samedi 5 juillet - par La voix de Kali

Symboles, lapsus et chute des prétendants au pouvoir

Et si les trajectoires politiques n'étaient pas uniquement dictées par des stratégies, des sondages ou des erreurs humaines, mais aussi par des signes plus subtils ? Cet article propose une lecture inhabituelle – mais pas irrationnelle - de certaines chutes politiques récentes, à la lumière des symboles, des coïncidences et des décalages entre apparence et réalité. Une invitation à lire le réel autrement, même pour les esprits pragmatiques.

Une grille de lecture singulière, mais pas absurde

Ce qui suit ne relève ni de la prédiction, ni de la pensée magique. Il s'agit d'une lecture symbolique des événements politiques, mais qui peut aussi se comprendre comme une réflexion sur la cohérence entre le rôle social et la vérité intérieure.

Quand un individu cherche à incarner une fonction aussi forte que celle du pouvoir, il entre dans une zone d'exigence invisible. Et cette exigence, parfois, se manifeste à travers des signes. Non pas des signes surnaturels, mais des détails, des lapsus, des incidents - autrement dit : des dissonances.

L'archétype du pouvoir : un costume trop grand ?

Dans toutes les cultures, accéder au pouvoir n'est pas un simple changement de statut. C'est endosser un archétype collectif : le Roi, la Reine, le Sage, le Guerrier, le Juste. Mais si ce rôle n'est pas habité de manière authentique, il produit un malaise, une tension - parfois visible dans les moindres détails du réel. Et le collectif le perçoit d'une façon qui défie la raison. 

Dominique Strauss-Kahn (2011) - L'homme qui s'est perdu dans la chambre d'hôtel

Avant la présidentielle de 2012, DSK est perçu comme l'incontournable favori. Mais tout bascule. Une image d'abord : lui, sortant d'une Porsche Panamera - véhicule clinquant, au nom étonnamment proche de "porcherie". Puis l'affaire du Sofitel : un lieu de passage, intime, chargé symboliquement. Pas un procès, mais une chute dans l'inconscient, comme si l'univers soulignait une démesure non alignée.

François Fillon (2017) - Le rigoriste trahi par son costume



Se présentant comme l'homme du devoir et de l'intégrité, Fillon tombe pour des affaires liées à l'argent public et à ses proches. Le symbole qui frappe ? Un costume à 13 000 euros offert. Dans toute tradition, le vêtement représente le rôle social. Ici, le masque craque. L'homme du devoir est pris en flagrant délit de duplicité. Ce n'est pas qu'une faute : c'est une incohérence visible.

Éric Zemmour (2022) - La parole sans ancrage

Zemmour a la posture du prophète, du polémiste visionnaire. Mais sa campagne échoue à s'incarner : pas de terrain, pas de peuple rassemblé. Beaucoup de symboles... peu de matière. La vibration ne suit pas. Et l'univers ne le détruit pas : il l'éteint doucement, par une forme d'indifférence. Pas de coup fatal, juste un vide autour.

Valérie Pécresse (2022) - La voix qui se brise 

Son grand meeting devait la relancer. Mais sa voix au sens propre lâche. Dans les traditions anciennes, la voix est le souffle de l'autorité - le Verbe qui manifeste. Une voix qui casse, c'est un signal. Une fonction qui ne passe pas. Autour d'elle, les soutiens se dispersent, la ynamique s'effondre. Elle reste seule. Comme une Reine sans royaume. 

Ségolène Royal (2007-2022) - La veste blanche virginale et l'impossible retour

En 2007, Ségolène Royal surgit comme une figure singulière : femme, déterminée, investie d’une énergie presque mystique. Mais dès le débat de l’entre-deux-tours face à Nicolas Sarkozy, un signal visuel trouble la scène : elle porte une veste blanche, presque virginale. Un symbole de pureté, de candeur, qui dérange dans l’arène politique, surtout face à un adversaire au style frontal, dominateur, tendu comme un prédateur.

La symbolique est forte : la Reine blanche face au mâle alpha. Elle s’emporte, sa voix monte, son autorité glisse. La candeur n’est pas audible dans un duel de pouvoir. Elle apparaît désarmée, presque naïve, alors que la fonction réclame de la verticalité, du tranchant, du feu contrôlé. 

Les retours politiques qu’elle tente ensuite seront multiples, mais l’énergie initiale est passée. L’archétype l’a quittée, ou ne veut plus d’elle. Le pouvoir se détourne. Elle reste une figure familière… mais désaccordée. Présente, mais sans autorité.

