mercredi 24 juin 2009 - par Dedalus

Sociale Ecologie : Un autre socialisme est possible

15 à 20% des français sont éventuellement prêts à mettre un bulletin écolo dans l’urne. Mais savent en réalité de quoi il s’agit quand on parle d’écologie politique ?

Les écologistes en général, et les Verts en particulier, se complaisent à ne mettre en avant que leurs atouts les plus séduisants. Ce serait cette femme tellement jolie, tellement sexy, qu’elle se contenterait de dire « Regardez-moi, dévorez-moi des yeux et vous saurez ce qu’est une femme ». Nous savons par expérience qu’une femme est un peu plus que cela, que c’est à définir à la fois un peu plus subtil et un peu plus complexe...

Il en est de même de l’écologie politique, c’est un peu plus profond que cela.


Et Dieu créa la femme

L’écologie politique n’est pas un mouvement associatif qui lutte pour la paix et contre la faim dans le monde. L’écologie politique, ce n’est pas davantage la protection des plantes vertes, des petites fleurs qui sentent bon et des animaux en voies de disparition, ni même la lutte acharnée contre toutes les pollutions environnementales. L’écologie politique est avant tout un projet... politique !

Faute d’avoir fait l’effort de comprendre de quoi parlent les écologistes, préférant en rester à leur caricature médiatique - une poignée d’illuminés qui adoptent des bébés phoques en fumant de l’herbe et annoncent des catastrophes en arborant des chemises à fleurs - le Parti Socialiste a été incapable de renouveler sa pensée politique pour l’adapter aux enjeux modernes.

J’ai quitté les Verts parce que les "environnementalistes" dont ceux-là sont la caricature - les défenseurs d’ours blancs en tongues - constituent tout de même un gros quart de ce parti, qui ne comprennent pas que l’écologie est l’essence même de la gauche, un autre gros quart étant composé d’anciens militants trotskistes, ou assimilés façon couteau entre les dents, qui ont trouvé chez les Verts un terrain de jeu à la mesure de leurs talents - qu’on a toujours tort de sous-estimés -, des "gauchistes" qui en réalité se contrefichent de l’écologie. Du coup, malgré la petite moitié restante, composée de militants sincères et qui savent de quoi il retourne quand ils parlent d’écologie, ce parti - où le bordel qui règne ferait passer le PS pour un village de schtroumpfs - apparaît incapable de grandir, d’irriguer la gauche, et d’assumer ce rôle d’avant-garde d’une gauche qui s’en trouverait enfin modernisée. Et le miracle Cohn-Bendit n’y changera rien, je peux vous le garantir.

Convaincu depuis longtemps que l’écologie politique est le prisme au travers duquel le socialisme pourra et devra se transcender, je suis aujourd’hui plus que jamais convaincu que c’est au Parti Socialiste que se fera ou ne se fera pas la mutation écologiste de la gauche, et si possible de toute la gauche.

Mais qu’est-ce que l’écologie politique ?

Pour bien comprendre de quoi on parle, il suffit de s’interroger sur ce qu’"environnement" signifie. La terre, la mer et l’air sont mon environnement. Les espèces animales également. Mais la société l’est tout autant, qui interagit avec moi. L’écologie politique c’est la conscience que toute décision politique doit s’intéresser à son impact sur son environnement, naturel ou social. Impact direct ou indirect. Impact de court, moyen ou long terme.

On comprend alors que l’écologie politique est ce qui s’oppose le plus frontalement au libéralisme, pour lequel toute décision est exclusivement tournée vers le profit immédiat et sa maximisation, au mépris des dégâts sur l’environnement, y compris donc sur le tissu social. Le credo libéral est qu’une main invisible s’occupera d’équilibrer les choses : il n’est qu’à observer l’état du monde pour comprendre que les choses ne s’équilibrent pas, que les pollutions augmentent, que les injustices sociales grandissent, que la terre s’essouffle et s’épuise, pendant que de plus en plus nombreux sont les hommes à ployer durement sous les coups qu’une main invisible assène avec constance...

Combien coûte à la société un chômeur ? Combien coûte à la société un enfant déscolarisé ? Combien coûte à la société un malade mal soigné ? Etc...

L’écologie politique, c’est alors, par exemple, une fiscalité pour les entreprises qui les contraigne à internaliser le coût de ce qui constituent pour elles des externalités, de ce qui ne constituent pas des coûts qu’elles ont à supporter mais que la société toute entière devra finalement payer, et au prix le plus fort. Dit autrement, c’est faire supporter à l’entreprise l’ensemble des dits coûts de telle manière qu’elle prenne des décisions pour elle-même qui soient optimales pour la société toute entière.

