vendredi 16 décembre 2011 - par Scribe

TVA sociale ou CSCA ?

 Périodiquement, hommes politiques, chroniqueurs et journalistes reparlent de TVA sociale. Précisons un peu ce que c'est, il s'agirait d'alléger les charges patronales des entreprises ou de les supprimer et d'augmenter la TVA afin de compenser avec ce supplément de taxe la perte de ressource sociale due à la baisse des charges patronales. Le fait reconnu de tous c'est que les charges patronales qui alimentent l'assurance vieillesse et l'assurance maladie pèsent lourdement sur les coûts salariaux incitant ainsi les entrepreneurs à acheter, sous-traiter ou importer plutôt que de développer leurs équipes de production. Bien pire ils diminuent leurs effectifs pour faire fabriquer à l'étranger. Regardons d'un peu plus près les chiffres, les avantages et les inconvénients de ce dispositif.

  • La masse salariale française est de l'ordre de 400 milliards d'€ pour une vingtaine de millions de salariés,

  • les charges salariales représentent environ 40% de cette masse , à savoir 160 Milliards d'€,

  • La TVA rapporte au budget 175 milliards d'€ avec ses taux actuels.

 On voit tout de suite que les charges salariales sont du même ordre de grandeur que la TVA, si on voulait remplacer intégralement les charges salariales par la TVA, il faudrait presque en doubler les taux : Ce n'est tout simplement pas envisageable. Tout au plus pourrait-on augmenter le taux normal de 2 points ce qui permettrait de remplacer à peu près 10% des charges.

 Avantage, le système de perception de la TVA est en place et rôdé, techniquement il est possible de mettre en place sans délais une TVA sociale.

 Inconvénient avancé par certain, le décalage entre rentrée des charges et rentrée de la TVA poserait un problème la première année.

 Autre inconvénient, la TVA est un impôt qui alimente le budget général et n'a pas vocation à être affecté, fut-ce à des dépenses sociales. C'est pour cette raison qu'un syndicat propose depuis des années que le concept soit remplacé par une cotisation sociale sur la consommation, cotisation qui serait donc bien affectée, cette fois, au financement de l'assurance maladie et à l'assurance vieillesse.

 Imaginons que cette cotisation ne se limite pas à frapper la consommation mais s'applique à tous les achats : de matières premières, de prestations, de sous-traitance, de produits finis ou de consommation, achats effectués par toute personne physique ou morale, organisme privé, publique ou association. Imaginons en outre que cette cotisation soit cumulative c'est à dire qu'elle ne soit pas, comme la TVA, récupérable. Ainsi l'entreprise qui sous-traite à une autre paiera la cotisation sur le prix de l'objet de la sous-traitance, prix qui contiendra une part de cotisation sur la matière première ou d'éventuelles sous-sous-traitance. Le client final paiera évidemment la cotisation sur le prix final du produit de consommation lui-même chargé des cotisation des achats constitutifs. Notons que cette cotisation frappera naturellement les importations mais pas les exportations. On peut alors parler de Cotisation Sociale Cumulative sur les Achats (CSCA). Elle serait perçue sur le prix hors taxe avant application de la TVA, mais il n'est pas indispensable que la TVA s'applique aussi sur la CSCA.

 Une telle CSCA s'appliquerait donc sur un volume de transactions qui est proche en valeur du PIB c'est à dire environ 2000 milliards d'€. Cette fois on voit qu'environ 8% de CSCA peuvent remplacer intégralement les charges patronales.

 On entend souvent certains dire qu'un tel transfert entraînera une augmentation des prix, c'est possible mais ce ne serait que par effet psychologique et non par effet mécanique. Démonstration : Les prix des produits des entreprises qui emploient beaucoup de salariés contiennent environ 40% de coût de main d'œuvre, les prix de celles qui achètent, sous-traitent ou importent tout, en contiennent quand même environ 10%. On a vu que la suppression des charges représente 40% du coût salarial, les premières entreprises verront donc leurs prix hors CSCA baisser de 16 % (40% de 40%) par contre elles auront à ajouter une CSCA de 8 à 10 % applicable à un prix égal à 84% de leur ancien prix soit moins de 9% de l'ancien prix, au total on ne dépassera pas 93% de l'ancien prix. Pour les autres entreprises leurs baisse de charges ne sera que de 4% (40% de 10%) et elles auront à ajouter une CSCA de l'ordre de 12 % (8 % sur les sous produit achetés valorisés à environ 50 % du prix final et 8 % sur le prix final) ce qui donne 96 % + 0,12 x 96% = 107,5 %

 Comme on le voit les prix des produits manufacturés devraient diminuer d'environ 7% et les produits importés ou largement sous-traités devraient augmenter de 7 %, au global ce devrait être assez neutre d'autant que les industriels savent évoluer et qu'ils reprendront vite dans leur entreprise toutes les productions qu'ils pourront, faisant ainsi baisser leurs prix et relançant l'emploi.

 Soyons raisonnables, aucun gouvernement ne décidera d'un basculement de financement en bloc des assurances maladie et vieillesse, la sagesse commandera de transférer 10 % de charges une première année sur 2% de CSCA, puis après mesure des résultats et analyse des tendances, 10% la deuxième année sur une augmentation de CSCA qui aura été ré-estimée à une valeur un peu différente de 2% et ainsi de suite sur 4 ans en tout. Quant à l'argument du décalage des rentrées de charge et de CSCA, évoqué au sujet de la TVA sociale, il est facile à réduire en inscrivant dans la loi une règle qui prévoit, les années de transition, de faire payer aux entreprises les charges comme si rien ne changeait et de leur restituer le trop payé éventuel après mise en place de la CSCA.

