mercredi 9 décembre 2020 - par Patrice Bravo

Révolution de couleur : le meilleur moyen de perdre son territoire

Dans ce monde il faut payer pour tout, c'est bien connu. Et cela concerne à part entière les coups d'Etat qui bouleversent ces vingt dernières années l'espace postsoviétique, appelés "révolutions de couleur". Et si ces activités sont généralement financées par des acteurs extérieurs, toute la gravité des conséquences retombe sur le pays qui a admis un nouveau "maïdan" sur son territoire. 

Le passage d'un tel Etat sous le contrôle extérieur, la brutale soumission de son économie aux intérêts des "partenaires" étrangers qui la mène vers une chute inéluctable… La destruction de l'industrie, de la science, de l'éducation… La fracture totale du secteur social habituel depuis l'époque soviétique. Tout cela, ce sont les résultats inévitables des révolutions orchestrées depuis l'étranger et menées sous de merveilleux slogans indépendamment de leur appellation et "couleur". 

Ce n'est pas surprenant qu'un Etat ayant vécu un coup d'Etat soit forcé de se séparer d'une partie de ses propres territoires. Et il ne faut pas en accuser la politique russe. Ce n'est pas le problème. La raison est si simple et évidente qu'elle est indéniable – les "révolutionnaires" eux-mêmes repoussent littéralement du pays les différentes régions en faisant tout pour que leurs habitants soient prêts à mourir pour ne pas rester au sein de l'ancienne "patrie", devenue on ne sait quoi. 

Car les "maïdans", quoi qu'on en dise, ne sont pas du tout une "protestation de la majorité". C'est toujours le processus d'imposition par une minorité agressive de sa volonté au reste de la population du pays. De par sa nature cette minorité est absolument intolérante envers l'avis des autres, envers toutes les opinions qui ne coïncident pas avec la sienne. 

D'autant que dans la majorité absolue des cas la passion "révolutionnaire" s'appuie sur le nationalisme extrême frôlant le nazisme. Sachant que la "nation titulaire" vainqueur ne juge pas utile de tenir compte des besoins nationaux culturels d'autres peuples du pays. Ce qui est le plus paradoxal, c'est que ces mêmes "activistes révolutionnaires", qui crient plus fort que les autres sur les "maïdans" concernant le "droit de l'autodétermination nationale" en blâmant "l'occupation soviétique", deviennent complètement hystériques dès que quelqu'un d'autre mentionne l'intention de "s'autodéterminer" au sein même du pays. 

Les exemples concrets sont nombreux. La Géorgie a définitivement dit adieu à l'Abkhazie et à l'Ossétie du Sud précisément après la "révolution des roses", qui a mené Mikhaïl Saakachvili au pouvoir en 2003. Certes, des conflits avaient déjà lieu auparavant, le sang coulait et des combats avaient lieu. Mais si jusqu'en août 2008 il existait encore des possibilités de réconciliation entre Tbilissi, Soukhoum et Tskhinval, et une chance illusoire de leur présence au sein de la Géorgie avec un droit d'autonomie, après la tentative de Mikhaïl Saakachvili de reprendre les "républiques non reconnues" par la force militaire, il n'en est plus question. 

La même chose concerne l'Ukraine. La Crimée existait tant bien que mal au sein de ce pays à partir de 1991. Certes, le "maïdan" de 2004 a beaucoup fait réfléchir les habitants de la péninsule. Mais ces derniers ont décidé de se séparer de ceux qui ont pris le pouvoir à Kiev en 2014. Sinon, ils auraient connu le même sort que les habitants du Donbass qui ont fait les frais de la brutalité des "sauveteurs". Ce territoire n'a pas non plus voulu faire partie de l'Etat engendré par "l'euromaïdan", qui a de facto quitté l'Ukraine après avoir été confronté à la guerre. 

Et quels que soient les termes des Accords de Minsk, tout le monde sait que les républiques de Donetsk et de Lougansk ne reviendront jamais dans l'Ukraine sous sa forme actuelle, telle qu'elle est devenue après la révolution de couleur et tous les événements qui ont suivi. 

Le dernier exemple en date pourrait être la défaite de l'Arménie dans la récente guerre au Haut-Karabakh. Tant que le pays était dirigé par des leaders plus ou moins réussis, mais pas du "maïdan", la situation ne dégénérait pas jusqu'aux affrontements armés d'une telle envergure. Mais à peine une révolution de couleur classique s'est produite à Erevan, il s'est avéré que toutes les "merveilleuses" perspectives promises aux rassemblements par l'opposition ne sont que des paroles en l'air et du bluff. L'Arménie n'était absolument pas prête pour des épreuves réelles, qui plus est à une guerre. 

Ce serait bien que chacun de ceux qui sont confrontés aux appels à participer à de nouvelles "manifestations", que ce soit à Minsk, à Moscou, à Bichkek ou ailleurs, commence par se demander : "Quelle partie de ma Patrie me propose-t-on d'abandonner ?" Les "maïdans" et les tentatives de les organiser seraient alors moins fréquents. Même si les autorités ne doivent pas non plus en abuser : l'activité politique et économique doit être telle pour que la population ne soit pas tentée par des troubles révolutionnaires.

