jeudi 16 décembre 2021 - par Jean Keim

Trois enseignements mais une seule source ?

 

En tenant compte du contexte et du vocabulaire en usage à leur époque, Gautama, Jésus et Krishnamurti ont-ils laissé chacun un enseignement différent dans le fond de celui des deux autres ?

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Pour chacun de ses trois ‘’réveilleurs’’ le cours des choses était différent, et si dans chacun de leur siècle, c’est bien un mode de pensée qui mène la danse, son contenu change d’une époque à l’autre comme d’un individu à un autre, et donc l’enseignement dispensé a dû s’adapter.

 

Gautama il y a environ 2500 ans en Inde vivait la tyrannie du Brahmanisme, les règles religieuses innombrables, la toute puissance du brahmane, les hiérarchies sociales clivantes..., étaient un obstacle à la spiritualité malgré la transcendance des textes très anciens, il lui a fallu lui-même d’abord s’en libérer et ensuite montrer la voie de la libération à ceux qui étaient réceptifs à son message.

 

Jésus environ 500 ans plus tard, fut confronté en Palestine antique aux mêmes difficultés mais avec un obstacle supplémentaire, le poids d’un dieu jaloux, irascible, qui ne laisse aucune latitude à s’ouvrir à la liberté de penser et au doute qui sont les prémisses d’un possible réveil ; hors dieu, ses prophètes, les textes et les rabbins, point de salut, la lumière est sous le boisseau, la religion consiste à rabâcher des litanies, à obéir à une infinité de règles absurdes, et tout cela dans le respect sectaire des religieux professionnels rétribués du temple et du Sanhédrin le conseil suprême sacerdotal.

Le converti à cette idéologie a l’assurance que lui donne des règles d’origines divines, tout est évident dans son esprit, celui qui s’écarte de la voie tracée est dans le mal, il faut le combattre voire le tuer ; la lecture sans a priori des Évangiles le révèle assez facilement. Les 4 Évangiles traduites par Claude Tresmontant me semblent les plus signifiantes, celles présentes dans la Bible de Chouraqui sont très proches également.

 

Encore 2000 ans, et à notre époque, Krishnamurti décédé en 1986, a dû se coltiner une difficulté autre, la mentalisation excessive car débridée des êtres humains, la vie moderne de l’Orient à l’Occident sollicitant sans répit l’intellect ; il est le seul à ma connaissance qui a expliqué simplement l’origine du mal qui est commun à toute l’humanité, Jésus également mais d’une façon moins appuyée, probablement que la mentalisation globalement n’était pas aussi prégnante. 

Il faut avoir présent à l’esprit que le penser est commun à toute l’humanité, mais que chaque être humain a un chemin de vie unique et en conséquence un mode de pensée qui l’est tout autant : la pensée exprimant un contenu engrangé dans une mémoire, ce contenu n’étant finalement que des savoirs, chacun s’y identifiant néanmoins construit, consolide, entretien une personnalité (ego) fluctuante, impermanente, qui structure toute l’existence.

 

D’une part le petit véhicule, le grand véhicule, les bodhisattvas, le panthéon des bouddhas rajoutés dans l’après Gautama, et d’autre part Paul de Tarse et les autres dans l’après Jésus ne sont plus le message originel, c’est autre chose, c’est ce qui se passe à chaque fois dans la genèse d’une religion, à la disparition du guide, il y a les suiveurs, ceux qui se sentent investis d’une mission : écrire la doctrine du maître, organiser sa diffusion, mettre en place une hiérarchie et des rituels, assurer la pérennité de tout le cirque, cela donne notamment, le pape, les cardinaux, le Vatican, la pompe et les ors, sans oublier la banque..., le bouddhisme n’est pas en reste.

Les premiers chrétiens ne s’en sont pas tenus aux Évangiles, c’était trop simple sûrement, pas assez de fioritures, pas d’ésotérisme gratifiant.

 

K est le seul des trois qui a fait en sorte que son enseignement ne devienne pas une doctrine, il a refusé d’avoir des disciples, ainsi qu’un successeur, on peut se dire bouddhiste ou chrétien mais pas krishnamurtien, ce serait un non-sens ; sans le poids d’une étiquette religieuse, il est possible qu’un enseignement agisse différemment et plus en profondeur dans les esprits. 