Emmanuel Macron (2022) - Le pouvoir reconduit dans le vide

Réélu sans campagne réelle, sans débat, sans enthousiasme. Un pouvoir sans symbole, sans
incarnation, sans feu. Macron reste, mais comme une ombre de lui-même. Il n'émet plus rien. Une fonction spectrale. Or l'indifférence est la mort symbolique du pouvoir.

Lucie Castets - Le feu éteint

Une scène forte trahit un désalignement profond entre Lucie Castets et la fonction qu’elle tente d’incarner. 

En 2024, à la sortie de la réunion du Nouveau Front Populaire avec Emmanuel Macron visant à la faire nommer première ministre , elle déclare avec candeur :

« Cela s’est bien passé. » Alors même que le président s’apprête à écarter sa nomination à Matignon. Ce sourire, ce calme, trahissent une erreur de lecture du réel. Elle confond courtoisie présidentielle et validation politique. Elle ne sent pas qu’elle vient d’être disqualifiée. C’est précisément ce que Macron perçoit : une femme droite, mais sans tension symbolique. 

Sincère - trop - mais sans feu. Sans verticalité. Et le pouvoir, lui, sent immédiatement quand la vibration ne suit pas le rôle. 

Lire les signaux faibles du réel

Ceux qui ont l'habitude de lire les signaux faibles - en stratégie, en intelligence économique, en psychologie politique - savent que les détails sont des révélateurs puissants.
Quand le rôle social ne colle pas à l'être intérieur, des failles s'ouvrent. Et le "réel", la société... peu importe le mot, réagit. Ce n'est pas magique. C'est systémique, vibratoire.
Le pouvoir ne se prend pas. Il s'incarne. Le pouvoir n'est pas un objet de conquête. Il est une fonction à incarner. Et pour cela, il faut que l'image sociale, l'énergie personnelle et le rôle symbolique soient en phase. 
Quand ce n'est pas le cas, quelque chose lâche. Un mot, une voix, un costume, un détail. Et cela suffit souvent à inverser le destin.

Aux suivants ! Et la file est longue...



13 réactions


  • Octave Lebel Octave Lebel 6 juillet 09:28

    La référence à l’archétype est pratique et attire la curiosité et la réflexion parce que les archétypes sont partout depuis très longtemps dans toutes les cultures il me semble. Dans les contes, toutes sortes de récits, dans les chansons, au cinéma, plus ou moins cachés sous des formes différentes. Avec la plasticité de tout ce qui symbolique. Nous pouvons facilement nous y projeter en engendrant tout aussi facilement éclectisme et confusion. Ils comblent me semble-t-il (pour un temps) l’absence ou l’insuffisance de compréhension de ce qui se passe en nous donnant l’impression d’y comprendre un peu quelque chose et en nous rassurant peut-être. Comme le sculpteur qui tâtonne pour trouver une forme qui lui convient. À bon compte aussi, peut-être. Juste un exemple. Zemmour, à mon avis, peut-être simplement le jouet politique d’un milliardaire cynique l’entraînant comme une IA en le dopant à la lumière et la complaisance artificielles des plateaux-télés et très vite déchargé à la lumière naturelle. Il a fini par rencontrer ses concitoyens non pas dans des sondages pourtant flatteurs mais dans une urne en ayant tant parlé d’eux. Un essai raté. Le même milliardaire s’étant déjà amusé en soutenant un Sarkozy puis un Macron puis testant un Zemmour et devant se contenter finalement d’une Le Pen et d’un Bardella en usant des mêmes artifices.



  • La voix de Kali La voix de Kali 6 juillet 10:33

    Il y a peut-être un milliardaire derrière chaque politique ou presque, mais une vision n’empêche pas l’autre. Ces gens-là n’ont que cela à faire : fabriquer des fantoches à leur service, c’est sûr.
    L’approche archétypale me paraît plus efficace pour prédire les trajectoires, du moins dans certains cas. 
    Ce n’est pas une recherche de facilité mais un goût personnel pour cette approche. 
    « Ils comblent me semble-t-il (pour un temps) l’absence ou l’insuffisance de compréhension de ce qui se passe  »
    Pourquoi cette tendance à dénigrer l’approche d’autrui ou la réduire à un manque de compréhension de ce qu’il se passe ? Nul ne détient la vérité ni la compréhension supposée entière de quoi que ce soit. 
    On peut échanger en n’étant pas d’accord et sans conclusion hâtive sur les autres. 
    J’aurais pu aussi faire un article sur le Bilderberg qui serait derrière les politiques. 
    Mais bof, trop facile ;) 


    • Seth 6 juillet 16:18

      @La voix de Kali

      Je vous trouve bien courageuse d’écrire et de répondre après ce qu’on vous a mis dans les ratiches pour votre dernier article. 

