jeudi 13 février 2014 - par aubergespagnole

Toujours plus rapides et efficaces mais pourquoi ?

Artistes, comédiens, cadres,étudiants, traders, salariés et autres : beaucoup de personnes veulent améliorer leurs performances cognitives. Pour se conformer aux impératifs de productivité et d'efficacité des sociétés occidentales, tous cherchent la potion ou le truc qui leur permettra de mémoriser plus vite, réfléchir et agir plus vite.

 Le Comité Consultatif National d'Ethique (CCNE) vient de publier un rapport, au nom explicite "Recours aux techniques biomédicales en vue de « neuro-amélioration » chez la personne non malade" . Ce rapport concerne les anti-dépresseurs, neuro-stimulateurs, casques de stimulation cérébrales, utilisés par une partie de la population (par exemple, de 8 à 25 % des étudiants américains). Le rapport conclue prudemment qu'il ne connait pas les effets secondaires de ces solutions et pointe les catégories les plus vulnérables, enfants, adolescents, personne fragiles. Le président du CCNE , Jean Claude Ameisen suggère de s'interroger "sur cette incitation à se conformer à ce que les autres attendent de nous". Ce "dopage" social n'est pas nouveau, rappelons la mode du Prozac dans les années 90 et le record de consommation des anti-dépresseurs, spécificité française en raison du taux de remboursement avantageux de la Sécurité Sociale.

Pourquoi et pour qui ?

Au delà du problème de santé publique, il faut d'abord se demander si les exigences du monde du travail sont acceptables et entrent dans un cadre éthique. Une interrogation à peine abordée par le Comité Consultatif National d'Ethique car elle touche à la structure profonde de nos sociétés avec des piliers tels que l'organisation du travail et les exigences économiques. Cette question éthique débouche aussi sur la possibilité de chacun d'accepter ou de refuser de répondre à des impératifs de productivité et de performances. Le dopage des sportifs fournit quelques réponses qui montrent la complexité du problème. Ce champ d'étude est jugé trop trivial par nombre de chercheurs en sciences sociales mais il pose abruptement le problème de la liberté individuelle face à la nécessité absolue d'obtenir vite les meilleurs résultats possibles. Personne n'oblige par exemple, les coureurs cyclistes amateurs et professionnels à prendre les produits dopants qui leur permettront, malgré de lourdes sanctions, de dépasser leurs concurrents. Pourtant, nous connaissons aujourd'hui la réponse après les affaires Armstrong, Pantani, etc. : pour gagner, il n'y a pas d'autre choix que de se doper, la tentation étant trop forte. On touche ici aux limites de l'approche morale du problème car la neuro-amélioration des personnes de la société civile qui l'a pratiquent, procède de causes similaires bien que moins évidentes.

L'augmentation des performances physiques et cognitives, qui accroit de fait les inégalités sociales, porte les prémisses d'une société à deux vitesses clivée entre "biologiquement augmentés" et les autres. C'est une question essentielle face aux intentions des transhumanistes, un mouvement de pensée, largement appuyé par les grands acteurs du Web tels Google qui a embauché en 2012, l'un de ses "évangélisateurs" Raymond Kurzweil pour des projets concernant l'intelligence artificielle et la reconnaissance du langage naturel. Le transhumanisme prône l'usage des sciences et des techniques afin d'améliorer les caractéristiques physiques et mentales des êtres humains et considère certains aspects de la condition humaine tels que le handicap, la souffrance, la maladie, le vieillissement ou la mort subie comme inutiles et indésirables. Arguant que dans 50 ans, une véritable rupture technique, nommée singularité technologique, changera la nature même de l'homme. Cette approche technologique du devenir humain doit être mise en débat.

