se réinventer autour d’un modèle où l’emploi, la proximité, les solidarités, le dynamisme du tissu local et l’accès aux services publics sont les bases de l’aménagement du territoire.

Dans le contexte actuel de crise économique, la première des priorités est de recréer des emplois sur l’ensemble du territoire, et donc de relancer le développement économique de l’Île-de-France, atone depuis de nombreuses années. Levons les obstacles que rencontrent les TPE-PME, les premières créatrices d’emplois de proximité, non délocalisables. Qu’il s’agisse de la crainte d’embaucher, des difficultés d’implantation, de mutualisation des moyens et des compétences, d’accès aux crédits ou à un fonds d’innovation pour des nouveaux projets. Créons un guichet et un dossier unique pour faciliter la vie aux créateurs d’emplois.

Mais aussi réduisons le stress des Franciliens en commençant par rénover et sécuriser les transports en commun existants, en mettant fin aux insupportables incidents techniques à répétition, ou en mettant à disposition des bus supplémentaires en banlieue, plutôt que d’envisager des projet infinançables à lointaine échéance.

Créons une Agence Régionale pour le Logement centralisant l’information sur les logements disponibles dans la Région, pour que la recherche d’un logement ne soit plus ce parcours désespérant du combattant.

Concertons-nous aussi avec les professionnels, notamment de santé, afin de les engager dans des contrats de continuité des services publics dans les zones rurales ou déshéritées.

À travers ces quelques suggestions de mesures, il s’agit de reconstruire progressivement dans nos territoires, et en Île-de-France en particulier, des bassins de vie à visage humain, ayant chacun leur identité, intégrés dans leur environnement naturel et économique. Ces bassins de vie réduiront les inégalités sociales et territoriales, recréeront de la proximité, des solidarités, de l’humanité. Chacun doit pouvoir avoir accès à son emploi, à un établissement d’enseignement supérieur ou de formation professionnelle, à la culture, aux loisirs, à la nature, à des commerces variés, aux administrations et services publics, aux centres médicaux et hospitaliers… à moins de 30 minutes de chez lui. C’est un enjeu humain, environnemental et social.

Les élections régionales, cela devrait, cela aurait dû avant tout être cela, un débat sur les mesures à prendre pour recréer pour chaque francilien un bassin de vie dans lequel il puisse vivre mieux, se construire, s’épanouir. Hélas... trois fois hélas.
 
 


14 réactions


  • curieux curieux 10 mars 2010 10:30

    Elections, piège à cons. Tout faire pour flinguer l’UMP, c’est ce que je ferai


  • Michel DROUET Michel DROUET 10 mars 2010 10:52

    C’était bien parti avec les transports, compétence majeure des Régions et puis vous évoquez d’autres compétences soit partagées soit dévolues à d’autres collectivités (ex : le logement ou la santé) dans lesquelles la Région ne peut pas agir ou n’agit que de manière marginale avec des moyens financiers restreints.

    Par contre vous n’abordez pas les compétences régionales en matière de Lycées ou de formation professionnelle et d’apprentissage qui représentent une part très importante des budgets régionaux.

    Finalement, et cela confirme ce que je pense (et j’écris) : on débat de tout au cours des élections locales, y compris de ce qui relève de la compétence des autres collectivités locales ou de l’Etat qui se désengage jour après jour, et on entretient la confusion des électeurs sur la capacité à agir de telle ou telle collectivité.

    Oui, remettons l’homme au coeur des élections régionales, en commençant par l’instruire.


    • Voltaire Voltaire 10 mars 2010 11:03

      Mon objectif dans cet article n’était pas de faire une analyse technique ou de proposer un programme de campagne ! Pour cela, il suffit de lire les propositions des candidats. Il était au contraire de définir les enjeux de cette élection. A ce titre, il me semble que nous sommes largement passé à côté de l’essentiel dans cette campagne.

      Je ne partage absolument pas votre opinion sur les compétences et moyens d’actions de la région, et il peut être léger de suggérer que votre interlocuteur est un ignorant.

      Sur les lycées, la compétence actuelle de la région est uniquement sur les murs (construction et rénovation). Même s’il s’agit d’un budget très important, ce n’est pas là que se situe l’enjeu ; il s’agit là principalement d’une compétence technique et non politique, et ce n’est pas là-dessus que se joue le quotidien et la qualité de vie d’une majorité d’habitants.

      La formation est effectivement un élément beaucoup plus structurant, sur lequel on pourrait débattre, mais qui fait largement consensus.

      Certes, le gouvernement actuel souhaite supprimer la compétence générale des régions, qui leur permet d’intervenir sur les domaines qu’elles considèrent comme important. Ce serait là une erreur tragique, quand on connait la gabegie de l’Etat dans bien des domaines d’action. Pour autant, je vous rappelle que l’aménagement du territoire et le développement économique sont des compétences majeures des régions, et c’est bien dasn ce cadre que la valeur ajoutée, l’effet de levier de la région peut agir le plus efficacement.


    • Michel DROUET Michel DROUET 10 mars 2010 11:29

      Pour les lycées, la compétence s’exerce également sur le fonctionnement (restauration des élèves notamment) et par conséquent sur la gestion des personnels T.O.S., ce qui n’est pas rien.

      S’agissant de la clause générale de compétences, je ne partage pas votre avis. Cette clause permet de faire tout et n’importe quoi, parfois de l’arrosage de subventions qui favoriseront les réelections des barons locaux.
      Au cours de la campagne des régionales, on a eu trop tendance à oublier le poids des compétences obligatoires des régions, de la manière dont elles les exercent et du poids financiers que cela représente et on se laisse embarquer dans de grands débats nationaux et de grandes envolées lyriques qui finissent par lasser l’électeur.

