lundi 12 février 2018 - par Michel J. Cuny

Sigmund Freud : Les histoires d’amour ne finissent pas toujours mal

Remise de quelques-uns de ses symptômes à la suite de sept semaines de traitement auprès de Sigmund Freud, et revenue, en conséquence, à son domicile des bords de la Baltique, Emmy von N… avait basculé quelques mois plus tard dans une hostilité très affirmée à son « sauveur » qu’elle réunissait à un certain Dr N… à propos d’une maladie grave qu’ils n’avaient pas su voir fondre sur sa propre fille. En conséquence de quoi, les suggestions qui l’avaient protégée pendant plusieurs mois avaient été plus ou moins balayées…

Sigmund Freud nous rapporte la suite :
«  Un éminent médecin de sa région et le Dr Breuer qui entretint avec elle une correspondance suivie parvinrent, il est vrai, à la convaincre de l’innocence des deux accusés, mais l’aversion qu’elle avait conçue à mon égard persista, même après cette explication, en tant que séquelle hystérique. Elle déclara qu’il lui serait impossible de se faire à nouveau traiter par moi.  » (pages 927-928 du PDF)

Nous voyons qu’il y a ici une affaire de réseau médical… Et nous trouvons, une nouvelle fois, dans la proximité immédiate à la fois de Sigmund Freud et d’Emmy von N… l’ami de toute l’époque héroïque qui a précédé le temps de la psychanalyse : Josef Breuer. La suite va nous permettre de comprendre que les efforts produits par Freud à propos de l’hystérie avaient rencontré l’intérêt et la sympathie de quelques-uns de ses collègues qui veilleraient à lui faciliter la tâche, pour autant que cela fût possible.

Pour aller dans ce sens, voici la voie qui a tout d’abord été suivie. C’est Sigmund Freud lui-même qui nous le dit :
« Suivant le conseil des praticiens éminents dont j’ai déjà parlé, elle partit se faire soigner dans un sanatorium de l’Allemagne du Nord et, sur la demande de Breuer, j’indiquai au médecin-chef de cet établissement quelles modifications de la thérapeutique hypnotique s’étaient montrées efficaces dans son cas. » (Idem, page 928)

Or, manifestement, il y a hypnose et hypnose… et c’est également ce que Freud allait découvrir, pour peu qu’il ne l’ait pas déjà su d’avance. Abordons cela tout d’abord par les résultats obtenus :
« Cette tentative de transfert échoua totalement. Il semble qu’elle ne put jamais s’entendre avec le médecin, qu’elle se dressa contre tout ce qu’on voulut tenter pour elle, qu’elle déclina, perdit le sommeil et l’appétit et ne se remit que lorsqu’une amie, venue la voir dans l’établissement, l’en fit partir subrepticement pour de bon et l’emmena chez elle pour la soigner. » (Idem, page 928)

Nous n’avons pas oublié que le traitement entrepris par Freud avait débuté le 1er mai 1889… Ni qu’Emmy von N… avait rejoint la Baltique sept semaines plus tard…


« Au bout de peu de temps, un an exactement après notre première rencontre, elle revint à Vienne et se remit entre mes mains.  » (Idem, page 928)

Magnanime, Sigmund Freud a tout d’abord tendance à ne pas trop s’affliger de son évolution récente :
« Je la trouve en bien meilleur état que ne me l’avaient laissé prévoir les nouvelles qui m’en étaient parvenues. » (Idem, page 928)

Or, même la discussion libre est devenue très difficultueuse :
« Elle bégaye et fait claquer sa langue en se tordant les mains, et quand je lui demande si elle voit beaucoup de bêtes, elle me répond seulement : « Oh ! taisez-vous ! » » (Idem, page 928)

Mais, ensuite, autre chose se présente qui ne peut que très vivement choquer Freud
« À ma première tentative pour la plonger dans l’hypnose, elle serre les poings et crie : « Je ne veux pas d’injection d’antipyrine, je préfère conserver mes douleurs. Je n’aime pas le Dr R…, il m’est antipathique. » » (Idem, page 928)

On imagine l’émoi produit chez le médecin viennois que nous ap-prenons peu à peu à connaître :
« Je reconnais qu’elle se trouve empêtrée dans la réminiscence d’une hypnose subie à l’établissement. Elle se tranquillise quand je la ramène à la situation actuelle. » (Idem, page 928-929)

Et nous repartons avec lui sur les bases qui sont les siennes depuis le début du cas Emmy von N… :
« Dès le début du traitement, je fais une découverte instructive. Je lui avais demandé à quel moment elle avait recommencé à bégayer et elle avait répondu, en hésitant (sous hypnose), que c’était depuis la peur qu’elle avait eue à D… cet hiver. Un garçon de l’hôtel où elle logeait s’était caché dans sa chambre ; dans l’obscurité elle l’avait pris pour un paletot et l’avait saisi ; l’homme avait alors bondi tout à coup. » (Idem, page 929)

Effectivement, Emmy von N… est bien toujours Emmy von N…, et elle s’apprête à revenir sur la piste d’une certaine vérité…
«  Au cours de la séance suivante elle me donne plus de détails et probablement une version plus véridique. Fort agitée, elle s’était, le soir, promenée de long en large dans le couloir, et trouvant ouverte la porte de la chambre de sa domestique, voulut y entrer pour s’y reposer. La femme de chambre tenta de lui barrer le chemin, mais elle ne se laissa pas faire, pénétra quand même dans la pièce et remarqua alors sur le mur quelque chose de sombre qui était un homme. » (Idem, page 929)

Mais il paraît que Sigmund Freud a fait, lui aussi, quelques petits progrès :
« C’est évidemment le caractère érotique de cette petite aventure qui l’avait poussée à m’en faire un récit inexact. » (Idem, page 929)

À quelle fin ?

NB. Pour comprendre dans quel contexte politique de fond se situe ce travail inscrit dans la problématique générale de l'amour courtois...
https://freudlacanpsy.wordpress.com/a-propos/



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