mardi 16 mars 2010 - par Philippe Sage

Rions avec les Régionales

Ah si ! Il me semble bien qu’il faille en rire, étant donné que, ceusses que les journalistes omni-déférents de la télévision qualifiaient hier soir, et assez grotesquement, de “ténors” refusent d’en pleurer. Pourtant à 53,65% d’abstention (soit 14,48% de plus qu’au premier tour des régionales 2004) il y a de quoi. Tellement c’est triste. Et qu’en valeur absolue, et même en tenant compte de l’abstention ajustée aux deux scrutins de 2004 et 2010, UMP, FN et PS ont perdu, chacun, des millions de suffrages [*]. Une véritable désaffection, une débâcle. Les seuls à progresser, réellement, et très nettement, ce sont les « Verts ». Point barre.

 

1er tour régionales 2010.jpgAlors oui, on peut dire que cette abstention a surtout pénalisé les listes de la majorité présidentielle, c’est un fait ; il y a dans cette abstention-là, celle des électeurs de la droite traditionnelle, la marque claire et nette d’un désaveu vis-à-vis de la politique du gouvernement, de l’attitude, aussi, du chef de l’Etat ; il y a le signe d’une grande déception, d’une colère (rentrée), et qui sait ce qu’elle peut devenir en deux ans, en quoi peut-elle se muer, mais il n’en reste pas moins que le PS ne sort pas vainqueur de ce premier tour, il n’a pas réussi, alors que le chômage va galopant, que la crise est loin d’être finie, à mobiliser l’électorat, il est en données brutes très en dessous de son score de 2004 (où il faisait liste commune avec le PC). Quant au FN, il peut bien fanfaronner, les chiffres sont têtus, il suffit de les consulter, et zou, c’est encore un bon million d’électeurs qui s’est évaporé. Et rien ne dit qu’ils reviendront. Quand bien même, une présidentielle rameuterait le citoyen, bien plus qu’une régionale ou qu’une européenne, mais là encore, les chiffres sont impitoyables : c’est aux partis dits majoritaires que, généralement, l’affaire profite.

Alors quoi ?

Alors rions ! Rions avec François Bayrou qui durant cette campagne insipide, indigne d’une démocratie, n’a eu cesse de dire qu’il ne croyait pas aux sondages. Eh bien, tu avais raison de ne pas y croire, monsieur ! Ils t’étaient un tantinet trop favorables (5% pour un résultat aux urnes de 4,22%) ! Oh je sais, tu ne le voyais pas comme ça, pensant qu’ils te sous-évaluaient, n’est-ce pas ? Eh bien, ô ironie, et comme c’est ballot, c’était l’inverse ! Mais quand on confond une présidentielle (qui se joue sur un candidat) et une régionale (qui se joue sur des listes) faut pas s’étonner qu’il y ait comme un problème à l’arrivée.

Rions ! Rions avec les déclarations des uns et des autres, sommets de platitudes, discours convenus, désespérants au regard de l’abstention, où l’on rivalise de malhonnêteté intellectuelle, politique à papa, politique d’un autre temps, celle qui donne des leçons, toujours, et n’en tire jamais la moindre conclusion. Celle qui transforme une déroute des urnes en victoire personnelle. Ah, ça me fait penser à ces médias, les radiophoniques, quand tombent les sondages ! Tous ! Ils sont TOUS vainqueurs. Les uns sur les 13/25 ans, les autres sur la ménagère de moins de 50 ans. Ils sont tous premiers ! Premier sur le rap, premier sur le R’nb, premier sur le pop-rock, et peu importe que les chiffres leur donnent tort, qu’en valeur absolue, ils perdent, année après année, des auditeurs, ils sont encore et toujours vainqueurs. Eh bien, les politiques, itou. Mêmes arguments. De boutiquiers.

