jeudi 23 juin 2022 - par Desmaretz Gérard

Survie : tentative d’adaptation à une situation contrainte

«  La survie correspond aux conditions de vie d'un sujet qui, placé dans un complexe agressif extérieur, prolonge pour un temps limité les délais qui le séparent de la mort. Il s'agit donc d'un état temporaire durant lequel l'issue fatale est repoussée jusqu'à la manifestation d'un secours extérieur sans lequel l'individu ne peut compter " survivre ", ce secours extérieur pouvant être porté au sujet en difficulté ou ce dernier pouvant l'atteindre par ses propres moyens, grâce aux délais que lui accordent la survie  » (Dr Rivolier 1957).

L'homme dut pendant des millénaires se contenter de ce que Dame Nature lui octroyait avant de développer des connaissances sur les plantes et apprendre à en séparer les parties comestibles, quand les récolter et comment les cuire. Nos lointains ancêtres survivaient de ramassage, de cueillette, d’œufs, de chasse et de pêche dans un environnement hostile et disputant une partie de leur nourriture à des animaux appartenant à d'autres espèces. A partir du paléolithique l'homme utilise les premiers outils avant de découvrir le feu qui va lui permettre de se chauffer, de cuire ses aliments et de les fumer afin de mieux les conserver au fond d'une grotte fraîche. L'homme vêtu de peaux de bêtes réuni autour du feu peut y durcir les pointes de ses lances, communiquer avec les autres membres de son clan et organiser des chasses au gros gibier.

 

L’intérêt porté à la survie apparaît lors de la Seconde Guerre mondiale avec la récupération d'équipages d'aéronefs abattus et les agents « secrets » (stage Evasion & Escape) empruntant les filières d'évasion du MI-9. Les appareils de l'USAF sont dotés d'un dinghy auto-gonflable, de vivres, de matériels de signalisation : miroir, fusées et colorant (une idée de Georges Claude, 1937), d'un répulsif à requins (acétate de cuivre) et d'un émetteur Gibson Girl ainsi surnommé en raison de ses formes arrondies, en réalit un cube de couleur jaune. L'AN/CRT-3 pour la dénomination militaire nécessitait d'en tourner la manivelle à 80 tours par minute (magnéto) après en avoir érigé le fil d'antenne suspendu à un ballon ou à un cerf-volant peu adapté pour une utilisation à partir d'un dinghy par mer démontée ! L'AN/URC-4 remplaça le Gibson Girl à partir de 1945. L'appareil émettait sur 121,5 et l'harmonique 243 MHz, bandes aviation civile et militaire veillées par tous les appareils (la fréquence entre avions de secours et embarcations de sauvetage, 8364 KHz). Le manuel de l'AAF 64-0-1 (une centaine de pages) publié le 1er juin 1945 est «  imprimé sur un papier résistant à l'eau et inclus dans les équipements de secours, les trousses de parachute, les radeaux de sauvetage et les canots pneumatiques de bord ». La version française (1953) a été revue par le médecin principal Aury après prise en compte de l'expérience du Dr Bombard qui a dérivé dans l'Océan Atlantique pendant 65 jours. La notice provisoire de Survie au combat (TTA 115) est approuvée le 29 juin 1965.

 

Au début des années cinquante diverses armées ouvrent le stage Survival Evasion Resistance & Escape auquel sera adjoint un module Extraction (récupération des pilotes ou d'agents) classifié « Secret ». Les autres armées vont au fil du temps ouvrir différents stages adaptés à un milieu particulier : survie et sauvetage aéronautique naval, survie en milieu désertique, survie en forêt équatoriale, survie en montagne, stage grand froid, survie jungle, survie aquatique (Océans, littoral, fleuve) c'est à dire autant de stages d'instruction qu'il y a de types de théâtres d'opérations.

 

On assimile sous le vocable de survie des disciplines très différentes. Le survivaliste qui emmagasine des réserves en prévision des mauvais jours, le randonneur ou l'expédition scientifique qui emporte aliments et matériel de bivouac seront dans un premier temps en « pré-survie », ils n'ont pas encore épuisé leurs ressources, sauf s'ils perdent ou sont la victime d'une destruction de leurs provisions.

 

L'aviation commerciale représente l'acheminement de trois milliards de passagers/an, tout le personnel naviguant est titulaire d'un certificat sécurité sauvetage. Les passagers d'un long courrier contraint de se poser dans une région inhospitalière affronteront également une situation de pré-survie. Un aéronef s'éloignant à plus de deux heures d'un aérodrome emporte des réserves (signaux pyrotechniques, balise, couteau, panneaux Sol/Air. Si conditions polaires : un dispositif permettant de faire fondre la neige, pelle et scie à neige, briquet, allumettes, sacs de couchage pour au moins le tiers de l’ensemble des personnes à bord, des couvertures isothermes pour l’ensemble des passagers et une combinaison polaire pour chaque membre d’équipage (cette liste risque d'attrister plus d'un survivaliste). Avec les provisions du bord et celle emportées par les passagers, cela permet de tenir environ une semaine. Au-delà, soit l'appareil a été retrouvé, soit les passagers et membres de l'équipage se doivent d'envisager la survie, c'est à dire vivre sur la région.