Ainsi, par exemple, le principe pollueur-payeur n’est pas - ou ne devrait pas être - un permis de polluer. Il est de faire en sorte que polluer devienne plus cher que de ne pas polluer. Il est de fournir une incitation sonnante et trébuchante à ne pas polluer - parce que l’entreprise aurait à supporter le coût de ses pollutions.

Ainsi, plutôt que de vouloir interdire administrativement les licenciements, la gauche devrait s’intéresser à faire qu’il devienne suffisamment cher de licencier que l’entreprise soit contrainte d’envisager si d’autres solutions ne lui seraient pas plus profitables, c’est-à-dire moins coûteuses - parce que l’entreprise aurait à supporter le coût social de ses licenciements.

Etc...

Se saisir de cette grille de lecture pour le Parti Socialiste serait, pour le coup, procéder à une véritable refondation idéologique... qui donnerait naissance à un projet moderne et ambitieux, profondément de gauche... et qui en effet justifierait un changement de nom comme un symbole positif de l’ampleur de la mutation. Parti de la Sociale Ecologie, ou Parti Ecolo-Socialiste, semblent convenir - même si, puisque vous avez tout bien suivi, il y aurait là une certaine redondance.

Mais puisqu’il s’agit de comprendre concrètement et de donner symboliquement à entendre qu’un autre socialisme est possible...

Où l’on parle de : Sociale Ecologie



13 réactions


  • syntax_error syntax_error 24 juin 2009 14:19

    A force de tout mélanger à la sauce écolo, un certain daltonisme politique tend à faire virer le vert au rose.
    J’ai peur que le socialisme n’ai pas l’apanage de l’écologisme


  • plancherDesVaches 24 juin 2009 14:31

    En effet. L’écologie ne peut être que de gauche.

    Car le respect de la nature implique le respect des autres humains, soit, une opposition complète aux principes libéraux et donc, individualistes. Ceci sans forcément plonger dans un communisme primaire dont les excés ont aussi été démontrés.

    Mais.
    Mais s’il n’y avait qu’une coui... mouche dans le pota... dans la bière, ça se saurait.
    Politique.
    Chaque parti, de droite, de gauche, les extrèmes, le centre, les autres, a récupéré l’écologie car c’est un secteur vendeur.
    Ce qui n’est pas le pire. Le pire est que c’est tellement vendeur que même à l’interieur d’un parti écolo, on se fo..met sur la gue..figure sans compter. Normal qu’un mouvement soit exploité, c’est dans l’air du temps.

    Et ceci n’est toujours pas le pire car il y a le pire du pire.
    Le bio. Et même sans parler de l’« équitable » (de ping-pong) et du « recyclage » de pierre.
    Recyclage, qui, entre parenthèses, est une des nombreuses hypocrisies françaises dans laquelle seuls 13% de vos déchets sont recyclés car ils sont un minimum obligatoire imposé par l’Europe.
    Le bio doit couter cher. C’est ainsi qu’un psy vous dira sans rire que cette notion d’« investissement » est extrèmement importante afin que vous preniez trés au sérieux le traitement qu’il vous fait subir.
    Ce qui est bon est cher, c’est bien connu. Sauf que de nombreux exemples montrent le contraire. Pas seulement dans l’informatique, mon deuxième métier, mais dans de trés nombreux domaines où lorsqu’on veut réellement faire jouer la concurrence, il y a moyen d’acheter de façon réfléchie, et en pensant à son environnement proche et lointain (géographique et temporel).

    Mais ce n’est pas le pire du pire du pire.
    Car nous sommes dans une société d’argent. Je vous le rappelle. Et nous devons tous être CONsommateurs. (sinon, on perd le POUVOIR d’achat). POUVOIR....
    Pouvoir être abrutis par la pub serait plus judicieux. Obsédé de mode serait bien aussi. Regarder un film en HAUTE définition (alors que tout est fait pour ralentir les vidéo-projecteurs... ?), rouler en 4x4 ou voiture de sport le/la plus cher possible est bien aussi. Pour l’égo.....
    Avec la demeure qui va avec, bien sûr....
     Et la put.. blonde platine de 20 ans cadette.

    Et vous voudriez que l’écologie soit une volonté politique... ou un refus de tout ce merd..bord...manipul... société dans laquelle nous vivons... ???
    Expliquez-moi.


  • Dedalus Dedalus 24 juin 2009 14:49

    J’ai essayé d’expliquer. C’était justement l’objet de cet article, de dire ce que n’est pas l’écologie politique, à quoi elle ne saurait se résumer, le bio, l’équitable, le recyclabe... et qui est récupéré de tout côté pour « faire » de l’écologie à bon compte.

    L’écologie politique est d’abord une vision politique, c’est-à-dire une vision de l’organisation économique et sociale de la cité, un chemin à prendre pour y parvenir...