 

Le 3 août 1929, lors de l’ouverture du Camp annuel d’Ommen, en Hollande, Krishnamurti prononça la dissolution de l’Ordre de l’Étoile devant ses 3000 membres, cet ordre était chargé d’épauler K dans sa mission d’instructeur du monde qu’il a refusée, en voici un extrait capital :

<< J’affirme que la Vérité est un pays sans chemin, et qu'aucune route, aucune religion, aucune secte ne permet de l'atteindre. Tel est mon point de vue, je le maintiens de façon absolue et inconditionnelle. La Vérité étant sans limites, inconditionnée, inapprochable par quelque sentier que ce soit, ne peut pas être organisée ; on ne devrait pas non plus créer d’organisation pour conduire, pousser les gens sur une certaine voie. Dès que vous avez saisi cela, vous réalisez à quel point il est impossible d'organiser une croyance. La croyance est une affaire purement individuelle, on ne peut pas, on ne doit pas l'organiser. Si on le fait, elle meurt, fossilisée ; elle n'est plus qu'une croyance, une secte, une religion que l’on impose à d’autres. >>

 

Alors en quoi chacun des 3 enseignements rejoint-il les deux autres ? 

 

Ils se rejoignent parce que du vivant de leur initiateur, ils ne donnent pas de réponses, ni techniques initiatiques, pas plus qu’un moyen permettant d’atteindre la vérité, un esprit fort rétorquera : c’est quoi la vérité ? C’est la question que Pilate adressa à Jésus, et la vérité est inaccessible à la pensée car elle ne peut pas être enclose dans un savoir, elle ne peut pas être un savoir ultime, elle est d’une autre nature, elle est l’inconnu dans un au-delà de la pensée, nous ne pouvons que dire ce qu’elle ne peut pas être, c’est le neti-neti (ni ceci, ni cela) de la philosophie hindou.

Pourtant avec des mots et un dialogue qui sont représentatifs de contextes culturels différents, les trois instructeurs invitent à découvrir l’un le Nirvâna (qui n’est pas propre au bouddhisme), l’autre le Père, et le dernier ce qui est hors d’atteinte de la pensée ; il est extraordinaire et finalement rationnel qu’il en soit ainsi, chacun suggère la source fondamentale sans en parler directement, car aucun n’a décrit ni situé quelque part, un ailleurs hypothétique que la pensée au reste peut aisément inventer, en puisant dans ce qu’elle connaît, et elle ne s’en prive pas.

 

Tenter de seulement essayer d’expliquer en quoi consiste penser et pourquoi là se trouve la source de tous nos maux, je me demande si ça sert vraiment à qq. chose – toute tentative se heurtera aux poncifs – tellement le mal est mondialement endémique (c’est bien plus grave qu’une pandémie) et probablement génétiquement transmissible, nous sommes devenus des machines à (mal) penser.

Nous disons souvent par idiosyncrasie : je pense que (ou une variante telle je crois que) sans percevoir ce que littéralement révèle cette expression, je ne sais pas ce qu’il se passait dans le cerveau des 3 instructeurs quand ils enseignaient, le canal était-il directement ouvert sur la source ? Mais ils nous parlaient avec les mots qui leur semblaient appropriés et nous les recevons avec le filtre de notre mode de pensée, ne pas le percevoir est un leurre aux conséquences souvent dramatiques.

 

Et maintenant nous faisons quoi, ? Et bien nous ne faisons rien, nous défaisons, nous déconstruisons, nous faisons silence, sans objectif, sans quête d’un profit tant matériel que psychologique, la Vie, notre vie néanmoins continue, et ce que nous aimons nous le poursuivons, nous le réalisons, le reste se mettra en place tout seul et à son heure.

 

Le cheminement ne peut être que solitaire, car strictement personnel, pas après pas, chaque pas est le premier, chaque pas est le dernier.



5 réactions


  • Clark Kent Schrek 16 décembre 2021 17:23

    c’est qui, Jésus ?


    • Pascal L 18 décembre 2021 00:17

      @Schrek
      Bonne question ! Demandez-le lui. Il vous répondra si vous êtes capable d’entendre sa réponse.


  • wagos wagos 16 décembre 2021 18:44

    Jésus ? une histoire colportée par les caravaniers Arabes d’après des légendes plus ou moins déformées suivant par ceux qui brodaient un peu pour en rendre le récit plus attrayant...

    L’histoire d’un mec dont les parents étaient SDF et qui roupillaient dans une étable ...Joseph un charpentier en galère et Marie sa meuf , en cloque du pigeon blanc St Esprit, alors que Joseph avait jamais niqué Marie....