La croyance religieuse remplacée par le messianisme technologique

Alors que nos sociétés sont aujourd'hui traversées de haines recuites, de résurgences irrationnelles d'antisémitisme, de rejet de l'autre, de poursuite continue des inégalités, le projet de soumettre l'homme à l'amélioration biologique et technique parait hasardeux. L'éthique n'est aujourd'hui qu'un paravent commode pour évacuer toute réflexion sérieuse sur l'économisme et la productivité, sur la croyance aux vertus infinies de la technique pour résoudre tous les problèmes. Un basculement est en train de s'opérer entre des civilisations profondément modelées par l'irrationnel religieux des monothéismes et des sociétés futures prétendument sauvées par les bienfaits du système technicien. Une nouvelle sagesse serait ainsi en train d'apparaitre opportunément pour faire face aux problèmes majeurs à venir, changement climatique, fin des ressources renouvelables, croissance des inégalités, développement incontrôlé. Un leurre qu'il importe de réfuter point par point.

Il ne s'agit pas de revenir à l'obscurantisme religieux qui interdisait toute remise en cause des dogmes mais au contraire d'examiner le monde avec d'autres outils intellectuels, une tâche gigantesque, impossible diront les pessimistes.

Article La « neuro-amélioration » passée au crible du comité d’éthique "Le Monde" à consulter sur ce sujet



9 réactions


  • mobry 13 février 2014 18:44

    « Maman ne dort plus sans prendre ses calmants, papa ne travaille plus sans ses excitants, quelqu’un leur vend de quoi tenir le coup. »

    Téléhone chantait cela à la fin des années 70.

    Le plus préoccupant c’est que de nouvelles technologie sont en passe d’être proposé pour modifiez ou améliorer l’être humain.

    Cela créera forcément des inégalités entre les individus, particulièrement au niveau du recrutement, puisque cela ne sera pas gratuit.

    On ne parlera pas des dangers de ce genre de transformation, mais il y en a et ce n’est guère réjouissant.

  • lionel 13 février 2014 19:44

    Merci pour votre article... toujours plus lentement, plus efficace : http://systemafrance.com/


  • howahkan Hotah 13 février 2014 21:24

    le peu de cerveau qui nous reste est une machine, mécanique, automatique ,aléatoire....elle compare, calcule, mesure, divise pour regarder une partie et pas l’ensemble pour étude d’une partie etc etc pour achever des objectifs pratiques pour la survie , elle n’a de valeur que dans la technique.....

    alors cette machine ne fait que ce pour quoi elle est programmée...construire et améliorer en gros avec un certains soucis d’être efficace etc etc..en l’absence du cerveau intégral ouvert....ce programme prends tout en charge ..

    hélas ce programme n’a pas d’intelligence , il est le QI , la science et il ne sait ni pourquoi il fait , ni ce qu’il fait par rapport au global ; il est aveugle, sourd et muet....

    j’appelle cela le cerveau analytique....la partie qui nous manque ne compare pas, ne divise pas ,n’analyse pas , ne se regarde pas etc et de ce fait elle vit le moment présent et est aussi relié à l’univers....à ce stade il n’y a aucune demi mesure c’est tout ou rien..et nous de la vie on n’a plus rien ....

    on perd le lien sacré avec le TOUT..comme on a perdu la partie « ouverte » du cerveau , au lieu d’aimer la vie et les gens et tout le reste et d’utiliser les objets et outils, on inverse et on utilise les gens et aimons les choses

    l’analyse sépare, le cerveau ouvert est uni avec le tout...

    ceci est intégralement notre faute, ni la nature des choses, ni notre pseudo animalité ne sont responsables, le pauvre esprit dérangé qu’était darwin a eu si faux....

    l’autre cerveau est l’illumination du bouddha par exemple, ca veut juste dire que la lumière intelligente toujours globale dissout la noirceur et le mensonge donc les illusions..et là vivre c’est.......totalement impossible à decrire....les mots eux aussi ont une limite...là elle est atteinte..

    la souffrance est le symptôme d’erreur et le catalyseur aussi si il est laissé tranquille donc aide a nous soigner....c’est la pour tous..y a qu’a se baisser..personne ne le fera pour vous...

    je sais c’est délirant...... smiley

    Après tout si la souffrance d’une vie sans sens vous sied..... !!


