samedi 10 janvier 2015 - par jack mandon

Triviale poursuite, éloge de la fuite

Non ce n'est pas ce que vous croyez, l'actualité, même brûlante et folle, ne saurait dissiper notre modeste passage sur la « machine ronde » notre petite histoire personnelle se poursuit entre rêve et réalité, dans le monde et hors du monde. 

« Amour, avec ce mot composite, on explique tout, on pardonne tout, on valide tout parce que l’on ne cherche jamais à savoir ce qu’il contient. C’est le mot de passe qui permet d’ouvrir les cœurs, les sexes, les lieux de culte et les communautés humaines. Il couvre d’un voile prétendument désintéressé, voire transcendant, la recherche de la dominance et le prétendu instinct de propriété. C’est un mot qui ment à longueur de journée et ce mensonge est accepté, la larme à l’œil, sans discussion, par tous les hommes. Il fournit une tunique honorable à l’assassin, à la mère de famille, à l'officiant, aux militaires, aux bourreaux, aux inquisiteurs, aux hommes politiques...et même aux artistes les plus talentueux. » Henri Laborit

Notre modeste histoire n'est pas sans embûche dans ses pièges interactifs, le triangle dramatique en est un redoutable. C'est une dynamique relationnelle qui entre dans les théories des jeux de pouvoir et de manipulation. Au lecteur, le libre choix de l'interprétation, c'est la loi de la communication complexe parce qu'évoluant entre induction et déduction, c'est à dire entre la démarche empirique, sensible et subjective et celle plus aboutie, rationnelle, hypothétique et déductive qui tend vers l'objectivité...sans vraiment l'atteindre, notre humanité implacable aidant.

Les interactions humaines ne se cantonnent pas à la sphère intime, mais prennent forme dans tous les milieux, professionnels, familiaux, sociaux. Les paramètres qui s'articulent sont assez similaires. Ils prennent vie diversement, se composent et se décomposent à l'infini, à la mesure de la créativité de l'intelligence humaine. Pour les besoins de la démonstration, nous ferons référence aux travaux du psychologue américain Stephen Karpman (1970) époque ou la déconstruction généralisée s'insinuait dans le monde encore naïf. C'était autrefois.

La dynamique relationnelle de la victime, du sauveur et du bourreau fut mise en lumière. Elle prit le nom de triangle dramatique. Les rôles tenus dans ce triangle infernal sont au fond interchangeables...chacun de nous choisissant le rôle qui lui convient le mieux. Ainsi on conçoit bien que toute situation interactive voit tour à tour la victime se métamorphoser en sauveur et vise-versa, pour choisir d'endosser l'uniforme du bourreau ou persécuteur. La place de la victime se joue, en finalité, comme le siège du jeu de la chaise musicale. Au delà de ces rôles d'emprunt, le but ultime est d'exister.

Tout cela relève essentiellement d'un jeu de pouvoir et de manipulation depuis l'apparition de la vie sur la planète.

Mais comment cela prend forme ?

Cette dynamique de mise en place de manipulation et de pouvoir relève de l'initiative d'une victime. Par ses revendications appuyées, elle espère l'émergence d'un samaritain. (sauveur) et surtout de pénétrer dans sa dynamique relationnelle. Il faudra définir la nature de son expression. Victime réelle ou pathologique ?

Comment les identifier ? Par manque de franchise dans leur demande ?

Les formulations ou besoins personnels peuvent être plus ou moins clairement énoncés. Une interaction peut être révélatrice d'une grande dépendance relationnelle et affective rend l'autre responsable de son bonheur. Cela peut traduire que la prise en charge de ses besoins personnels sont éludés. Le but plus ou moins conscient est de sauvegarder son statut de victime.

La victime tentera d'attirer un sauveteur potentiel. Ses conseils se révéleront insuffisants ou inefficaces. Devant le rejet de ses efforts et de son manque avéré de capacité, le sauveur entrera peut être dans une agitation agressive, faite d'impuissance et de frustration et endossera le rôle du bourreau. Proférant des critiques, la victime réagira à son tour d'une manière agressive et glissera dans l'habit du persécuteur. Chacun finit par accuser l'autre, ainsi les deux protagonistes enfilent le rôle de persécuteur. Dans ce triangle clos, on échange les rôles allègrement.

Imaginons que dans ce triangle dramatique, l'initiative première relève d'une dynamique pathologique du sauveur. Celui ci se croyant investi d'un rôle croit détenir la vérité et impose ses règles et points de vue. Le sauveur a la faiblesse de croire qu'il est responsable du bonheur des autres. Pour cette raison fondamentale, victime et sauveur s'accordent au point de s'inspirer l'un de l'autre. Au nom de l'amour, comme défini par Henri Laborit dans l'introduction.

