Terrorisme : les femmes aussi
Loin d’être seulement les suiveuses des hommes, les femmes peuvent prendre aussi une part active au terrorisme, comme le montre une récente affaire.
Sans remonter jusqu’aux mythiques amazones et à leur art magistral de la guerre, on ne peut que constater, dans l’histoire récente, la part prise par les femmes dans les conflits. C’est ce que montre, notamment, un pays comme Israël où la conscription n’est pas qu’une affaire d’hommes. Et l’on ne peut que rappeler l’héroïsme au quotidien des combattantes kurdes contre Daesh, au nord de la Syrie. Dans ces conditions, il ne faut guère s’étonner que le terrorisme recrute aussi ses affidés dans la gent féminine. Les hommes n’ont pas le monopole de la violence et bien des passionarias de la lutte armée l’ont prouvé, qu’elles s’appellent Ulrike Meinhof ou Joëlle Aubron.
Depuis sa création en 2014, l’EI a beaucoup fait appel aux femmes, lui aussi. En Irak et en Syrie, on estime qu’elles représentent un tiers de ses effectifs. Pas seulement pour le repos des guerriers et les maternités planifiées, mais aussi pour la part active des combats, voire la participation à des attentats-suicides. De ce point de vue la cellule féminine démantelée, jeudi dernier, après l’échec du projet d’attentat à la voiture piégée à Paris, en est une preuve inquiétante. Ce que l’on sait de ses membres, à présent, confirme des données maintes fois recueillies dans ce type d’enquêtes. Les quatre femmes interpellées dans le cadre de cette affaire sont jeunes, et même très jeunes – Inès Madani, la « recruteuse », n’a que 19 ans. Elles ne sont pas toutes d’origine maghrébine, mais toutes sont des converties de fraiche date à l’Islam et ont tenté de faire le voyage au Moyen-Orient. Elles se sont radicalisées par l’entremise d’Internet et des réseaux sociaux ; l’une d’elles, Sarah H, avait même des projets de mariages virtuels avec les deux terroristes récemment abattus à Magnanville et à Saint-Etienne du Rouvray. Certaines étaient fichées S, d’autres pas. Le motif de leur projet meurtrier était clairement la vengeance d’un cadre français de Daesh récemment éliminé en Syrie. Si, heureusement, le hasard n’a pas joué en leur faveur, leur détermination était sans faille : il suffit de voir avec quelle violence Inès et Sarah se sont défendues lors de leur arrestation, usant de couteaux, obligeant les policiers à se servir de leurs armes.
Certes, ces quatre recrues de l’islamisme le plus féroce recevaient leurs instructions, via Internet, d’un mentor basé en Syrie et français radicalisé, lui aussi. Mais cela ne minimise en rien la responsabilité de leurs actes. On peut être une exécutante volontaire et parfaitement convaincue de sa mission. Après elles, on ne pourra plus regarder les « filles de Daesh » comme des personnalités fragiles et entrainées dans cet engrenage fatal par leurs compagnons. C’est hélas ce qu’ont fait trop longtemps les instances administratives en charge de leur contrôle. A leur manière, elles redonnent une dignité féministe à ces femmes intégristes que l’on dit un peu trop vite soumises à la dictature masculine. Leur trajectoire invite aussi à regarder avec moins de complaisance les choix vestimentaires qui ont accompagné leur radicalisation. Burqa et voile ne sont en rien des preuves d’une intention terroriste. Mais ce sont néanmoins les signes d’un changement intérieur qu’il convient de ne pas prendre à la légère.
Jacques LUCCHESI