    • plancherDesVaches 24 juin 2009 16:56

      Vous avez essayé d’expliquer. Mais pas assez directement.

      Pas assez en expliquant que nous sommes dans un monde d’hypocrisie économique.

      Mais bon. Lorsque l’on sait que tout humain est corruptible, ce qui arrange bien ceux qui ont de l’argent... A quoi bon.

      La Mafia fait pareil, notez. Et utilise les mêmes circuits argentifères.


  • marcel 24 juin 2009 15:05

    "L’écologie politique est d’abord une vision politique, c’est-à-dire une vision de l’organisation économique et sociale de la cité, un chemin à prendre pour y parvenir..."

    Admettons, mais qui dit écologie dit équilibre entre monde vivant et sa biosphère,or,vu le grouillement humain démesuré sur la planète ,il serait temps de placer en haut dans la liste des mesures d’écologie politique , le contrôle démographique malthusien (fixation de chiffre de population en adéquation avec les possibilités de chaque pays et leur biosphère) et cela quitte à prendre des mesures contraignantes , il y va de l’avenir de l’humanité .


  • syntax_error syntax_error 24 juin 2009 16:23

    L’écologie politique n’est viable que sur un changement fondamental de notre société. Cela impliquerait un changement planétaire de mode de vie.
    Or personne n’est prêt à ca. Elle reste donc pour le moment une douce utopie.
    Dans la réalité, seuls quelques adaptations mineures sont réalisées pour surfer sur la vague écolo. Beaucoup de ceux qui se disent écolo seraient très désappointés de renoncer à leurs privilèges de consommateurs.
    Je fais parti des gens qui essaient de faire attention, en même temps je fais 60 bornes par jour pour aller bosser.
    Probablement qu’il faudra beaucoup de temps avant de réussir à adapter notre vie à des contraintes de développement durable.
    En tout cas je ne pense pas que les considérations écologiques soient de droite ou de gauche. Elles concernent tout le monde. C’est un peu facile pour la gauche d’essayer de faire de la récupération (recyclage ?) de voix car la mode est au vert.
    La tendance verdissante en est même quelque peu débectante à voir les vautours se jetter sur l’aubaine : politiques, sociétés pseudo développement durables axant leur argumentaire de bonimenteur sur la culpabilisation...
    Dailleurs récemment une de ces sociétés m’a même soutenu qu’il fallait investir rapidement car la taxe carbone était votée.
    Comme quoi une belle idée peut rapidement se faire nécroser...


    • Dedalus Dedalus 24 juin 2009 16:37

      Encore une fois : l’écologie par l’appel aux changements des comportements individuels, ce n’est pas l’écologie politique et c’est prendre la question écologiste par le mauvais bout.

      Il s’agit d’abord de transformer l’organisation économique et sociale de notre société. C’est pour ça qu’elle est politique. La modification des comportements individuels ne saurait être que la conséquence de cette politique. Dans le cas contraire, elle serait inutile - comme soigner un cancer avec un pansement...

      Il s’agit de rompre avec la politique libérale. C’est pour ça qu’elle est de gauche, parce qu’elle tend à placer au coeur de la décision économique, l’émancipation de l’homme dans son environnement social et naturel.


    • syntax_error syntax_error 24 juin 2009 16:40

      Ah merde je croyais que ca c’étais le modem


  • TARTOQUETSCHES TARTOQUESCHES 24 juin 2009 18:53

    A l’auteur.
    je suis d’accord avec vous sur la définition de l’écologie. Je suis aussi d’accord que l’écologie repose sur des valeurs de gauches à l’opposée du libéralisme imbécile et de la vénération du Dieux Argent.
     
    Mais de là à dire que le PS fera sa révolution verte, là je suis très sceptique. Le socialisme politique se veut le défenseur d’un modèle économique social, certes, mais sans remettre en question la société de consommation et de croissance infinie, destructrice pour l’environnement et de tte façon condamnée par ses propres excès.

    Aucun des caciques du ps ne semble voir les enjeux de demain et ne propose d’alternative à la fin de cette société de Shadoks shootés au pétrole et aux excès. Leurs seule pensée en rapport avec l’écologie est de savoir comment s’allier avec les verts aux prochaines élection afin de sauver le maximum d’élus... 

    Comment pourraient’ils comprendre que Ecologie et Social sont liés et proposer des alternatives alors qu’ils ne sont même pas d’accord sur la définition du Socialisme ! 

    Mais bon, vos efforts de vouloir faire bouger de l’interrieur le dinauzore socialiste avant qu’il ne disparaisse sont louables. L’essentiel c’est que les idées progressent ...