      Attention de ne pas céder au masochisme... smiley


    • La voix de Kali La voix de Kali 6 juillet 22:35

      @Seth
      Merci pour votre empathie, mais non, je ne suis pas courageuse, je m’amuse au contraire dans cette agora bien vivante quoique rude et j’aime expérimenter. 
      La relativité des choses...
      Je vais encore écrire, bien sûr :)


  • Octave Lebel Octave Lebel 6 juillet 12:40

    Je ne vous dénigre pas , j’ai simplement une autre analyse que je développe un peu.

    Par ailleurs le concept d’archétype est riche d’histoire et complexe et je trouve que votre approche est simpliste.Vous me faites penser au registre de Karine Lemarchand interrogeant des candidats à la présidentielle et cela ne me convient pas en tant que citoyen intéressé par la politique de mon pays.je pense que vous mesurez mieux ainsi l’amplitude de nos désaccords. 


    • Seth 6 juillet 16:23

      @Octave Lebel

      j’ai simplement une autre analyse que je développe un peu.

      Pour aussi peu qu’elle soit développée en vous limitant à un seul commentaire (pour l’instant) elle n’en reste pas moins verbeuse. La gauche gnangnan fait pitié.

      Vous traitez du sujet différemment de l’auteur et pas dans le même sens.


  • Aristide Aristide 6 juillet 13:38

    La question que vous posez sur l’importance des signaux faibles eu égard aux attentes est à mon sens impossible à mesurer dans une élection tellement de multiples facteurs interviennent dans le choix final, et ce n’est pas exhaustif. 

    • Offre politique des partis et des mouvements, les programmes et promesses
    • Demande électorale sur des sujets jugés fondamentaux ou non
    • Système médiatique et numérique autour des élections et des campagnes politiques, des sondages. 
    • Situation économique et le climat social
    • Comportements électoraux hérités de l’expérience ou de valeurs, abstention, désistement, …, le fameux front républicain.
    • Mode de scrutin proportionnel ou majoritaire

    Sans oublier ce que l’on nomme le bon sens et la sagesse populaire...Et bien sûr la situation sociale et économique de l’électeur....


    • Fergus Fergus 7 juillet 09:37

      Bonjour, Aristide

      Je vous rejoins très largement : lesdits « signaux faibles » restent anecdotiques et ne font certainement pas partie des causes majeures des échecs en politique.


  • Rinbeau Rinbeau 6 juillet 14:25

    J’aurais pu aussi faire un article sur le Bilderberg qui serait derrière les politiques. 
    Mais bof, trop facile ;)

    Mais plus pertinent.. Car parmi ces prétendants au « pouvoir » que l’on nous donne à voir, c’est bien sur un candidat Bilderberg qui a le plus de chance d’être « élu ».. Moi je parierai pour Edouard Philippe.. C’est le Français le plus présent à cette institution informelle depuis quelques années..

    Pourquoi ?

    Parce-que les élections sont pipeautées depuis 1789.. La révolution accouche du vote censitaire où seuls les plus riches sont éligibles et électeurs.. Il faut la révolution de 1848 pour abolir définitivement le vote censitaire.. Mais lors des élections de juillet 1857 voici ce que disait le poète François Ponsard, candidat de l’opposition à Vienne : « Les mairescommissaires de police et gardes champêtres ont fait voter le bétail rustique comme ils ont voulu. On a arrêté les porteurs de mes bulletins et déchiré mes affiches ; on a pris mes bulletins dans la main et jusque dans les maisons des paysans en leur faisant toutes sortes de menaces ; on a promis aux maires des foires, des églises, des chemins et des secours pour les inondés de l’an dernier3. »

    Par la suite on a bourré les urnes.. Fait voter des morts et des gens n’ayant jamais existé.. Puis on a acheté les électeurs.. Crée les instituts de sondages appartenant à la grande Bourgeoisie.. De nos jours la TV instille au goute à goute la pensée unique dans nos cervelles en rendant invisible le plus important du scrutin du moment, en détournant l’attention du cadre auquel il ne faut pas toucher.. Et si tout cela est vain, on invalide les résultats comme en Roumanie où en France en 2005.. Quand au vote par ordinateur de plus en plus présent dans les communes Françaises, la raison voudrait qu’on les détruise partout puisqu’on ne les interdit pas.. Puis viendra le vote sur téléphone portable..

