lundi 11 octobre 2010 - par joelim

Sites contributifs : le prochain pas à faire

Résumé : les sites contributifs doivent évoluer afin de contribuer à l’émancipation des humains vus en tant qu’êtres pensant et communiquant. L’étape à franchir est d’évaluer de manière graduée les contributions, afin que l’on lise moins de ce que l’on aurait aimé éviter lire, et que les meilleures contributions ne soient pas perdues dans le flot de ses consœurs moins intéressantes. Si chacun peut définir des affinités qu’il a ou non avec les autres contributeurs, il peut filtrer les contributions pour en soutirer les meilleures selon sa propre subjectivité. Çà tombe bien : « meilleur » est un qualificatif totalement subjectif !

Bon, voilà ce que je propose, ma solution à tous les problèmes. Qui toujours sera perfectible. Et d’ailleurs peut-être que je la quitterai en faveur de votre solution à vous. Je suis à priori intéressé par vos suggestions ainsi que par votre propre vision des choses, en effet comme d’autres j’ai pu constater qu’accéder à des visions différentes de la sienne enrichit. Du moins quand elles sont un minimum étayées, sinon on atteint vite l’overdose informationnelle.

Beaucoup vont sur le net pour avoir ces visions différentes qui les enrichissent. Et peu finalement pour y retrouver exclusivement les idées qu’ils ont déjà : je crois en effet qu’en fait nous nous intéressons le plus passionnément aux "visions différentes & enrichissantes" à l’intérieur des idées que nous avons provisoirement, partiellement et patiemment forgées.

Là est la nuance. Qui proposerait un "framework" web gérant cela pourrait rendre obsolète les forums et blogs existants en terme de fonctionnalités. Ou plutôt ils évolueraient en quelque chose de plus adapté à nos besoins : un "upgrade" en 3.0 pour le web, ou en 2.0 pour les réseaux sociaux. Ce ne serait pas de trop dans la situation post-démocratique dans laquelle on se débat actuellement (pour un constat voir par exemple les articles de caleb irri, lisa sion, imhotep, et tant d’autres contributions intéressantes y compris chez des commentateurs non-auteurs).

           L’illustration n’a (presque) rien à voir, j’en suis conscient. Mais çà évoque. (lol)

Première étape : qualification

La première étape est la qualification des contributions, ou posts. Par post j’entends un article ou un commentaire, sans distinction, comme pour un forum. La manière la plus simple de qualifier une contribution est une valeur binaire oui/non, comme dans AgoraVox. Mais il faut évoluer (et je conjecture que çà va arriver bientôt) vers un système gradué, par exemple de 0 à 10, ou encore de -5 à 5, indiquant l’approbation, la quantité d’adhésion, la plausibilité, l’importance, en fait une combinaison de tout çà. Çà donnerait :

note description : probabilité : soit environ :

-5  extrêmement peu probable autour de 5% 1 chances sur 20

-4  très peu probable autour de 15% 1 chances sur 7

-3  assez peu probable autour de 25% 1 chance sur 4

-2  plutôt peu probable autour de 35% 1 chance sur 3

-1  légèrement peu probable autour de 45% 4 chances sur 9

 0  sans avis

 1  légèrement probable autour de 55% 5 chances sur 9

 2  plutôt probable autour de 65 % 2 chances sur 3

 3  assez probable autour de 75 % 3 chances sur 4

 4  très probable         autour de 85 % 6 chances sur 7

 5  extrêmement probable autour de 95 % 19 chances sur 20

Les valeurs de probabilités correspondent aux moyennes de probabilité de chaque intervalle 0 à 10 %, 10 à 20 %, ..., 90 à 100 %, l’intérêt aussi est que certaines sont proche de ratios que nous utilisons naturellement : 1/4, 1/3, 2/3, 3/4.

Note : A la place de ’probable’ on peut mettre ’favorable’, ’convaincant’ ou ’intéressant’. On peut considérer que c’est presque équivalent dans la mesure où l’avis donné est supposé suffisamment réfléchi. Certes on peut complexifier mais ce n’est pas le propos ici.