Pour la même raison définie par le neurologue, derrière cette générosité se cache le « désir » d'être indispensable à l'autre. C'est une position de puissance qui se dessine dans ce cas. Un manquement à ces règles est perçu comme un manque d'amour par le sauveur. Le jeu de la persécution s'instaure. La stratégie se poursuit chez la victime quand elle s'éloigne. Un cercle infernal bien humain. La mise en place de la dynamique de la victime et du sauveur annoncent que le rôle du persécuteur ou bourreau est proche. Entre la victime devenue bourreau, ou le sauveur devenu persécuteur chacun est en mesure de justifier son positionnement. La victime parce que son statut parle de lui même, pour le sauveur, il est inconcevable que l'autre refuse ses élans de générosité. Chez ce dernier, l'altruisme trahit son besoin de pouvoir. Il s'agit d'un jeu stérile ou le principal enjeu et essentiellement celui du pouvoir de l'un sur l'autre. La prise de conscience chez l'un et l'autre est la seule solution pour sortir de ce jeu infernal.

Éviter d'entrer dans un mode de communication défensive. Face à l'attaque, ne pas contre attaquer mais rechercher une réponse apaisante. Exprimer ses émotions sans culpabiliser l'autre. Devenir responsable de ses comportements sans se sentir coupable du ressenti de l'autre, si possible dans le respect de l'intégrité de chacun. Grâce à cette technique, les arguments de l'autre s'épuisent. L'important n'est pas de savoir de qui a raison (encore le pouvoir) mais tenter d'entendre l'autre dans sa différence. La notion de faute s'efface au profit de l'écoute et du respect de soi et de l'autre.

Au fond chacun agit selon ses croyances et aspirations, écartons le travers sadique ou la volonté de sabotage. Si la nuisance maladive n'est pas la cause première, inviter la victime à mieux formuler ses demandes. Responsable et adulte en concept premier. Certes cela ne relève pas de la solution magique, mais évite la mise en place de la dynamique du triangle infernal. Il en résulte un positionnement plus serein, où les discordances ne dégénèrent pas en affrontement. Chacun peut ressentir et exprimer sans subir les violences de l'autre.

Éviter ainsi ce conflit stérile pour s'épargner les affres de la dynamique de pouvoir. Ces transactions de pouvoir, sont d'immenses consommateurs d'énergie. De toutes façons, elles n'aboutirons jamais à un échange constructif.

 

Quand il ne peut plus lutter contre le vent et la mer pour poursuivre sa route, il y a deux allures que peut encore prendre un voilier : la cape (le foc bordé à contre et la barre dessous) le soumet à la dérive du vent et de la mer, et la fuite devant la tempête en épaulant la lame sur l’arrière avec un minimum de toile. La fuite reste souvent, loin des côtes, la seule façon de sauver le bateau et son équipage. Elle permet aussi de découvrir des rivages inconnus qui surgiront à l’horizon des calmes retrouvés. Rivages inconnus qu’ignoreront toujours ceux qui ont la chance apparente de pouvoir suivre la route des cargos et des tankers, la route sans imprévu imposée par les compagnies de transport maritime. (L'éloge de la fuite, Henri Laborit)



103 réactions


  • jack mandon jack mandon 17 février 2015 10:24

    Bien avant Freud, Nietzsche et Marx...jusqu’au pentateuque hébraïque, le corps est central, puisque l’âme, selon la bible est le corps animé, n’en déplaise à Platon et aux chrétiens qui voguent sur le paganisme platonicien.


    L’erreur de Freud est d’avoir pensé que la vérité c’était lui, alors qu’il ne fut qu’un passeur, méritant certes, mais un passeur dans un océan de penseurs.



  • jack mandon jack mandon 17 février 2015 11:57

    Et pourtant Freud suscite encore l’admiration d’intellectuels et d’artistes.

    Une des raisons, est que l’on préfère les mythologies, les légendes qui nous séduisent, aux vérités qui nous inquiètent. Le grand séducteur en sait quelque chose dirait les chrétiens.

    Freud a su construire sa légende, ce grand amateur de prix Nobel.

    D’ailleurs, il se plaisait à dire que le monde avait connu 3 grandes blessures narcissiques.

    La première avec Copernic, la blessure de l’astronomie, la terre n’était plus le centre du monde, l’héliocentrisme devenait la vérité.

    La seconde avec Darwin, la blessure biologique, l’homme n’est pas le sommet de la création.

    Avec Freud, qui s’auto-congratule, le moi n’est plus maître en sa demeure. Troisième blessure, plus importante, psychologique, au coeur de la vie. De l’avis de ce personnage au fond paranoïde. Comme Napoléon, il se sacre de ses propres mains.

    Voilà donc l’opportunité de faire d’un fantasme personnel une vérité universelle...un délire.

    Au fond comme le site Jean Rostand dans « l’hérédité humaine », repris d’un essai « Palamedes, » du Pr Wettstein :

    « La réussite sociale est, en bien des cas, non la preuve d’une valeur personnelle, mais l’indice d’un manque de solidarité et d’altruisme, d’un excès d’ambition ou d’agressivité »

    • pemile pemile 26 janvier 2016 09:01

      @jack mandon "Connais tu un animal qui domine l’homme ?"

      Le chien, dans pas mal de foyer ?


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