Rions ! Ah que oui ! Avec Ushuaia, dont plus aucun socialiste ne causait après le scrutin. Pourtant, à les entendre, cela devait faire le jeu d’Europe-Ecologie. Non ? .. Va savoir, peut-être que ça a profité au FN, finalement !… Oh bien sûr, dans les faits, si l’on compare 2004 et 2010, ils sont largement bénéficiaires, les écologistes, je l’ai dit, mais quand on a des œillères, obnubilés par les seuls pourcentages, qu’on se réfère, de surcroît, à un scrutin précédent (les européennes), qui n’a rien à voir avec celui-ci, que voulez-vous ! On en devient aveugle et sourd ! On se prend pour une fusée, n’est-ce pas Martine ? Et peu t’importent les raisons pour lesquelles des millions d’électeurs, 23 407 608 très précisément, ne se sont pas déplacés. Or, il faudrait s’y pencher. Et sérieusement. Plutôt que de s’auto-congratuler jusqu’à l’obscénité. Ah c’est pas la modestie ou la décence qui les étouffent, ces gens-là ! Ah ça non ! On me dira que l’an dernier, aux européennes, l’UMP se fichait tout autant d’une abstention écrasante (59,37%) savourant ce qu’elle nommait un “succès” ; mais comment  ? Comment peut-on parler de “succès”, ou de “victoire”, ou pire encore, de “grand chelem” quand une majorité de citoyens déserte les urnes ?

Rions encore ! Avec le Figaro ! Qui le dimanche après-midi donnait carrément dans le glamour avec ce titre que Voici, que Gala :
"Nicolas et Carla Sarkozy ont voté main dans la main" …
Et qu’advint-il le soir venu ? Eh bien, le sarkozysme perdit pied.
Tu peux bien voter main dans la main, le résultat c’est une gifle.

Rions avec le "service public" ! Ah, Pujadas et Lucet ! Pujadas, ce journaliste qui causait de déontologie il y a quoi, un gros mois, sur la chaîne ARTE ! Pujadas, l’homme-tronc du JT de France 2, cette chaîne, t’en souvient-il, qui réunissait, pour un "débat républicain", n’est-ce pas, pas du tout pour des questions d’audimat, ah sûrement pas, Marine Le Pen et Eric Besson, avec le Peillon qui se débinait. C’est qu’à l’époque, oui, oui, il s’agissait donc d’un "débat républicain", mâhâme Chabot nous l’a assez seriné, c’était même une question de dé-mo-cra-tie. Eh, c’est que le Front National, c’est un interlocuteur, il fait partie du jeu politique ! Seulement voilà, dimanche soir, visiblement, c’était plus le cas. Les "ténors", comme ils disent, se sont depuis leurs "fiefs" ou "QG" exprimés : Fillon, Aubry, Bayrou, Royal, Duflot, tous sans être coupés, quand bien même ce fut souvent long, pénible, inintéressant, mais quand ce fut le tour de Marine Le Pen, au bout de deux minutes, vlan, ils la zappèrent et retour illico sur le plateau. Ils étaient pourtant bien contents de la recevoir, à grands renforts de tambours et trompettes, il y a deux mois de cela ? De nouveau, il puerait, ce Front National ? Tiens donc .. Moi, j’vais vous dire : si vous voulez les énerver, les électeurs des Le Pen, c’était la meilleure façon de faire. Après ça, le FN aura toute latitude pour affirmer qu’il est victime d’ostracisme, preuves à l’appui ! Ah, bravo ! Et ça voudrait nous donner des cours de déontologie ? Rigolos, va ! Jean-foutre, surtout ! ..

Enfin, rions avec le taux d’abstention, étant donné que PERSONNE ne daigne en pleurer. Un taux énorme : 53,65%. Ça ne vous rappelle rien ? .. A quelques décimales près ? .. Et dire que Nicolas Sarkozy considérait, avant ce scrutin, qu’un score (de l’UMP and associates) équivalent à celui qu’il obtint au premier tour de la présidentielle 2007 serait globalement satisfaisant .. Eh bien, en définitive, c’est son score du second tour qui est quelque peu jumeau avec le taux d’abstention de ce premier tour des régionales. Il y a de ces symboles, tout de même .. Non ?

Mais on peut, aussi, j’en conviens, s’abstenir de rire. Comme 23 407 608 citoyens de ce pays. Qui ont fait un choix. Celui de se taire. Sûrement, parce que l’offre politique et surtout le spectacle proposé, récurrent, lassant, ne les fait plus, ni rire, ni pleurer. Et ce n’est pas ce que j’ai vu et entendu dimanche soir sur les différents plateaux de télévision qui va les convaincre de je ne sais quel contraire.
Mais je sais, ça va, j’ai compris : tout le monde s’en fout ! On continue les petites histoires de boutiquiers. Comme si de rien n’était.
Mais rira bien, qui rira le dernier ..

[*] Quant au MoDem, il n’existait pas en 2004. Et comme l’UDF est devenue plus que soluble dans l’UMP ... Ajoutons, tout de même, la LCR devenue depuis le NPA et qui, pour ces régionales 2010, se prend une énorme rouste. A qui la faute ? ..