Grâce à cette gradation on pourrait bien mieux optimiser ses lectures, par exemple quand on souhaite ne pas lire les 150 commentaires d’un fil alors qu’on sait que statistiquement seulement mettons une trentaine satisferont notre soif de ’vision différente et enrichissante’. 

Amazon pratique déjà des ’cumuls de gradations ’ résultant des avis de ses clients :

Un affichage horizontal me parait plus pratique et surtout plus intuitif et symbolique, ce qui serait appréciable car ces ’vignettes" seront présentes devant chaque post. Aux graduations que je propose sont associés des codes couleurs (le "0" étant un cas spécial ne faisant pas l’objet de cumul). Je me suis inspiré du spectre visible, tant qu’à faire : 

-5 -4 -3 -2 -1 0 1 2 3 4 5

Avec ces couleurs il suffirait de remplir un histogramme. Imaginez 10 colonnes de hauteurs différentes collées ensemble, suivies d’un nombre indiquant combien la colonne la plus haute comporte d’avis. 

Quel confort ce serait pour savoir avec une fiabilité raisonnable si on a intérêt à lire un post ou pas...

Deuxième étape : affinités

Bien sûr se poserait rapidement le problème de groupes de pression voire de personnes seules en multi-IP cherchant à fausser les résultats en faveur de leur idéologie.

Une solution à cela : chacun pourrait définir ses affinités et ses non-affinités (le terme non-affinité est préférable à "inimitié" qui est trop fort) envers les autres contributeurs. Lesquelles seraient publiques. Pourquoi pas ? Je suis en défaveur de la non-publication de certaines données, et celles-ci ne poseraient pas problème : ce serait à chacun de supporter les non-affinités déclarées des autres et aussi d’assumer ses propres choix de non-affinités. Au risque de froisser autrui mais où serait le mal : avoir une non-affinité dans le sens où essentiellement on n’a pas envie de lire les posts de quelqu’un n’est pas inavouable, c’est même une liberté.

Ensuite, l’idée est de donner un poids important aux avis des contributeurs avec qui on a des affinités et un poids nul envers ceux – rares il faut espérer – envers qui on a des non-affinités. Les trolls quoi. Et pour une fois on tiendrait compte de la composante parfois subjective de la notion de troll.

Cela résoudrait sur le long terme le problème de l’entrisme de personnes voulant imposer leurs vues en votant plusieurs fois : même s’il n’est pas repéré le tricheur n’est pas l’objet d’affinités s’il ne poste pas de choses intéressantes et honnêtes. En supposant qu’à la longue on détecte l’honnêteté, ce que je pense. C’est d’ailleurs fascinant de pouvoir à la longue se sentir en confiance (ou pas) sur la seule base d’écrits de discoureurs anonymes.

Dans l’idéal, l’affinité avec un participant serait lui aussi gradué, mettons de -3 à +3 :

-3  forte non-affinité

-2 non-affinité

-1 faible non-affinité

0 sans avis

1 faible affinité

2 affinité

forte affinité

avec un code couleur particulier comme : -3  -2  -1  0  1  2  3

Note : le choix du vert c’est pour pouvoir dire "green mec, c’est green" (à la korben dallas, cf "le 5ème élément") afin de détendre l’atmosphère avec celui qui fait l’objet d’une non-affinité. 

On peut aussi envisager que les affinités soient calculées automatiquement en fonction des notes que l’on a données aux contributions de chaque posteur.