    Jésus est né sur la paille vu que ses vieux l’étaient déjà...et quelques émigrés de banlieue des Blacks et des Rebeus qui se sont pointés avec des cadeaux ! certainement piqués au Carrouf du coin.....elle est pas belle mon histoire ?


    • Jean Keim Jean Keim 16 décembre 2021 19:37

      @Schrek et wagos

      Vous êtes encore et toujours coincés dans une très vieille idée, cela ne me gêne pas, malgré tout il est beaucoup plus difficile de démontrer que Jésus n’a pas existé que le contraire, mais l’argument qui me semble le plus convainquant n’est pas celui des historiens, mais le fait que Jésus a été rejeté par la majorité de la communauté juive de son époque, ce qui n’aurait pas de sens s’il était un personnage imaginaire, les juifs sans aucune hésitation ne se seraient pas privé de dénoncer la machination.


    • Jonas Jonas 16 décembre 2021 20:36

      @wagos « Jésus ? une histoire colportée par les caravaniers Arabes d’après des légendes plus ou moins déformées suivant par ceux qui brodaient un peu pour en rendre le récit plus attrayant... »

      Au temps du Christ, il n’y avait pas d’imprimerie et pas d’Internet, l’information n’avait donc pas la même vitesse de diffusion qu’à nos jours, il est normal qu’à la naissance du Christianisme, les écrits soient peu nombreux.

      Sans même avoir besoin de faire appel aux très nombreux auteurs chrétiens de l’époque, on trouve des sources de l’existence du Christ.

      L’historien païen Thallus dont les écrits qui datent de 52 sont perdus ; seuls quelques fragments cités par d’autres auteurs nous sont parvenus. Ainsi, Jules l’Africain, auteur chrétien des années 220 cite Thallus, à propos de l’obscurité qui a eu lieu lors de la crucifixion de Jésus :
      « Thallus, au troisième livre de son Histoire explique cette obscurité par une éclipse, ce qui me parait inacceptable ! ».
      Il s’agit ici d’une preuve « indirecte » de l’existence de Jésus : le fait que cet auteur parle de « l’éclipse » qui a eu lieu lors de la crucifixion de Jésus, implique qu’il considère comme acquis l’existence de Jésus.

      Flavius Josèphe (37-97) est un prêtre, pharisien, chef militaire Juif pendant la guerre contre Rome. Il s’est rendu au général romain Vespasien, pendant le siège de Jotapa, alors que beaucoup de ses compagnons se sont suicidés plutôt que de se rendre. Sa collaboration avec les romains l’a fait haïr par ses compatriotes juifs. Historien juif, il a écrit « Guerre des juifs » (75-79), et « Antiquités Juives » (93).

      « ...Jésus, qui était un homme sage, si toutefois on doit le considérer comme un homme, tant ses œuvres étaient admirables... Des chefs de notre nation l’ayant accusé devant Pilate, celui-ci le fit crucifier... Il leur apparut vivant et ressuscité le troisième jour... »
      (Antiquités 18.3.3)

      « Anan le jeune, qui avait reçu le grand-pontificat, ... réunit un sanhédrin, traduisit devant lui Jacques, frère de Jésus appelé le Christ, et certains autres, en les accusant d’avoir transgressé la loi, et les fit lapider. »
      (Antiquités 20.8.1)

      Suétone (69-125) est un archiviste à la cour de l’empereur Hadrien. Disgracié en 122, il se consacra à des ouvrages historiques.
      « Comme les juifs ne cessaient de troubler la cité sur l’instigation d’un certain Christus, il (Claude) les chassa de Rome »
      (Vie de Claude, XXV.11)

      « Il livra aux supplices les Chrétiens, race adonnée à une superstition nouvelle et coupable » (Vie de Néron, XVI.3).
      Ce passage n’est pas une preuve directe de l’existence de Christ ; mais il prouve qu’au temps de Néron, c’est à dire une trentaine d’années après la mort de Christ, il y avait des personnes qui se réclamaient de Christ : difficile de croire alors que Christ n’ai pas réellement existé !

