jeudi 29 octobre 2020 - par Bruno Hubacher

Rupture

 

Fortuitement, à l’aube de la plus importante crise économique dans l’histoire du capitalisme, le « World Economic Forum » publie, sur sa plateforme « COVID Action Platform », sa dernière étude sur l’avenir du monde du travail « The Future of Jobs Report. », et on peut d’ores et déjà se préparer à un avenir « disruptif ».

D’entrée de jeu les experts du WEF annoncent que « d’ici 2025, les capacités cognitives des algorithmes suffiront pour effectuer la moitié des tâches nécessaires pour le fonctionnement de l’économie. » Il y aura donc de la compétition dans l’air.

Ce qui frappe le lecteur qui parcourt les 163 pages de cette étude, n’est pas tant le constat, évident, que l’automatisation du travail par la technologie éliminera le travail, mais le sentiment qu’celle-ci deviendrait, presque fatalement, une fin en soi. 

Au plus tard depuis la publication du livre « bullshit-jobs » de l’anthropologue américain, David Graeber (1961-2020), le monde sait qu’à l’heure actuelle la moitié des activités économiques ne produisent strictement rien et servent uniquement à maintenir le système.

Cela fait cinquante ans que le fondateur du WEF, Klaus Schwab, s’essaye, à la quadrature du cercle, l’alliance contre nature entre socialisme et capitalisme, du moins depuis la publication, en 1971, de son ouvrage « Gouvernance d’entreprise moderne en génie mécanique », en incarnant parfaitement ce courant économique qu’on appelait dans son Allemagne natale d’après-guerre, l’économie sociale de marché, personnifié par le Ministre fédéral de l’économie et Chancelier de l’époque, Ludwig Erhard (1897-1977).

Après avoir élaboré son propre concept d’une « économie responsable », « Stakeholder management approach », il créa, encore pendant l’année de la publication de son œuvre, l’organisation qui s’appelle depuis 1987, le « World Economic Forum ». 

Son idée altruiste de la gestion d’entreprise, considérant les intérêts de toutes les parties prenantes d’une activité économique (stakeholders), actionnaires, employés, clients, mais également la communauté, ne peut que se heurter à la logique intrinsèque du capitalisme, la compétition pour le meilleur rendement financier possible.

Il faut dire que jusqu’au milieu des année 1970, cette « vision » d’un « capitalisme social » fonctionnait à merveille, pour la simple raison que, pendant un lapse de temps, l’intérêt du capital convergeaient avec celui du travail. Une demande pléthorique (des capitaux) rencontra une offre limitée, (main d’œuvre qualifiée, indispensable pour la reconstruction).

Ce bref « miracle » est merveilleusement démystifié par le « militant de l’éducation populaire » français, Franck Lepage dans ce qu’il appelle la « théorie de l’excès de culture ».

A l’issue de la guerre, le système éducatif français, mais on pourrait aisément appliquer le phénomène aux autres pays touchés par la guerre, était très élitaire, avec une faible proportion d’académiciens. En réaction à la forte demande en main d’œuvre qualifiée de l’économie, le système éducatif réagissait par un mouvement de « démocratisation » de l’accès aux études. 

Seulement, au fur et à mesure que la reconstruction progressait, de pair avec le développement de nouvelles technologies, la demande en main d’œuvre qualifiée, commençait fatalement à stagner, puis à diminuer, ce qui eut pour conséquence la dépréciation de la valeur des diplômes et une surqualification de la main d’œuvre sur le marché du travail. C’est le cruel jeu de l’offre et de la demande.

Nous sommes donc en 2020 et le « World Economic Forum » nous annonce que « les capacités cognitives des algorithmes suffiront pour effectuer la moitié des tâches nécessaires pour le fonctionnement de l’économie. »

Le doute s’installe dès l’année 2012, à l’occasion du meeting annuel à Davos, lorsque le Président posa, pour la première fois, la question de « Gretchen » sur « les limites du capitalisme », un questionnement « inapproprié » jugèrent de nombreux participants qui mirent cette gaffe sur le compte de « son âge avancé ». Toujours est-il, l’invitation de l’économiste américain, Prix Nobel de l’économie, Joseph Stiglitz (The price of inequality) n’eut pas l’impact souhaité.