Troisième étape : sélection

A partir des qualifications et des affinités on peut imaginer toutes sortes d’affichages des posts comme, par priorité décroissante :

— les posts des contributeurs avec qui on a des affinité

— les posts qualifiés positivement par les contributeurs avec qui on a des affinités

— les posts qualifiés positivement par les contributeurs avec qui on n’a pas de non-affinité

Il faut alors définir un paramètre permettant à chacun de décider du détail plus ou moins prononcé de l’affichage, mettons de 0 à 5 :

0 très synthétique que les posts très bien notés

1 synthétique que les posts bien notés

2 plutôt synthétique que les posts plutôt bien notés

plutôt détaillé tous les posts sauf ceux plutôt mal notés

4 détaillé tous les posts sauf ceux mal notés

5 très détaillé tous les posts

La note utilisée proviendrait d’un calcul simple mixant les avis "affinitaires" et les avis des autres, non-affinités exclues. Un indicateur indiquant la proportion entre les deux catégories serait un plus.

Pour les posts qui seraient sélectionnés, le degré de ’qualité’ de chacun serait perceptible au travers d’un style fonction de sa note : taille de la police plus ou moins grande, gras ou pas, etc. J’ai déjà rencontré un site contributif faire çà et çà semble efficace.

Note : bien sûr, un tel filtrage nécessite une bonne confiance envers le site qui le fait. Mais je dirais que c’est un faux problème : si un site (ex : un moteur de recherche) renvoie des résultats faussés, on finit par s’en apercevoir et on change de crèmerie. La publication de l’algorithme exact est cependant un minimum, et si le code était libre ce serait parfait, chacun pouvant alors créer son propre site.

Conclusion

En bref, je prétends que ces trois éléments combinés permettraient d’augmenter significativement le confort de lecture des sites contributifs, en particulier dès que le nombre de contributions dépasse la centaine, ce qui est fréquent notamment sur les blogs de personnes connues, comme par exemple Jean-François Kahn (du temps où il tenait un blog). Et aussi quand les contributions sont de qualité très variable (çà l’était chez JFK). Personne n’a envie de se manger un fil de 200 commentaires, du Post par exemple. Ce qui fait que les commentaires ne sont lus que par la demi-douzaine de personnes qui postent juste après soi, et c’est tout ! Bref on se défoule, çà sert quasiment à rien mais c’est pas grave on est content quand même  !...

Donc parfois çà ne sert à rien d’écrire, et parfois çà ne sert à rien non plus de lire ! En effet il y a je crois consensus sur le fait qu’on perd de plus en plus de temps à lire des choses inutiles (pour ne pas dire plus...). Mais on vient quand même sur son site contributif préféré, tout simplement parce qu’on y trouve des pépites qu’on ne souhaite pas rater : des posts qui nous font sainement marrer, qui nous ouvrent des portes insoupçonnées, qui nous font avancer ou rêver... Et bien je parie qu’un truc ressemblant à ce que je vous ai présenté (qui n’est pas entièrement nouveau : la notion de ’mana’ est proche) sera utilisé bientôt, et çà s’appellera : les réseaux sociaux 2.0.

Bon mais en quoi çà résoudrait tous les problèmes ?

Ok je me suis peut-être un peu avancé (^_^) mais il faut reconnaître que le ’big problem’ est lié...

au manque d’exhaustivité des points de vue : en effet l’information partielle nous fait faire des erreurs dans nos choix ; exemple : voter pour quelqu’un et le regretter, ce qui est quant même arrivé à 53% - 29% = 24 % des votants de la dernière présidentielle ce qui fait vraiment beaucoup même si le calcul est à la louche ;

au manque de tri dans les points de vue : en effet l’information non structurée nous empêche de percevoir comment concrétiser nos décisions.

Je pense donc qu’à terme une information mieux priorisée (prioriser : néologisme, donner une importance préférentielle à quelqu’un ou à quelque chosenous permettra de mieux définir ce que nous sommes, là où nous voulons aller et puis aussi comment y aller. En somme : les constats, les buts, les concrétisations. Peut-être que l’on n’a rien besoin d’autre que de se mettre d’accord sur ces points... Et de façon vraiment démocratique : pas dans la démocratie d’opérette dans laquelle veulent nous entraîner certaines personnes fort inquiétantes qu’on entend si souvent dans les vieux machins, là. Comment çà s’appelle déjà, ah oui : les médias-subventionnés-presque-obsolètes.