      Cornélius Tacite (55-118) est considéré comme le plus grand historien de la Rome impériale.
      Il décrit l’incendie de Rome en 64, et explique que les chrétiens sont devenus les boucs émissaires de Néron qui les accuse d’avoir provoqué le feu ; vers 116 il écrit :
      « Mais aucun moyen humain, ni les largesses du prince, ni les cérémonies pour apaiser les dieux ne faisaient céder l’opinion infamante d’après laquelle l’incendie avait été ordonné [par Néron]. En conséquence, pour étouffer la rumeur, Néron produisit comme inculpés et livra aux tourments les plus raffinés des gens, détestés pour leurs turpitudes, que la foule appelait « chrétiens ». Ce nom leur vient de Christ, que, sous le principat de Tibère, le procurateur Ponce Pilate avait livré au supplice ; réprimée sur le moment cette exécrable superstition faisait de nouveau irruption, non seulement en Judée, berceau du mal, mais encore à Rome, où tout ce qu’il y a d’affreux ou de honteux dans le monde converge et se répand. On commença donc par poursuivre ceux qui avouaient, puis, sur leur dénonciation, une multitude immense, et ils furent reconnus coupables, moins du crime d’incendie qu’en raison de leur haine pour le genre humain.
      A leur exécution on ajouta des dérisions, en les couvrant de peaux de bêtes pour qu’ils périssent sous la morsure des chiens, ou en les attachant à des croix, pour que, après la chute du jour, utilisés comme des torches nocturnes, ils fussent consumés. Néron avait offert ses jardins pour ce spectacle, et il donnait des jeux de cirque, se mêlant à la plèbe en tenue d’aurige, ou debout sur un char. Aussi, bien que ces hommes fussent coupables et eussent mérité les dernières rigueurs, soulevaient-ils la compassion, à la pensée que ce n’était pas dans l’intérêt, mais à la cruauté d’un seul qu’ils étaient sacrifiés »

      Tacite - Annales XV 44
      http://bcs.fltr.ucl.ac.be/TAC/AnnXV.html

      Pline le Jeune (61-114) est un écrivain latin. Il était gouverneur de la Bithynie (au nord-ouest de la Turquie) en 112. Dans une lettre adressée à l’empereur Trajan il lui demande conseil sur la façon de traiter les chrétiens :
      « Ceux qui niaient être chrétiens ou l’avoir été, s’ils invoquaient des dieux selon la formule que je leur dictais et sacrifiaient par l’encens et le vin devant ton image que j’avais fait apporter à cette intention avec les statues des divinités, si en outre ils blasphémaient le Christ - toutes choses qu’il est, dit-on, impossible d’obtenir de ceux qui sont vraiment chrétiens -, j’ai pensé qu’il fallait les relâcher... [Ceux qui disaient qu’ils étaient chrétiens] affirmaient que toute leur faute, ou leur erreur, s’était bornée à avoir l’habitude de se réunir à jour fixe, avant le lever du soleil, de chanter entre eux alternativement un hymne au Christ comme à un dieu, ... »
      (Lettres et Panégyrique de Trajan : X/96/5-7)

      Ce texte n’affirme pas l’existence de Jésus Christ, mais la confirme de façon indirecte : il prouve en effet qu’au début du IIème, des hommes et des femmes croyaient fermement à son existence.

      Lucien de Samosate (125-192) est un écrivain grec satirique. Il parle du Christ dans son ouvrage « la mort de Pérégrinus », paragraphe 11-13 :
      « Ces pauvres CHrétiens se croient immortels et s’imaginent que l’Éternité les attend...Celui qui est honoré en Palestine, où il fut mis en croix pour avoir introduit ce nouveau culte parmi les hommes... Le premier législateur [des chrétiens] les a encore persuadés qu’ils sont tous frères. Dès qu’ils ont une fois changé de culte, ils renoncent aux dieux des Grecs, et adorent le sophiste crucifié dont ils suivent les lois. »

      Celse (IIème ap J.C.) est un philosophe platonicien. Il est romain et auteur du « Discours véritable », virulente attaque contre le christianisme. Il écrit :
      « Vous nous donnez pour Dieu un personnage qui termina par une mort misérable une vie infâme ».

      Remarque : On ne connaît ses écrits que par la réfutation qu’en fit Origène dans son livre « Contre Celse » (7,53).

      Le Talmud est composé de la Mishna (recueil de lois et traditions juives mises par écrit vers le IIème) et des Gemaras (commentaires de la Mishna). Le Talmud Babylonien qui a été achevé d’écrire vers la fin du IVème siècle fait référence à Jésus Christ en terme peu élogieux, puisqu’il s’oppose au Judaïsme.

      https://www.info-bible.org/histoire/jesus.htm


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