    Bref l’élection et la logique de partie sont les institutions qui permettent aux dominants de se maintenir au pouvoir.. En démocratie représentative d’une Ploutocratie.. LA NOTRE PAR UNE CONSTITUTION QUI SE REVELE ETRE NOTRE PRISON POLITIQUE !

    PS : Au parlement toutes les oppositions sont contrôlées.. Il faut bien faire semblant de représenter les gueux.. Pendant qu’on roule pour la Bourgeoisie financière !



    Jospin.. çà n’est pas le mec qui connait pas BILDERBERG ?

    https://www.youtube.com/watch?v=3EpGvvvTX-I




  • LeMerou 7 juillet 06:28

    @L’auteur

    « Dans toutes les cultures, accéder au pouvoir n’est pas un simple changement de statut. »

    Ca c’est votre point de vue, car vous ne faites pas parti de leur milieu, de leur cercle. A mon sens votre affirmation n’est plus appropriée, ils/elles sont tous là, pour ça. Certes il existe une fonction suprême, très convoitée, dont certains rêvent plus fort que d’autres. La seule chose qui est visée c’est le titre, pour assoir sa notoriété dans leur milieu très fermé. très déconnecté de la réalité d’une grande partie du peuple, même si parfois ils/elles y font des immersions, comme vous le faites en allant au zoo. Les primates se battent dans leur cage, et bien ont leur distribue de la nourriture avant que cela ne dégénère, ainsi ils restent dans leur cage.

    « C’est endosser un archétype collectif : le Roi, la Reine, le Sage, le Guerrier, le Juste. »

    C’est tout le jeu, devenir le Roy ou être dans sa cours proche, bénéficiant ensuite des « honneurs » du « prestige » d’avoir été, entrer dans l’histoire pour certains, peut importe comment et pourquoi. Ils/elles seront dans les « livres »...

    « Mais si ce rôle n’est pas habité de manière authentique, il produit un malaise, une tension - parfois visible dans les moindres détails du réel. »

    L’authenticité d’un homme ou d’une femme de pouvoir ! Vaste sujet, sans remonter loin dans notre histoire, restons dans la « République », alors il y en eu, des « hommes de pouvoir » ayant la destiné de leur Pays chevillée au corps, mais ils furent des exceptions, cités en exemple, comme des références par ceux d’aujourd’hui s’en réclamant.  

    Alors que leur visée, leur unique but, c’est que l’on se fonde dans un tout commun, mais en restant tout de même le « chef » d’une partie.

    « Et le collectif le perçoit d’une façon qui défie la raison. »

    Honnêtement je me demande si parfois le collectif réfléchi bien à son acte électoral. Bon, il faut dire aussi que depuis des décennies devant les multiples changements promis et la continuité constatée, la lassitude gagne.

    C’est d’ailleurs peut être le plus grand parti de France. Le creuset dans lequel ils/elles cherchent tous à puiser ce qui leur manque pour l’accession au trône, après.....

    J’en termine en revenant sur l’authenticité, j’écoute avec attention les paroles prononcées, par tel ou tel, de grands mots, de longues phrases, de grandes promesses, de grandes déclarations, dans lequel je ne perçois rien d’authentique. C’est un jeu, un jeu médiatique devant marquer le collectif, mais surtout devant marquer les leurs, les membre de leur cercle. Parfois nous c’est joué par des acteurs professionnels, parfois plus ou moins habiles dans l’élocution, 

    L’essentiel aujourd’hui étant qu’ils soient prononcés au bon moment, peut importe ce qui est dit, la « réponse » majoritairement irréfléchie ou calculée pour se distinguer de... se doit d’être rapide. La mémoire volatile du collectif étant parfaitement connue par ces derniers. Seul compte l’instant, alors que normalement, c’est l’avenir qui est important, mais là..................................

     


  • Com une outre 7 juillet 20:20

    Le problème des menteurs est de ne pas se faire prendre. Or tous les politiques mentent tellement qu’il est dur pour eux de se rappeler l’ensemble des mensonges proférés, surtout pour les politiciens d’aujourd’hui, bien bourrins. Après, c’est la loi du nombre, un politique est peu de chose face à un peuple qui n’a pas toujours envie d’être clément avec ses oppresseurs. Car c’est ce qu’ils sont, pensent-ils à notre bonheur des fois ? smiley


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