      Recentrons les choses, cela ne fera pas de mal.


  • DIMEZELL 10 mars 2010 11:07

    Les élections dites régionales devraient être la possibilité de mettre l’homme au coeur de la politique ainsi que la démocratie. Le système français basé sur le seul président, avec une période actuelle particulière vu la personnalité de l’apprenti empereur, ne permet en aucun cas cette évolution. Les médias aux mains de parisiens qui ne connaissent pas leur propre pays et méprisent tout ce qui n’est pas dans leur petit secteur géographique n’arrangent rien.
    Il y a une vraie révolution à effectuer pour que les choses changent aussi bien dans la vie quotidienne de chaque habitant que dans les secteurs des transports ou du travail. Donner aux régions un budget et des pouvoirs.
    Par ailleurs, combien de temps devra-t-on accepter que les habitants de Loire Atlantique, par exemple,supportent une région bidon qui ne tient que grâce au fric, aux politiques qui en vivent et à quelques bureaucrates qui font leur sale boulot quand leur majorité réclament depuis 50 ans de retrouver la région que Vichy leur a retirée ?


  • jef88 jef88 10 mars 2010 11:22

    Le problème des élections en France et dans le monde ? : les partis politiques :
    A partir du moment ou vous avez fait votre trou dans un de ces fromages vous pouvez devenir le pouvoir ou le contre-pouvoir..
    Seulement vous abandonnez vos opinions personnelles pour obéir passivement à la discipline du parti...

    C’est comme cela que se sont développés les partis nazis et communistes.
    Je connais des gens ouverts et intelligents qui une fois élus deviennent cons et bornés pour la discipline du parti.

    Alors que devient la démocratie si la personne que j’ai élu m’oublie et avec moi tous ses élécteurs pour se conformer au modéle imposé par le parti ?


    • Wald Wald 10 mars 2010 12:23
      «  élécteurs  »
      Faut apprendre l’orthographe avant de commenter. Ca décrédibilise tout le commentaire

      « les partis nazis et communistes »
      Il y a eu plusieurs partis nazis ou est-ce une faute d’accord assez grossière ?

      « les partis politiques :
      A partir du moment »
      La majuscule après deux points, on ne faisait plus ça en CM2.

      « A partir du moment ou vous avez fait votre trou »
      Je ne comprends pas ce bout de phrase. Ca ne veut rien dire, « à partir du moment ou bien faire son trou », la seule solution est que « ou » était en fait « où ».
      Mais dans ce cas, avoir ce niveau en orthographe à cet âge est consternant.

      Je me permets de signaler à la modération que ce triste sire s’autorise à ce genre d’exercice à mon égard. Je ne fais que lui rendre la monnaie de sa pièce.


    • Michel DROUET Michel DROUET 10 mars 2010 12:28

      ça fait avancer le débat !


    • Wald Wald 10 mars 2010 12:34

      Je sais bien, mais j’avais un vieux compte à régler avec ce type. Il a voulu jouer à ce jeu là le premier. 


    • jef88 jef88 10 mars 2010 12:37

      J’ai voulu donner des cours d’aurtografe ! ben m... alors ? je ne m’en souviens pas !


  • LE CHAT LE CHAT 10 mars 2010 13:32

    Aucune autre liste que UMP ou PS en mesure de se maintenir en région parisienne ,
    aucun changement pendant 4 ans ne sera possible , ces deux partis sont ceux qui se partagent le fromage depuis plus de 30 ans !


    • Voltaire Voltaire 10 mars 2010 14:39

      Europe Ecologie le pourrait... (mais ils sont dans une stratégie d’union de la gauche). Le MoDem le fera en Aquitaine (mais effectivement pas en IdF où ils feront moins de 10% si les sondages sont respectés), et le FN dans plusieurs régions.
      Néanmoins, les partis non-extrêmes franchissant 5% seront sans doute membres d’alliances, et pèsent plus ou moins suivant leur score dans le projet des alliances. C’est une différence avec un système majoritaire pur.
      Pour carricaturer, si vous voulez plus de financement de logements sociaux, voter Front de gauche est utile ; si vous voulez plus de soutien aux TPE-PME pour l’emploi, voter MoDem est utile ; si vous voulez plus d’énergies renouvelables, voter EE est utile. Car le PS intégrera plus ou moins de ces propositions dans son projet dans le cadre d’un accord global.


  • ZEN ZEN 10 mars 2010 14:14

    la première des priorités est de recréer des emplois sur l’ensemble du territoire, et donc de relancer le développement économique de l’Île-de-France, atone depuis de nombreuses années. Levons les obstacles que rencontrent les TPE-PME, les premières créatrices d’emplois de proximité, non délocalisables.

    Recréer des emplois ?
    Pleine de bonnes intentions, Voltaire
    Dans le NPdeC, c’est la désindustrialisation avancée..des zônes désertes, des friches industrielles comme dans le bassin de la Sambre. les Ardennes
    (Arcopal est en en train de mourir après délocalisation..)
    Et ce n’est qu’un début
    Les régions se sont saignées à fonds perdus pour attirer et maintenir des secteurs qui périclitent ou délocalisent sans vergogne
    Les PME meurent avec les grands groupes (Total)
    Ne parlons pas du Berry...
    Alors, l’Ile de France, c’est la Californie !
    Il faut voir au-delà du Pôle la Défense-Rueil et remonter aux causes proches et lointaines


  • Kristen Kristen 14 mars 2010 18:05

     Attendre tout des élections assurement c est d ’ actualité mais comment voulez vous quelque soit les majorités sorties des urnes vouloir régler les problématiks nées d une pure ineptie..
    20 % de la population française sur 2 % du territoire....
    commencez par le début et de nombreux maux né de cette hyperconcentration disparaitront...cela a même un nom la décentralisation....


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