14 réactions


  • fhefhe fhefhe 16 mars 2010 10:32

    0,0001% des votants (Grands Patrons) ,

    N ourrissent (des)
    A mbitions
    N auséabondes (pour les)
    T ravailleurs
    I mproductifs...mais 
    S oumis.

    Nombreux dans les 53% d’Abstentionnistes ont conscience que les « Régions » ne peuvent rien contre la Mondialisation.
    A terme , les 7 Mégapôles (Paris , Lyon , Marseille , Toulouse , Lille , Bordeaux et Nantes ) remplaceront les 22 « Régions »...pour la Région « France de l’Europe et ses 27 régions du monde !!!!!!!

    En attendant , on délocalise dans d’autres »Régions« .
    Demandez aux 400 000 chômeurs de l’année 2009 ce qu’ils pensent »Du Pouvoir« de leur Prèsident de Région pour le maintien de l’Emploi sur leur territoire .

    L’Emploi dans une Région est ESSENTIEL , mais des pans entiers de nos industries disparaissent d’autres Régions du globe...
    Beaucoup rient »jaune« de voir partir leur travail chez les »jaunes« (c’est de l’humour Ok !!! )

     »Je me presse de rire de tout , de peur d’être obligé d’en pleurer" (Beaumarchais).


  • LE CHAT LE CHAT 16 mars 2010 11:13

    ils ont de quoi rire jaune , si les gens ne votent plus carrément , c’est pas pour des prunes !
    ils ont compris que ça ne sert plus à rien , le vrai pouvoir est ailleurs , la lutte des classes et devenue LA LUTTE DES PLACES ! car une fois élus , ils s’en foutent plein les fouilles et en ont rien à foutre des français dont la moitié gagne pas 1500 euros par mois !


  • sisyphe sisyphe 16 mars 2010 11:29

    Oui, Sage : on peut toujours en rire.. sauf qu’à force d’une rupture aussi majeure des citoyens avec les instances (et les élus) censés les représenter, les éclats qui risquent de se produire ne seront pas de rire...


  • ddacoudre ddacoudre 16 mars 2010 12:02

    bonjour phillipe

    d’accord avec ton article, aucun commentateur ne s’interroge sur les raisons de cette abstention annoncé.
    je te joins l’article que j’ai écris à ce sujet.

    http://www.agoravox.fr/ecrire/?exec=articles&id_article=71628

    cordialement.


  • fourreau 16 mars 2010 12:32

    En pleine affaire de l’EPAD, une jeune secrétaire d’Etat pleine d’intuition, prédisait un impact négatif de cette lamentable histoire sur les régionales. Cette affaire n’avait fait rire personne et depuis le français ne rie plus du tout.


  • Lapa Lapa 16 mars 2010 12:38

    j’ai hésité à aller voter. Mais histoire de montrer l’exemple pour les enfants, je l’ai fait. J’ai hésité entre plusieurs petites listes je suis un peu déboussolé et ne sais plus quoi faire pour protester face à ces politiques pénibles... :/


  • @distance @distance 16 mars 2010 13:47

    Ce qui est le plus étonnant c’est le pourcentage encore important des votants ; et le pire c’est qu’ils sont contents et fiers ces esclaves qui vont élirent leurs maîtres.

    Pourquoi la Grande Foire électorale à peine ouverte, les zélecteurs se précipitent-ils d’instinct vers les charlatans les plus vils et les malfaiteurs les plus cyniques ?

    Faut-il rappeler aux étourdis la liste (déjà très longue) des affaires politico-financières françaises (du moins celles qui ressortent du cloaque des vices et des vanités) ?

    Le seul moyen d’obtenir que les élus respectent un mandat que les électeurs leurs ont confié, ce serait de contrôler les élus sévèrement et de ne leur confier qu’un pouvoir ayant un but très précis et une durée limitée, et de REvoir leurs rémunérations.

    Si les élus pouvaient être congédier de leur fonction dès leur premier abandon de programme ou à la moindre malversation, ils agiraient avec moins de désinvolture.
    Car les élus négligent les fonctions qui leur ont été confiées et ne tiennent compte que de leur désir, qui se confond le plus souvent avec leur satisfaction personnelle et leur enrichissement.

    Pourquoi les électeurs gobent-ils si facilement les mensonges les plus grossiers ?