Pour un développeur web compétent, motivé et qui a du temps, ce que j’ai présenté n’est pas si difficile à réaliser. Çà ne court pas les rues mais peut-être mon article fera des vocations. Il en suffit d’une. Je suis moi-même dans la course, mais je suis lent et y consacre trop peu de temps, cela ne me dérangerait donc pas que des solutions en libre émergent avant.

Il y aurait d’autres considérations à aborder, comme le fait que des discussions partiellement voire entièrement (!) indépendantes seraient possibles dans un même fil, qu’il faudrait que la profondeur des réponses ne soit plus limitée à 2 niveaux afin que le fil ne soit pas "hâché" par des réponses à des posts non-affichés, etc. Mais je préfère limiter la longueur de l’article, j’ai moi-même de plus en plus de difficulté à lire un article en entier (c’en est effrayant, çà ne vous arrive pas à vous ?).

Mes sincère et démocratiques salutations !

PS : une version simplifiée et compatible du bazar consisterait à garder seulement les graduations paires. Pour les posts : très peu probable (-4), plutôt peu probable (-2), plutôt probable (2), très probable (4). Pour les "collègues" : non-affinité (-2), affinité (2). Attention toutefois si la non-affinité est une information publique je ne garantis pas la sérénité parfaite des discussions. ^_^

Crédit images : Welcome Images, Amazon.



3 réactions


  • Aldebaran Aldebaran 11 octobre 2010 12:00
    Article très pertinent, revisitant les données habituelles.
    La méthodologie est à retenir ; elle a le grand mérite d’introduire des données qualitatives dans l’océan quantitatif des données.

    <<personnes voulant imposer leurs vues en votant plusieurs fois>>

    Je me doutais de l’existence de tels profils, je ne savais pas que la pratique est si répandue.
    Vu la durée ’normale’ à simplement lire les articles ou à les commenter, j’ai un mal fou à me représenter ces trolls qui reviennent masqués pour revoter plusieurs fois.
    Que reste-t’il de leur vraie vie, à moins qu’ils soient payés ?
    Au-delà de la tricherie et de la perte de temps, cela signe l’expression d’une parfaite futilité, comme si de bonnes ou mauvaises notes allaient changer la face du monde. Il est terriblement naïf (et un peu insultant pour les autres) de penser ainsi modifier l’opinion...


    • UltraLord 11 octobre 2010 13:58

      Vous verrez la chose sur Agoravox. Un commentaire pertinent dans les premiers sera vite bien noté, passera dans les 4 articles les plus votés. Dès lors, le risque de la pensée unique est inévitable puisqu’une personne n’ayant pas le temps de lire tous les commentaires se limitera à ses 4 articles.

      Dès lors, on peut, si on n’a que ça à faire, répondre rapidement à chaque article et voir ses commentaires mis en avant plus facilement. Dès lors, votre avis étant plus mis en avant, il « s’impose » un peu plus que les autres. Votre article étant dans les premiers, il sera plus lu, dont il sera plus plussé que les autres (à qualité égale).

      Le problème qui restera de toute façon est comment mettre en avant un argument pertinent mais peu partagé ? Ce n’est pas parce qu’une idée est répandue qu’elle est bonne, et inversement.


    • joelim joelim 11 octobre 2010 23:48

      Je me doutais de l’existence de tels profils, je ne savais pas que la pratique est si répandue.

      Non, c’est plutôt rare même. Mais il suffit que ce soit possible pour que ce soit un problème. Je ne l’ai constaté que du temps où il y avait beaucoup de rififi sous les fils à Morice. Et une fois aussi un nombre très important de votes négatifs sur un article qui critiquait les 4x4 mais sans excès, alors qu’il n’y avait pas de commentaires négatifs. L’auteur et moi-même ne nous l’expliquions pas. 

Réagir