Service public, traitement de l’information politique : Le pire n’a pas encore eu lieu ?
France TV, "Vous avez la parole du 24 /09/20" avec le premier ministre Jean Castex.
Un titre d’émission qui en vaut un autre même si au bout du compte on se demande qui a eu la parole, pour dire quoi, à qui, selon les questions que se posent les communicants et les publicitaires qui usent aussi quelquefois d'un langage d’archer en parlant de cibles. Vous savez, ces enfants spirituels (très) à peine relookés de la bonne vieille propagande.Je ne vous apprends rien à propos des cibles, il s’agit de nous le plus souvent. Même si c’est surtout notre amour-propre qui se sent blessé à cette évocation nous avons le dos qui se raidit quand on y pense par un réflexe difficilement contrôlable. N’en déplaise aux transhumanistes, nous n’échappons pas à notre condition humaine de primate évolué prêt à anticiper le danger ce qui nous a d’ailleurs plutôt réussi. Dommage que nous ne soyons pas munis des mêmes réflexes quand il s’agit de se préserver des émotions que l’on nous impose au vu des pièges si fréquents qui nous sont tendus. Que l’on ne s’y trompe pas, les deux officiants et maîtres de cérémonie de la soirée portaient bien le titre fort honorable de journaliste parce c’est à ce titre qu’ils sont payés tout simplement.
La thématique de la justice et de la sécurité était opportunément à l’honneur si j’ose dire. Le premier ministre a annoncé une progression de 8% de ce budget en rappelant notre retard phénoménal en comparaison de pays homologues et en signalant sans malice je pense que pendant 35 ans la résolution de ce retard avait été différée en rendant un hommage critique et involontaire aux politiques publiques qu'ils auraient fallu mener et non menées jusqu’ici auxquelles il avait participé (sécrétaire-adjoint de l’Elysée sous la présidence Sarkozy entre autres) comme son ministre Gérard Darmanin (RPR, UMP, député LR en 2012.)
Le témoignage d’une mère dont le fils (magnifique photo présentée) avait été poignardé en plein cœur, soyons précis tout comme les metteurs en scène de la séquence, à la sortie d’une boîte de nuit à Grenoble en 2018 dont l’affaire est encore en cours nous a-t-on précisé avait été mobilisé, en fait instrumentalisé pour servir d’introduction à la thématique. Cette dame a témoigné dignement et éperdument de sa douleur encore à vif, de sa colère impuissante comme nous le sommes tous dans ce type de circonstance, de son désarroi et son impatience devant le rythme de la justice, son incompréhension devant de tels événements en interpellant les pouvoirs publics et les dirigeants. Comment ne pas ressentir soi-même ces émotions et cette colère si âprement et sincèrement exprimées. L’impuissance de la compassion aussi devant ce qui est inacceptable et devant ce qui arrive pourtant qui ne deviendra moins douloureux que par le travail du temps, la justice rendue et les responsabilités établies. Le ministre de la justice a précisé que introduite comme cela toute réflexion de fond était différée et rendue impossible de par le procédé même. Personnellement, j’étais partagé entre la honte pour le service public de mon pays et la colère. J’avoue que écœuré, je ne suis pas allé jusqu’au bout de l’émission. Une question à nos titulaires de carte de presse, est-ce que vous auriez instrumentalisé de la même façon un membre de votre famille ou un proche plongé dans cette même situation ? Un sentiment de dépossession de mon pays et de sa santé morale m’a traversé.
Je suis sûr bien entendu que le consentement écrit a été recueilli et qu’un accompagnement psychologique a été proposé ce qui protège surtout les journalistes et l’institution. Reste le problème moral et la déontologie. Qu’est-ce qui se passe dans les médias pour qu’au cœur du service public nous en soyons rendus là ?
A quoi sommes-nous confrontés ? Un problème d’audience et de concurrence avec les moins disants et les plus spectaculaires ? Un problème de fascination par les méthodes observées Outre-Atlantique. Un problème d’ambitions personnelles et de recherche éperdue de notoriété ou d’influence ? Un problème de compétences ? Un problème de pilotage de l’information et ses modalités au niveau de la direction ? Va-t-on assister à une nouvelle escalade et contagion dans le genre ? Est-ce une transgression voulue des repères déontologiques ? Est-ce une prestation-témoin dans le cadre de la vaste mobilisation qui s’annonce à propos de la campagne présidentielle ? Une stratégie assumée du service public ? Est-ce que les personnels du service public et les citoyens de ce pays sont condamnés à subir ces personnes et ces méthodes ?
Notre pays n’a-t-il pas besoin de pacification, de clarté, de débats engagés mais loyaux et constructifs ou est-il déjà prévu de nous emmener dans les émotions de nouvelles montagnes russes qui éloigneront une fois de plus la majorité de nos concitoyens des urnes afin de résoudre plus facilement l’équation de la légalisation de l’élection d’une nouvelle minorité ?