    • airlane 16 mars 2010 14:57

      Ca n’en prend guère le chemin vu la réforme du code pénal qui est en train de se faire sous la houlette de notre président de la raie publique quant aux délits et coruprions financiers divers et variés que les uns et les autres sont capables de commettre et la mansuétude des juges qui suivra..


  • Emile Red Emile Red 16 mars 2010 14:56

    Ce qui me désole le plus, ce n’est pas que les Français votent peu, ce n’est pas qu’ils ne votent plus, mais c’est qu’ils votent mal.

    Personne ne s’interroge sur la perception que l’électeur a du papier qu’il glisse dans l’urne, les partis s’en balancent tant que le votimat grimpe, les citoyens remplissent leur devoir sans gloire, les objectifs, les raisons sont secondaires, le vote est devenu une fausse obligation sans âme. On va voter non comme à une fête mais comme on va aux chiottes, une nécessité vitale mais peu réjouissante et puis l’odeur colle. Le sacerdoce politique est mort.

    Pendant ce temps, le jeu de l’argent miroite derrière la glace blindée, inaccessible, impalpable mais visible, la part du pauvre est devenue la charogne dont se délecte les éternels insatiables, ceusse qui nous dépouillent, qui nous affament, qui nous truandent à plus soif.

    Avez-vous entendu un patron, un dirigeant, un actionnaire durant la campagne, durant les instants où la foule consomme du discours, du débat, du postillon qui noie nos espérances ? Ils sont tapis dans l’ombre de notre désespoir, prêt à bondir sur le moindre écart, la moindre fente, le moindre interstice, la moindre lueur qu’aurait abandonné nos illusions endormies.

    Ils ont le pouvoir, ils s’appellent blanc, bleu, vert, rouges ou roses, l’arc en ciel de notre enfer piaffant de ne pas encore avoir soumis notre entière volonté, ils guettent le faux pas, roulent des pierres sous nos semelles, lessivent le chemin pour nous détruire un peu plus chaque jour et nous pauvres égarés poursuivons notre route, tête en bas, yeux fermés, toujours plus faibles.

    Ce sont eux qui décident, eux qui dominent, ce sont eux qui légifèrent, eux qui condamnent, ce sont eux qui nous arnaquent, qui nous entubent, qui nous enfoncent au plus profond de la misère, eux qui nous anesthésient pour mieux nous asservir.

    Ils ont le pouvoir, ils ont les banques, ils ont les lois, ils ont nos enfants, nos malades, nos parents, ils ont volés nos corps et veulent encore nos coeurs et bientôt nos âmes.

    Qu’attendons nous de meilleur, sommes nous cette viande qu’ils veulent dévorer à petite bouchée ? Pourquoi attendons nous cette torture perpétuelle ? Sommes nous les Sisyphe des temps modernes ? Sommes nous condamnés à ramper interminablement aux pieds de l’aristocratie autodéifiée ?

    Laissons donc l’urne de côté, ce faire valoir des puissants, cette condition inéquitable et sourde, le pouvoir nous appartient, nous sommes le pouvoir, ils ne sont rien si nous le décidons... Qu’attendons nous ?


    • @distance @distance 16 mars 2010 15:24

      Qu’attendons-nous ?

      Seule une grève générale soutenue par une solidarité de tous les Français bernés et ceux qui résident en France pourra les faire plier ces fumiers hors-la-loi qui trouvent des milliards d’euros pour les banques et instaurent un bouclier fiscal pour les plus riches et RIEN pour ceux qui bossent,qui ont perdu leur travail et les petits retraités !

      je sais je sais, une grève générale ne se décrète pas... mais je ne vois que cette solution pour commencer à entrevoir un espoir pour tous ceux qui sont traiter avec tant de mépris par le gouvernement.

      Entre une nation démocratique et une nation totalitaire, la différence tient à cette possibilité laissée aux démocrates de nier, maudire ou bafouer les institutions à l’abri desquelles ils conspirent sans risque.


    • sisyphe sisyphe 17 mars 2010 00:57

      D’accord avec Emile Red, et @ distance

      Quand est-ce qu’on va avoir les couilles d’entreprendre une action de masse, pour arrêter de se faire mettre jusqu’à l’os, par des mafias qui ne sont qu’une petite minorité, et qui ne profitent de leur pouvoir que parce qu’on se laisse faire  ?


  • theonlyhuey 29 mars 2010 21:13

    Pour aller plus loin, notamment à propos du principe même de démocratie face à cette abstention :
    http://www.sixnonquoi.com/site/index.php?option=com_content&view=section&layout=blog&id=6&Itemid=54


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