    • Neymare Neymare 14 février 2014 13:48

      L’évidence pour certains Howakhan, des concepts incompréhensibles pour les autres. L’homme est enfermé dans une conception des choses que lui inculque la société depuis sa plus tendre enfance : on valorise les soit disant « stars », la réussite financière ou professionnelle, en se disant « le jour ou je serai ceci ou celà, je serai heureux » et un jour on se rend compte qu’en dépit de toute notre réussite on est toujours pareil : vide et donc on recherche toujours plus.
      Hélas, pour le moment, seule une minorité peut accéder à la Connaissance car elle ne peut survenir que quand l’ame elle meme réussit à « submerger » l’ego, il faut donc qu’elle soit « expérimentée » (ce sont des mots loin de la vérité mais la vérité n’a pas de mots pour elle).
      Ceci étant l’humanité suit le parcours qui doit etre le sien, tout celà qui semble etre une course vers le mur, doit se faire, l’humanité doit grandir
      Mais put** que c’est bon d’etre libéré de toutes ces conn**ries smiley


    • howahkan Hotah 14 février 2014 15:24

       smileysmileysmiley smiley

      salutations .............


  • claude-michel claude-michel 14 février 2014 08:43

    Google est le parfait exemple de l’absurde absolu...Une société « VOYOU » (qui se cache derrière des paradis fiscaux) qui garde en mémoire toutes vos recherches et bien plus...(intrusion dans votre vie privée...tout est connu d’eux...même vos comptes en banques etc..et le tout stocké pour l’éternité...une NSA en puissance qui domine le monde.. ?

    Faut être con pour se servir de ce moteur de recherche...


  • julius 1ER 14 février 2014 10:50

    ceux qui en sont encore à manifester contre « le genre » sont vraiment largués car là on se retrouve déjà à des années lumières de la simple condition humaine !!!


  • Joaquim Defghi 14 février 2014 16:10

    Le monde est plongé dans une course folle que je dénonce aussi à ma manière. Il s’agit selon moi de la continuité du phénomène religieux, les racines sont les mêmes. La foi en la science est une projection psychologique de la création divine dont l’homme se croit porteur, sauf que l’homme n’est pas Dieu et qu’il ne crée rien, il comprend éventuellement dans le meilleur des cas. Afin de se libérer de ce fardeau nous poussant à courir, nul « nouvel » outil ne me semble nécessaire car l’homme possède déjà en lui de quoi prendre de la distance avec son conditionnement social. Par contre, cela demande une véritable rupture avec le monde que l’on connaît et qui est source de reconnaissance. Le chemin de la liberté est bien plus escarpé que celui de la tranquille sécurité illusoire. 


  • Alpaco 14 février 2014 16:31

    Nous sommes dans la remise en question de la société humaine, objectivement capitaliste et libérale, selon le sens des mots actuellement en vigueur.

    Devons nous être tous dopés pour réaliser les objectifs de croissance ?
    Mais ce ne pas la question.
    La question est : devons nous être tous dopés pour être heureux ?
    Car la défonce, ça rend heureux, non ?

    Les libéraux acharnés nous disent : il faut être le meilleur. Pour gagner plus de pognon et pouvoir acheter des bateaux de cinquante mètres de longs et des voitures, genre 300 chevaux, pour le prix du salaire de toute la vie de ceux qui vont te permettre de l’acheter.

    N’existerait-il pas un moyen de trouver un système économique, dans le lequel tout le monde à de quoi se loger, se nourrir et éduquer sa famille ?
    Et ensuite, libre à chacun de construire les bateaux et voitures aussi longs et puissants qu’il en rêvent ? Quitte à en faire un tour chacun, tellement c’est du pognon dépensé pour rien, mais au moins ça fait plaisir ?
    Comme les autos-tamponneuses pour les enfants.


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