Huit ans plus tard, le 21 septembre dernier, Klaus Schwab récidive dans une interview, accordée au quotidien allemand « Die Zeit », en déclarant « la fin du néolibéralisme ». On mesure le déchirement intérieur de l’économiste et on ne peut s’empêcher de penser au poète Johann Wolfgang von Goethe qui lui aussi avait « Zwei Seelen, ach, in seiner Brust ».

Après quarante ans de néolibéralisme les experts du WEF n’ont pas peur d’écrire que « dans ce nouveau contexte (?) (COVID) le nombre de nouveaux postes crées sera inférieur au nombre de postes détruits par l’automation (?) ce qui impactera de manière cruelle les travailleurs défavorisés, raison pour laquelle il faut absolument améliorer la protection sociale et encourager la formation. » ce qui ne manque pas de sel.

C’est donc sans doute avec une certaine amertume que l’initiateur de la « plateforme des échanges fructueux » doit se rendre à l’évidence que ses membres et gardiens du temple (1) n’ont finalement qu’une idée dans la tête, le rendement sur le capital investi.

 

(1) Conseil de Fondation « World Economic Forum »

Mukesh D. Ambani, président et directeur exécutif du groupe de pétrochimie indien « Reliance Industries »

Peter Brabeck-Lethmate, ancien président et directeur exécutif du groupe agro-alimentaire suisse « Nestlé »

Mark Carney, ancien gouverneur de la Banque centrale canadienne ainsi que de la Banque centrale britannique, « Bank of England »

Chrystia Freeland, Vice-première ministre du Canada

Kristalina Georgieva, directrice générale du « Fonds monétaire international » FMI

Al Gore, ancien Vice-président des Etats-Unis

José Àngel Gurría, Secrétaire général de l’Organisation de coopération et de développement économiques OCDE

Paula Ingabire, Ministre rwandaise des technologies de l’information, de communication et de l’innovation

Jack Ma Fondateur, président et directeur exécutif du site internet chinois de commerce électronique « Alibaba Group »

Peter Maurer, président du « Comité international de la Croix-Rouge »

Patrice Motsepe, fondateur et directeur exécutif du groupe minier sud-africain « African Rainbow Minerals », fortune personnelle 2,1 milliards USD (Forbes)

Mark Schneider, directeur exécutif du groupe agro-alimentaire suisse Nestlé

Tharman Shanmugaratnam, Ministre des finances, Singapour

Feike Sijbesma, président et directeur exécutif du groupe néerlandais « Dutch State Mines » (nutrition, produits pharmaceutiques)

Min Zhu Min, conseiller spécial auprès du Directeur général du « Fonds monétaire international » FMI, ancien Vice-gouverneur de la « Banque populaire de Chine »

Mark Benioff, président et directeur exécutif de la société californienne « Salesforce », précurseur du « cloud-computing »

Thomas Buberl, directeur exécutif du groupe d’assurance français, « AXA »

Laurence Douglas Fink, président et directeur exécutif de la société américaine de gestion d’actifs « BlackRock » (7'000 milliards USD sous gestion fin 2019)

Orit Gadiesh, présidente du cabinet de conseil en stratégie et management « Bain & Company », Boston

Fabiola Gianotti, directrice générale de l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire CERN

Hermann Gref, président du groupe bancaire russe « Sberbank », ancien Ministre du développement économique et du Commerce de la « Fédération de Russie »

André Hofmann, vice-président du groupe pharmaceutique suisse « Roche »

Christine Lagarde, présidente de la « Banque centrale européenne » BCE

Yo-Yo Ma, violoncelliste américain

Luis Alberto Moreno, ancien président de la « Banque interaméricaine de développement » IDB (2020)

H.M. Rania Al Abdullah, épouse du roi Abdallah II de Jordanie

David Mark Rubinstein, co-fondateur et co-président du groupe de gestion d’actifs financiers « The Carlyle Group », entre autres président de la prestigieuse institution de recherche scientifique « Smithsonian Institution » ainsi que du « think tank » « Council on Foreign Relations », fortune personnelle 3,2 milliards USD (Forbes)

Klaus Schwab, fondateur et président du « World Economic Forum »

Jim Hagemann Snabe, président du groupe allemand « Siemens » et de l’armateur danois « Maersk »

Heizo Takenaka, ancien Ministre japonais des affaires intérieures et des communications



18 réactions


  • sylvie 29 octobre 2020 18:18

    Bonsoir, curieux mélange que ce WEF.... bon au sujet de l’IA pas d’inquiétude cela n’existe pas encore, imaginez que les petits assistants qui se proposent à vous sur les sites web sont vendus comme « ia », ya de quoi de marrer, même l’heure qu’il est ils ne savent répondre.