 

Chaque terrain a ses spécificités : température, humidité, aérologie, ensoleillement, conditions météorologiques, faune et flore, animaux et plantes dangereuses, altitude, dénivelé, maladies parasitaires, etc. Prenons l'exemple d'un passager long courrier Paris - Auckland, durée de vol environ 23 heures, distance 18.555 kilomètres, 11 heures de décalage horaire qui va survoler quantité de pays à la géographie et au climat différents (inversion des saisons selon hémisphère nord-sud et de la force de Coriolis). Il est évident qu'en cas de crash avoir suivi un stage survie de quelques jours ne peut que se révéler très insuffisant. Certains passionnés ou individus cupides s'improvisent spécialistes en « survivologie »... Il n'existe pour l'instant aucune loi visant l'encadrement de cette activité popularisée par des émissions télévisées (the survivor, Koh-Lanta, Man vs. wild). Lors d’un week-end de survie dans le Morbihan, un participant est mort et cinq autres ont été intoxiqués après avoir ingéré un tubercule : « l’organisateur a désigné cette plante comme étant de la carotte sauvage comestible. Nous l’avons cuisinée devant lui  » (08/08/2020). Ils étaient en présence de ciguë, l'odeur après l'avoir froissée aurait suffit à les alerter du danger !

 

L'ordre des priorités est : l'urgence médicale - se soustraire à un sur-accident possible (explosion d'un réacteur, éboulement, incendie, etc.) - hypothermie (dans l'eau le corps se refroidit 25 fois plus rapidement que dans l'air) - hyperthermie - soif - faim. L'homme peut tenir plusieurs semaines sans s'alimenter et quelques jours sans boire (température, ombre, taux d'humidité). La durée de survie dépend de différents paramètres : état physique, température, altitude, vent, humidité, intempéries, acclimatation, risques naturels, ressources offertes par la région (eau, gibier, plantes, fruits (saisonnalité), l'entretien du feu, l'hygiène, du matériel disponible (trousse de secours, outils, ferblanterie, signalisation, communication), de sa constitution, des connaissances acquises, des forces morales et de la solidarité du groupe. Si certaines personnes s'adaptent mieux que d'autres confrontées à une telle situation, il suffit d'une personne pour semer la zizanie dans le groupe. Manque d'intimité, tempéraments différents, incompréhensions (langues et cultures différentes), perte des repères sociaux (situation non conventionnelle), manque de confort, antipathie entre des personnes. Le chef de groupe ou d'expédition ne doit pas confondre la cohésion du groupe confronté à une menace commune avec la coopération visant à s'extirper de la situation.

Mnémonique SURVIVRE :

Signaler (se) ; fusées, lumière, miroir, colorant, panneaux, ombres portées, taille de végétation, balise, etc.

Urgence : vitale (hémorragie, etc.) et danger immédiat (risque de sur-accident).

Rationnement ; adapté à l'âge, aux efforts fournis et aux stocks disponibles.

Vêtements : adaptés à la température et au milieu air/eau.

Inventaire : vivres, matériel, outils, compétences (personnel requis),

Voyager : se situer et rejoindre un point donné, d'où, pour où, par où à l'aide d'un compas et des astres (survie dynamique).

Robinson : aménager le campement et reconnaître les environs (un pilote militaire fut retrouvé mort deux mois après le crash de son appareil alors qu'une piste était proche !

Evacuation : portage, brancardage, hélitreuillage, EVASAN.

Des suggestions d'amélioration ?

 

N'importe qui peut être un jour confronté à une situation de pré-survie ou de survie (s'égarer dans la nature, perdre ses repères (alzheimer), accident, catastrophe naturelle, pénurie alimentaire, famine). L'impréparation, la peur et l'inexpérience peuvent faire courir des risques aggravés ou mettre en danger d'autres personnes ! Ne jamais remettre sa sécurité aveuglement à un tiers et conserver sa capacité de discernement restent la meilleure chose. Un guide polonais a abandonné deux alpinistes épuisés au refuge de Tête-Rousse à 3167 m d'altitude dans le massif du Mont-Blanc (septembre 2007).

