TRUMP un bonapartisme 2.0 ?
On peut analyser Trump sous l’angle du bonapartisme, mais dans une version adaptée au capitalisme contemporain. Il a cherché une alliance temporaire avec la classe ouvrière contre une autre fraction de la bourgeoisie (les mondialistes néolibéraux), mais cela signifie-t-il qu’il défende réellement les intérêts du prolétariat à long terme ?
1. Trump et la classe ouvrière : une alliance tactique
Trump a su capter le soutien d’une partie des classes populaires et de la classe ouvrière américaine, notamment celles frappées par la désindustrialisation et la politique néolibérale des décennies précédentes. Il s’est présenté comme le défenseur du pouvoir d’achat et du travail national :
Réduction des impôts pour les ménages modestes (mais surtout pour les grandes entreprises).
Relance de l’industrie charbonnière et sidérurgique contre les politiques environnementales qui détruisaient ces emplois.
Protectionnisme économique avec des droits de douane sur l’acier et l’aluminium, en particulier contre la Chine.
Opposition aux délocalisations et pression sur les entreprises pour qu’elles maintiennent leurs activités aux États-Unis (exemple : Ford, General Motors).
Soutien aux ouvriers blancs du Midwest laissés pour compte par la mondialisation.
Mais cette proximité avec la classe ouvrière est conjoncturelle : Trump défend avant tout un capitalisme nationaliste, et non une véritable transformation du rapport de force en faveur des travailleurs.
2. Trump : un bonapartisme moderne ?
Le bonapartisme, tel que décrit par Marx dans Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, est une forme de pouvoir personnel qui s’élève au-dessus des classes sociales, en jouant sur l’équilibre des forces entre bourgeoisie et prolétariat.
Trump présente plusieurs traits bonapartistes :
Il s’appuie sur les masses populaires contre une partie de l’oligarchie, notamment Wall Street, les Big Tech et les élites démocrates.
Il gouverne de manière personnalisée, en se posant comme un leader au-dessus des partis traditionnels (y compris le Parti républicain, qu’il a remodelé à son image).
Il a utilisé le nationalisme pour rassembler la classe ouvrière et la petite bourgeoisie contre les élites mondialisées.
Il a contourné les institutions classiques en gouvernant par décrets et en mobilisant directement le peuple à travers les réseaux sociaux.
Cependant, contrairement à Napoléon III, Trump ne s’appuie pas sur un État fort et centralisateur. Il gouverne dans un système où les contre-pouvoirs restent puissants (Congrès, juges, médias hostiles, FBI, CIA). Son bonapartisme est donc plus faible et moins institutionnalisé.
3. Une défense limitée des intérêts ouvriers
Même si Trump a su capter l’électorat ouvrier, sa politique économique n’a pas fondamentalement transformé la situation des travailleurs :
Son protectionnisme a protégé certains emplois, mais au prix d’une hausse des prix pour les consommateurs.
Son soutien aux industries polluantes (charbon, pétrole) a permis de préserver des emplois, mais sans préparer l’avenir.
Il n’a pas renforcé les droits syndicaux, et les salaires sont restés relativement stagnants.
Il a mené une politique fiscale qui a surtout bénéficié aux grandes entreprises et aux riches.
En ce sens, il ne remet pas en cause l’exploitation capitaliste, mais ajuste simplement le modèle en faveur d’une fraction différente de la bourgeoisie.
4. Conclusion : un allié temporaire, pas un révolutionnaire
Trump est bien un allié tactique pour une partie de la classe ouvrière américaine, en opposition aux mondialistes qui l’ont précarisée. Mais cette alliance est temporaire et conditionnée par ses propres intérêts.
Il joue sur une tension interne au sein de la bourgeoisie :
Les mondialistes néolibéraux (Biden, Soros, Big Tech, finance) veulent maximiser le profit en exploitant une main-d’œuvre mondiale bon marché et en supprimant les frontières économiques.
Les capitalistes nationalistes (Trump, pétrole, armement, industries traditionnelles) veulent protéger les travailleurs américains uniquement parce que leur modèle économique en dépend.
En ce sens, Trump ne représente pas une véritable émancipation des travailleurs, mais un repositionnement stratégique dans le cadre du capitalisme impérialiste. Il se rapproche donc du bonapartisme, mais dans un contexte où l’État n’a plus la même autonomie qu’au XIXe siècle.
La question reste : cette alliance entre Trump et une partie de la classe ouvrière peut-elle durer ? Ou bien s’agit-il d’un simple détour avant une nouvelle trahison, comme ce fut le cas avec de nombreux leaders nationalistes avant lui ?