    • Opposition contrôlée Opposition contrôlée 29 octobre 2020 18:59

      @sylvie
      l’IA n’est qu’une appellation marketing... Le fait est que les coûts de l’informatique ont plongés, que ses capacités ont largement augmenté. Je rédige ce commentaire avec un ordinateur qui coûte 1000€, et qui a les capacités de stockage et de calcul du parc informatique mondiale de 1975...


    • sylvie 29 octobre 2020 19:05

      @Opposition contrôlée
      Bonsoir, oui d’accord les capacités augmentent, quand je travaillais le terme TERABYTE n’existait pas , on admirait un disque dur de 300MO mais le code n’a pas changé.


    • Opposition contrôlée Opposition contrôlée 29 octobre 2020 19:46

      @sylvie

      le code n’a pas changé.

      Oui et non. Les fondamentaux de l’informatique n’ont pas changé, certes (ils datent d’ailleurs d’avant même l’ordinateur) Mais la quantité de librairies librement disponibles est prodigieuse : analyse et reconnaissance d’images, traitement du langage naturel, synthèse vocal, statistiques, etc... Et j’ai trois lignes de commande à taper pour en disposer.


    • Aristide Aristide 31 octobre 2020 09:46

      @Opposition contrôlée

      Et j’ai trois lignes de commande à taper pour en disposer.

      Allez un petit exemple ...


    • Opposition contrôlée Opposition contrôlée 31 octobre 2020 19:13

      @Aristide
      pip3 install spacy
      pip3 install newspaper3k


    • Opposition contrôlée Opposition contrôlée 1er novembre 2020 12:34

      @Aristide
      PS : spacy, librairie python de traitement automatique du langage naturel

      • Détection des phrases
      • Détection des « tokens » (mots), groupe nominaux, entités nommées (noms de personnes, de lieux, références temporelles (ex. demain, le 10 août, 1979...) noms d’objets, noms d’organisations etc)
      • Décomposition grammaticale des phrases, avec les liens entre tokens (verbe X à pour sujet Y, complément Z etc)
      • Lemmatisation (ex. entriez -> entrer, anticonstitutionnellement -> anticonstitutionnel etc)
      • Espace vectoriel des tokens (permet de détecter la proximité entres tokens ex. Roi -> Reine, Whisky->Vodka, Eau->Liquide, Vodka->Liquide etc)
      • Et bien d’autres encore

      Installation (sous linux) de la librairie :

      pip3 install spacy -> entre 1 et 3 minutes de patience, voilà !

       


  • Sylfaën.H. Sylfaën.H. 29 octobre 2020 21:44

    Le code n’a pas changé, c’est tout.
    Il suffirait d’un modèle non basé sur Les Echanges mais sur Les SOLs :
    SOL.départ ------échanges------> SOL.arrivée ; SOL étant défini fonction de (qté individus , surface , volumeEchangé , volumeNation). La logique Donner-Recevoir-Rendre permettant d’injecter 2 degré de liberté dans un système bien contraint.
    Reste ensuite à Nationaliser intégralement par nation et interdire transferts de propriété(gel). La disruption des banques tentée vers 1930 trouverait là son fauteuil.
    Il s’agira alors de pouvoir enfin créer de l’emploi, au SOL, le valoriser selon besoins. Les entreprises d’intérêt national passent sous Consignes avec Prix.Volume=Cte(t), avec Orientations sectorielles techniques d’abord d’Entretien(1°sécurité).
    Le rachat de La Propriété d’une nation est payé par fonds de Population, créé à l’occasion de sa convention avec Constitution de Population. Populations peuvent ainsi capitaliser Leur Travail. Bref, faut 2Trucs :
    ¤Constitution de Population
    ¤Système de compte EXT : le même .exe pour toutes nations ;
                      INT : produire comptes contradictoires avec ceux sur nation
    et c’est réglé. Simplement faire en sorte que Toutes les populations soient informées. Après 2Ans de Propositions au chef de l’Etat français, pour projection d’emmerdes et récupération jusqu’ONU :« système+humain, cohérence, redonner du sens »-sept2019 ; les Propositions s’orientent vers EST,SUD d’abord.
    C’est Là : https://beterrbeterr.wixsite.com/territoires-xyz
    3Assemblées pour les 3bloks générationnels sont prêtes. Les jeunes kiffent.


