mardi 18 juillet 2006 - par David Carayol

Rencontre du G8, sommet de Rabat, cycle de Doha : mêmes agendas, mêmes échecs ?

A priori rien de commun entre ces différents événements, sinon que par un hasard du calendrier, ils se déroulent tous en ce début de période estivale...

Comme toujours la rhétorique officielle qui entoure ces rencontres au sommet est un modèle de compassion affichée. Qu’il en aille de Monsieur Bush avant la poursuite du cycle de Doha, qui renouvelle tous ses vœux pour un libre-échange éradiquant la pauvreté, d’un Monsieur Wolfowitz qui exhorte les pays du G8 à tenir leurs promesses envers l’Afrique ou d’un Monsieur Barroso qui presse ces mêmes pays d’accélérer le rythme de leurs engagements pris à Gleneagles en faveur des pays pauvres... il y a un an !

On n’insistera pas, bien entendu, sur le fait que les Etats-Unis furent largement critiqués, lors de cette dernière réunion tenue il y a dix jours, pour leur volonté exprimée d’augmenter les aides agricoles. Ni sur le fait que ces aides sont interdites car contraires au principe de libre-échange et préjudiciables à ces mêmes pays pauvres tant aimés du président américain. Ni enfin que le libre-échange, censé bénéficier aux pays pauvres, ne fait la richesse que de pays qui sont déjà riches ou de puissances en devenir. Car ce n’est pas le sujet ; d’ailleurs le cycle de Doha n’est-il pas d’ores et déjà un échec définitif ?

Qui sait, peut-être que nos leaders en parleront à Saint Petersbourg ? Ils discuteront politiques énergétiques et se féliciteront d’avoir largement contribué à hisser la Russie de Poutine à la présidence de ce groupe des huit pays les plus riches. Faisant fi bien entendu de la période sombre de la Russie des années 1990 qui, en suivant largement les recommandations d’une Banque mondiale toute puissante, aura largement contribué à s’appauvrir, touchée de plein fouet par la crise financière de 1998. Niant ensuite la rigidité d’une Russie de moins en moins démocratique. Niant enfin l’opposition de ce pays à établir quelque accord de libre-échange (en particulier sur l’énergie) que ce soit avec une Union européenne désemparée par une absence totale de politique énergétique coordonnée.

Un échec, ce sommet ? Mais non, puisque la Russie devrait rentrer à l’OMC... d’ailleurs, elle est déjà grand vainqueur !

Alors, sans doute, Monsieur Bush pourra discrètement se féliciter du tout nouvel oléoduc turc inauguré aujourd’hui et reliant la Mer Caspienne à l’Occident. Cet oléoduc ne traverse-t-il pas que des Etats amis des Etats-Unis... ces pays d’Asie centrale et / ou d’autres ex-républiques soviétiques ayant une tendance naturelle à se tourner vers ce dernier et l’OTAN ?

Il pourra également savourer la médiation bienveillante de la Russie à l’égard des Etats-Unis en ce qui concerne la crise iranienne ; et les contrats industriels en perspective, conséquences d’une adhésion de la Russie à l’OMC plus qu’envisagée. Enfin, comme à son habitude (toute récente), il rappellera l’importance de développer des sources d’énergie alternatives dans le souci de l’environnement et des risques climatiques.

Alors, nous autres, Européens, nous ferons référence à la réussite de notre système européen, à notre place de leader dans le développement et au sommet sur l’immigration d’il y a dix jours à Rabat. Monsieur Barroso expliquera que pour la première fois, nous avons véritablement organisé un sommet sur ce sujet en concertation avec tous les pays d’Afrique concernés. Il ne parlera pas des critiques sécuritaires évoquées par quelques ONG à sensation, ni du manque de mesure concrète et d’objectif chiffré sur les mesures de co-développement de ces pays : ce n’est pas le bon endroit !

Il n’évoquera pas non plus la possibilité d’une vaste politique énergétique commune en Europe, qui pourrait s’appuyer sur les compétences et expériences de chaque pays.

Il n’apportera certainement aucune nouvelle idée ou même proposition de réflexion sur des sources d’énergies alternatives, toute engluée que l’Europe se trouve dans le pétrole et les mannes financières que cela représente.

Il n’évoquera pas non plus d’autre alternative européenne à la politique de libre-échange internationale actuelle. D’ailleurs, y en a-t-il une, seulement ?

Tout le monde dit que non : il n’y a qu’une possibilité, c’est d’augmenter la croissance, ce qui passe par un accroissement des sources d’énergie, si possible à bon prix, et par une augmentation de la consommation.

Alors, il est où le problème : Doha échoue ? C’est curieux, je pensais que le libre-échange ne pouvait que faire le bonheur de chacun. Il est vrai qu’il n’est pas vraiment libre, cet échange, puisque certains marchés sont entretenus artificiellement ; ça doit être pour ça alors...

Le prix des ressources énergétiques flambe ? C’est curieux, je pensais que l’énergie ne pouvait être qu’à bon prix, et d’ailleurs n’est-elle pas une variable constante ? Peut-être que les sources d’énergie ne sont pas inépuisables finalement ; ça doit être ça alors...

L’immigration explose ? C’est curieux, je pensais que lorsqu’un pays se développait, les gens n’émigraient pas... Peut-être ces pays ne se développent-ils pas si rapidement ; ça doit être ça alors...

Mais alors, nos dirigeants nous raconteraient-ils des bêtises, ou sont-ils incompétents ?

Car il faut avoir des œillères sacrément vissées sur les yeux pour ne pas voir qu’aujourd’hui, qu’il s’agisse de libre-échange, d’énergie ou d’immigration, ça ne marche pas, ça ne marche plus !

Peut-être est-il temps de réfléchir sérieusement à des alternatives réalistes ?

L’Union européenne est une innovation politique et économique majeure, la seule du genre : son histoire ne se limite pas à l’ère industrielle, encore faut-il qu’on s’en souvienne, et qu’on ose réfléchir autrement qu’avec des œillères vissées sur nos yeux.

C’est ce que nous essayons de faire à Newropeans (www.newropeans.eu), par nos débats, nos discussions ou notre volonté d’une autre forme de politique, une politique citoyenne fondée sur la réflexion, l’expérience et la participation de chacun.

Notre programme politique est en cours d’élaboration, et chacun est invité à proposer ses idées et à contribuer aux débats menés sur notre Intranet. Alors, si vous pensez qu’il est temps que ça change, devenez membres, et venez nous apporter votre expertise de citoyen ;)

David Carayol




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