Alexandre Lemoine

Les opinions exprimées par les analystes ne peuvent être considérées comme émanant des éditeurs du portail. Elles n'engagent que la responsabilité des auteurs

 

Source : http://www.observateurcontinental.fr/?module=articles&action=view&id=2220



10 réactions


  • armand 9 décembre 2020 17:47

    "Les opinions exprimées par les analystes ne peuvent être considérées comme émanant des éditeurs du portail. Elles n’engagent que la responsabilité des auteurs"

    Il me semble que c’est faux, le site est responsable des articles ou commentaires publiés.


    • HELIOS HELIOS 10 décembre 2020 16:16

      @armand

      ... cela dépend si le site est un editeur ou pas.

      Il semble que Agoravox (fondation) soit considéré comme éditeur et a déjà payé pour cela... dans ce cas le site est responsable de ses publications.

      Maintenant, la loi est elastique.... et assez complexe. Un « analyste » peut analyser un article du site et je ne sais pas dans quelle mesure son analyse en tant que commentaire de l’article peut etre incriminée.
      Fait-on vraiment la difference entre les articles (modérés) et les commentaires ?


  • Clark Kent Séraphin Lampion 9 décembre 2020 17:54

    Les Polonais et le Hongrois semblent avoir bien compris tout ça.

    C’est ce que l’UE leur reproche.

    Sinon, adieu Poméranie, Podlaskie, Baraniya et Backa.


    • Olivier Perriet Olivier Perriet 10 décembre 2020 16:33

      @Séraphin Lampion

      oui enfin bon :
      l’UE a bien des défauts mais pas au point d’envoyer la Turquie envahir la Hongrie pour la « punir ».


  • binary 9 décembre 2020 21:20

    Le « glorieux » avenir de la république de Donetsk, parait aussi illusoire, que les espoirs des révolutions « colorées ».

    Un territoire perdu par un pays, qui lui, existe réellement depuis longtemps, n est généralement rien d autre, qu un territoire perdu. Tous les exemples cités dans l article, ne montrent rien d autre.


  • zygzornifle zygzornifle 10 décembre 2020 09:39

    Les cités ne non droit se comportent comme les seigneurs du moyen Age .

    Chaque cité est comme un château fort, ils ont leurs garnisons de gros bras et leurs cerfs, de temps a autre ils guerroient et le gouvernement ramasse les cadavres et les destructions.

    En plus avec les aides de l’état et les mairies de fiotte qui achètent la « paix sociale » a coup de millions on les alimente , ils savent que les gouvernements sont faibles avec eux ....  


  • Parrhesia Parrhesia 10 décembre 2020 09:45

    Le « Maïdan » frônçais de 1968, autrement dit le « Boul’mich » de Cohn-Bendit et consorts, avait déjà fort bien rempli son rôle ! Les frônçais d’alors n’avaient rien compris au film !

    Et un demi-siècle plus tard, les partisans débiles des mêmes semeurs de mouise actualisée, ou plutôt de chienlit, n’ont toujours rien compris !!!

    Quant aux autres, à quelques exceptions près, soit ils sont morts, soit ils se sont assoupis dans l’hypnose pesante des merdias politiquement corrects !!! 

    Alors maintenant qu’il faudrait une véritable révolution intelligemment nationale, soyons sûrs soit qu’il ne la feront pas, soit qu’ils feront la mauvaise : Celle qui sera à nouveau inspirée par le nouvel ordre mondial, par ses merdias et par sa cinquième colonne qui étaient déjà à la manœuvre il y a cinquante ans !!!


    • HELIOS HELIOS 10 décembre 2020 16:20

      @Septime Sévère
      .... 3 des Commores sur 4 cela fait 25% « pour » la France qui avaient bien compris que l’argent-braguettes etait utile... 25% ce doit etre le même taux en métropole.


  • Olivier Perriet Olivier Perriet 10 décembre 2020 16:31

    Cette géopolitique poutinenne explique à elle seule l’alliance avec la Turquie d’Erdogan :

    le putsch raté de juillet 2016, vu comme une « révolution colorée ».

    la déclaration d’amitié du tsar au nouveau sultan

    leur alliance anti USA et anti Europe,

    qui tiendra jusqu’à ce qu’ils se bouffent entre eux

    À quoi tiennent les décisions des Grands de ce monde ?

    On peut ironiser sur l’Amérique de Bush et ses guerres post 11 septembre.

    Là on tient le pon pon avec la névrose de Poutine, qui lui voir tout sous ce prisme.

    Au point de sacrifier l’Arménie qui ne lui avait pas fait grand chose :

    révolution « de couleur » ou non, il n’a jamais été question qu’Erevan adhère à l’OTAN ou à l’UE.

    La Russie qui se dit protectrice des petits contre les gros affirme en réalité qu’elle ne veut que des vassaux qu’elle domine, comme la Turquie.

    Le message a été reçu 5 sur 5.


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