 

Le facteur temps avant d'être secouru est variable... Un homme de 55 ans a passé quatre jours dans des toilettes publiques en Écosse par des températures négatives, après la fermeture de la porte et la chute de la poignée (décembre 2007). Une mère de famille accompagnée de ses trois enfants partie rendre visite à des parents en Amazonie ont été secourus par des indigènes après trente-quatre jours passés dans la jungle se nourrissant de baies et de fruits sauvages (janvier 2020). Un randonneur de 49 ans porté disparu dans le massif du Vercors a été retrouvé, vivant mais affaibli, après quarante jours (octobre 2006) ! Un homme de 48 ans a été retrouvé dans une champignonnière dans les Hautes-Pyrénées à 150 mètres de l'entrée et au trente-quatrième jour de solitude, subsistant en buvant l'eau suintant des parois et se nourrissant de bouts de bois (cellulose) et de glaise pour tromper sa faim (janvier 2005). Cinq immigrants clandestins ont été secourus après avoir dérivé quinze jours en mer au large de la Dominique. Ils avaient mangé le corps d'un des leurs décédé (novembre 2008). Un couple accompagné d'un enfant parti explorer le fleuve Salinas (Californie) s'est retrouvé bloqué au bord d'une cascade. L'homme après avoir gravé « HELP » sur sa gourde et y avoir glissé un mot à l'intérieur, l'a confiée au fleuve. Le lendemain le trio était secouru, des randonneurs ayant retrouvé la gourde (septembre 2019) !

 

Ces quelques exemples nous démontrent que rien n'est jamais perdu n'y joué d'avance. Des décennies après la Seconde Guerre mondiale, des Japonais résistaient encore sur des îles perdues dans le Pacifique ou dans la jungle ! « Quand les circonstances l'exige, l'homme peut s'adapter à presque tout et avec une facilité qui lui est généralement insoupçonnée. (...) L'organisme produit des mécanismes protecteurs qui nous permettent de faire des choses que l'on pensait impossibles à réaliser ».

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10 réactions


  • robert 23 juin 2022 11:14

    Donc pile tu perds et face tu perds aussi.


  • SilentArrow 23 juin 2022 14:31

    @Desmaretz Gérard

    Et ce soldat japonais qui, ignorant que la guerre était finie, a survécu 30 dans la jungle des Philippines avant d’être retrouvé en 1974.

    En 1984, effaré par l’état de santé des gosses japonais, comparés à ceux de son époque, il fonda un camp de « survie » pour les enfants où il enseigna ce qu’il avait appris pendant ces 30 ans dans la jungle.


    • Xenozoid Xenozoid 23 juin 2022 14:39

      @popov

      tu savais aussi qu’il était taiwanais ?

      j’ai lu son histoire quelquepart,mais il y en a eu beaucoup,et ceux retenu pas l’histoire devaient etre pure japonais,,mais c’est un autre débat...good for him, hé il leur enseigna le pourquoi il en était là . en fait il ne pouvait pas le faire sans expliqué le pourquoi...


    • SilentArrow 23 juin 2022 15:03

      @Xenozoid

      Le soldat japonais en question s’appellait Hiro Onoda.
      Le Taiwanais incorporé à l’armée japonaise et retrouvé quelques mois après Onoda portait le nom japonais Teruo Nakamura. Ce n’est pas le même.

      Pourquoi il était là ? En deux mots, parce que c’était la guerre, et comme disent vos amis les Allemands, « la guerre, groẞe malheur ».


    • Xenozoid Xenozoid 23 juin 2022 15:10

      @popov

      merci pour ton attention smiley, il y a aussi un film sur hiro onada ,call onada 10 000 nights in the jungle de 2021


    • Xenozoid Xenozoid 23 juin 2022 15:16

      @popov

      tu devrais lire les critiques/review du film sur imdb, c’est tres instructif 


    • SilentArrow 23 juin 2022 15:58

      @Xenozoid

      Je regarderai le film quand j’aurai un peu de temps.


  • Xenozoid Xenozoid 23 juin 2022 15:36

    quand a la survie,il n’y a pas de recette, pour un cela sera s’adapté a tout pour l’autre ce sera se découvrire et éventuellement embrasser la domestication et le dénie, ou bien choisir autre chose ...

    l’adaptation a tout est un plus des fois et un handicape, il peux mener une personne a survivre dans les pire conditions d’humiliation, peu -t on encore parler d’adaptation aussi ? mais la survie dans un monde urbain, ce n’est plus de savoir ou sont les champignons,mais de savoir ou il ne sont pas

    Le ciel a brûlé, les étoiles ont criés et sous les cendres de l’infini, l’espoir a cicatrisé apres avoir respiré sont dernier saignement
    Le papillon veut son étoile
    La nuit veut demain
    Le roi veut ce qui est loin
    En dehors de sa sphère de chagrin


    • Xenozoid Xenozoid 23 juin 2022 15:40

      @popov

      ou encore a la shinto

      La peur conduit l’univers.
      Vous trouverez l’effroi parmi les galaxies.
      Vous trouverez l’horreur au coeur d’une étoile.
      Vous trouverez votre destin dans un tas de poussière.


  • saint louis 23 juin 2022 18:53

    Dans notre société ultra dépendante de notre mode de consommation, une coupure majeure d’électricité d’un mois suffirait à faire des centaines de victimes.

    D’un autre coté, ça permettrait de supprimer les plus faibles et dépendants pour qui survie reste une valeur abstraite.


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