    • Dedalus Dedalus 24 juin 2009 18:59

      J’ai écrit cet article il y a un peu plus d’une semaine. Aujourd’hui - et ce n’est pas lié mais je me dis qu’il y a de l’espoir - Martine Aubry a adressé un courrier aux militants socialistes qui notamment dit la chose suivante :

      « Chacun le sait, nous devrons répondre aux enjeux qui sont devant nous : l’explosion de la précarité et des injustices de toutes sortes entre individus et entre territoires, l’économie affaiblie par la concurrence mondialisée et la finance, l’école et l’ascenseur social en panne, les chocs écologiques, les déséquilibres du monde…C’est le modèle de société dans son entier qui doit être refondé.

      « Nous devons d’abord nous poser la question essentielle de la société du bien-être. Faut-il continuer à accumuler des biens, lesquels, et pour quelle utilité ? Comment construire un système innovant, assurant l’emploi, préparant l’avenir et à même de distribuer justement les richesses ? Avec quelles conditions de travail et de respect de la planète et de ses ressources  ? Quels services créer pour que la qualité de vie de chacun soit réelle  ? Comment mieux vivre, échanger et travailler dans la société numérique  ? Voilà des questions majeures qui s’inscrivent dans notre travail sur le nouveau modèle de développement économique, social et durable que nous préparons, et qui fera l’objet de notre première grande convention début 2010. »

      Alors oui, je crois que le socialisme peut enfin prendre le virage de l’écologie politique, ici et maintenant.


    • TARTOQUETSCHES TARTOQUESCHES 24 juin 2009 19:36

      Belle déclaration en effet, pourvu que cela ne soit pas juste un appel éphémère pour plumer la « volaille écolo » ... Mais accordons lui le bénéfice du doute, et la force de convaincre ses « amis » de mettre l’écologie au coeur du programme...


  • Le péripate Le péripate 25 juin 2009 12:18

    J’aimerais commenter l’extrait suivant : il n’est qu’à observer l’état du monde pour comprendre que les choses ne s’équilibrent pas, que les pollutions augmentent, que les injustices sociales grandissent, que la terre s’essouffle et s’épuise, pendant que de plus en plus nombreux sont les hommes à ployer durement sous les coups qu’une main invisible assène avec constance.

    Observons, justement, non pas l’image que nous renvoient les médias du monde, mais la réalité telle qu’est décrite par exemple sur l’excellent site Gapminder, ou dans le livre de Lomborg « l’’écologiste sceptique », la réalité sur l’état du monde, et comparons avec quelques assertions contenues dans cette extrait.

    les pollutions augmentent. C’est simplement faux. Jamais l’air n’a été si pur et l’eau si propre. Et là où des problèmes continuent à se poser, la solution est dans le développement et la croissance économique. Seulement pour le savoir, il faut se boucher les oreilles de la litanie et regarder les faits.
    que les injustices sociales grandissent. Là encore, c’est faux. Non pas que la faim a disparu, mais le nombre de ceux qui en souffrent a à la fois baissé en absolu, mais surtout en proportion de la population globale.
    Pour ceux qui doutent, voir Gaminder et Lomborg.

    Le propre de l’idéologie, outil de ceux qui veulent le pouvoir, c’est de s’appuyer sur un noyau rationnel. Nolte l’a démontré dans le cas du nazisme. L’écologie est un puissant outil de conquête du pouvoir, et il n’est pas étonnant que les politiques constructivistes et totalitaires s’y intéressent de très près. A remarquer qu’elle est en concurrence sur le marché politique (et électoral) avec l’autre grande litanie, la « crise ».

    Non pas qu’il ne faille pas se préoccupper de l’envirronement, celui de l’homme. Mais il est important de bien saisir tous les tenants et aboutissants. Par exemple, les pesticides utilisés dans l’agriculture US sont peut-être responsables d’une vingtaine de décès ( estimation calculée sans effet de seuil d’après de forts doses données à des rats de laboratoire), mais leurs suppressions totales rencherirraient considérablement les prix, rendant plus couteuses la consommation de légumes, et il y aurait des centaines de milliers de personnes victimes de cancer supplémentaires. Il y a ce que l’on voit, et ce que l’on ne voit pas.
    La « tragédie des pâtures communes » montrent le destin des biens qui n’appartiennent à personne ou à tous. La solution libérale qui confie la propriété ou un droit négociable sur une ressource est bien plus efficace que la matraque d’un état policier.

    Pour finir, j’ai trouvé amusante la métaphore d’hommes « ployants sous les coups d’une main invisible ». Formule un peu creuse et littéraire, mais qui exprime bien le dépit qu’ont les aprentis dictateurs de ne pas contrôler la vie des autres, ces autres qui échappent toujours aux volontés des pervers politiques. Heureusement.


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