    • HELIOS HELIOS 30 octobre 2020 15:58

      @Sylfaën.H.

      ... vous avez raison, « je ne veux voir qu’une seule tête » disait le sergent !

      au fait, vous choisissez qui sur le marché (pour le technique ) ? le monde Apple ou les mondes Windows/Linux ?... parce qu’il faudra choisir en augmentant considerablement la complexité pour que ce que vous appelez un « exe » soit utilisable par tout plein, tout plein d’OS en version differentes et evolutives.

      Toujours au fait, vous choisirez quelle norme mondiale pour les fonctionnalités de vos logiciels.... regardez, une simple compta, c’est la même de partout dans le monde ?

      Vous ne seriez pas un peu ecolo-sceptique, par hasard..... et la diversité, bordel.....

      note : si j’en crois votre message, vous avez déjà trouvé le bon générateur de texte en Français... enfin, presque !


  • Bendidon ... bienvenue au big CIRCUS Bendidon 30 octobre 2020 11:18

    WEF — OMS — Rockefeller foundation 

    Ils ont tout annoncé en ... 2010 !

    C’est résumé sur la couverture de THE ECONOMIST janvier 2019 (l’un des actionnaires du canard élitiste sont les Rothschild) 

    Bo ben alla wak bar quoi, puisqu’on ne peut plus aller au bar smiley


  • pierrot pierrot 30 octobre 2020 12:18

    Bonjour, ayant un peu vécu, je suis septique sur un grand changement après cette crise sanitaire qui a généré une crise économique.

    On disait la même chose après mai-juin 1968 : non à la consommation effrénée. Après les grandes grèves de 1995 : plus de solidarité et pour un monde nouveau. Mais les crises terminées , la vie usuelle reprend à peu près comme avant.

    Je le regrette mais les faits sont têtus.


    • Bendidon ... bienvenue au big CIRCUS Bendidon 30 octobre 2020 14:32

      @pierrot
      Allez Pierrot arrête de jouer les neuneus à force de le faire on voit bien que tu n’es pas là par hasard
      Soit t’es là pour la déconne (comme nono) et dans ce cas, t’es fortiche et j’apprécie 
      Ou t’es là pour la désinfo ou plutot l’info officielle (comme BA, lapin blanc et compagnie) et c’est chiant et con !


    • pierrot pierrot 30 octobre 2020 14:41

      @Bendidon
      Je dis et dirai ce que je veux, peu me chau les avis ...des obscurantistes adeptes de you tube et des réseaux dits sociaux qui sont une grande calamité et une insulte à l’intelligence rationnelle.


    • Francis, agnotologue Francis 30 octobre 2020 14:48

      @pierrot
       
       libre à vous de préférer les menteurs appointés qui ont leurs entrées dans les grands médias.
       
       ça ne dénote pas d’un grand esprit rationnel.


    • troletbuse troletbuse 30 octobre 2020 16:03

      @Pierrot
      Vous êtes septique !!!! comme la fosse.
      Ca vous va bien  smiley


    • Lancelot 2 novembre 2020 09:02

      @pierrot
      Commence par regarder la tienne d intelligence elle semble très limité vu les mensonges des merdias auquel auquel tu crois !


    • Lancelot 2 novembre 2020 09:03

      @pierrot Les crédules comme qui croient tout ce qui est officiel alors que ce sont des mensonges ou demi vérités il y’a pas que facebook et youtube pour s informer !


  • zygzornifle zygzornifle 30 octobre 2020 15:55

    Il est évident que a technologie remplacera l’humain c’est le but recherché et les emplois ceux ci seront hautement qualifiés et peu nombreux ....


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