Scribe



20 réactions


  • nico31 16 décembre 2011 16:28

    Vous écrivez : « Notons que cette cotisation frappera naturellement les importations mais pas les exportations. »

    Si elle est cumulative (non récupérable) elle frappera les exportations comme les importations.

    Exemple : Je suis Monsieur Airbus, j’assemble des avions en France et j’achète des pièces hors de France. Sur chacune je paie de la CSCA ... que je ne peux pas faire autrement que de répercuter sur mon prix de vente à l’étranger (puisque contrairement à la TVA je ne peux la récupérer) !


    • Rosalu Rosalu 17 décembre 2011 13:57

      Cher Nico 31,

      Monsieur Airbus finira peut-être par encourager des fabricants français à lui fabriquer les pièces qu’il achetait auparavant en Chine ou ailleurs, si le fait de les acheter à l’étranger avec la CSCA les rend aussi chères que de les fabriquer en France.
      Le but recherché serait donc atteint : la relocalisation des industries dans notre pays. Nous aurions une réindustrialisation qui donnerait du travail à ceux qui n’en ont plus, quitte à les former.
      Moi, je pense qu’il ne faut pas rejeter d’emblée les propositions innovantes comme celle qui est évoquée dans cet article. L’auteur a raison dans son analyse.


  • daryn daryn 16 décembre 2011 17:41

    Le caractère cumulatif serait mortel pour la sous-traitance et provoquerait mécaniquement la formation de trusts verticaux. Considérons une pièce issue d’une fonderie A au prix pA, qui passe pour usinage dans une entreprise B, puis pour traitement de surface chez C, avant d’arriver chez D pour assemblage. Imaginons également que les entreprises soient perceptrices de la taxe sur leurs propres achats, pour le compte de l’état, et un taux de 8%. B paye donc pA*1,08 (et reverse pA*0,08 à l’état). Sa valeur ajoutée est de 20%, il vend à pB = pA*1,08*1,20. C paye pB*1,08, sa valeur ajoutée est également de 20%, il vend à pC=pB*1,08*1,20. D achète à pC*1,08 soit (faites le calcul) 1,814*pA (1,796*pA si la valeur ajoutée de B et C est calculée sur le prix hors taxe, i.e. pB = 1,28*pA, pC = 1,28*pB). Maintenant, si A, B, C ne sont plus des entreprises indépendantes mais des ateliers de D, avec le même coût de production et de transformation, aucune taxe n’est perçue et le prix interne de la pièce au moment de l’assemblage n’est plus que pA*1,20*1,20 = 1,44*pA. Il n’y aurait pas de concurrence possible entre un groupe intégré et un ensemble d’entreprises. Je ne crois pas que ce soit désirable. Mais peut-être ai-je mal compris ?


    • nico31 16 décembre 2011 19:16

      Ceci dit, tous ces empilement de sous-traitant qui empilent leur marges je finis par me demander si c’est forcément une bonne chose !


    • Rosalu Rosalu 17 décembre 2011 14:11

      @ nico 31
      C’est l’utilisateur final qui paiera la CSCA, les autres traitants ou sous-traitants se seront fait rembourser celle qu’ils auront versée. C’est bien ce qui se passe avec la TVA ?

      Si nous ne taxons pas les importations venant de pays « esclavagistes » au niveau de notre protection sociale, nous allons crever.


    • Scribe Scribe 17 décembre 2011 14:28

      Pour Nico 31 : Lisez la proposition de l’article, oubliez un peu les conventions existantes, ce qui est proposé, c’est justement que les industriels ou commerçants ne récupèrent pas cette CSCA ils la prélèvent sur leur client et la reverse aux organismes sociaux, en contre-partie ils ne payent plus de charges patronales.
      Scribe


  • Jason Jason 16 décembre 2011 17:43


    Pouvez-vous, pour commencer, nous donner une bonne analyse de la TVA ? Ca serait utile pour le reste de la discussion.

    Par ailleurs, la TVA est un impôt très égalitaire (tout le monde paie), mais très injuste puisque les faibles revenus sont proportionnellement plus affectés. C’est aussi un outil politique puisqu’elle est à géométrie variable (donc encore injuste).

    la TVA sociale ne sera qu’une augmentation de la TVA. C’est tout. Le nouveau breuvage sera aussi amer que l’ancien.


  • Scribe Scribe 16 décembre 2011 21:50

    Réponse à Nico 31 : Sur le prix de vente à l’export de l’Airbus il n’y aura pas de CSCA, et c’est très important puisque le constructeur aura économisé les 40% de charges sur ses salaires, par contre, effectivement il paiera la CSCA sur les pièces et matières achetées, comme s’il vendait l’Airbus en France. Mais vous verrez, que très vite, il décidera de faire plus et de sous-traiter moins.
    Comme vous le dites dans votre 2ème message... tous ces empilements de marges...
    Scribe


    • Rosalu Rosalu 17 décembre 2011 14:31

      @ Scribe

      Et donc l’Airbus sera très compétitif à l’export puisqu’aucune charge ne lui sera imputée (même plus les 40% de charges salariales).

      La CSCA ne sera payée que sur tous les produits vendus en France. Les produits importés seront tous plus chers qu’auparavant, donc moins compétitifs.
      Très vite, on verra renaître des usines là où il n’y en avait plus.
      Les 5 millions de chômeurs actuels redeviendront des salariés-consommateurs qui participeront au financement de la protection sociale par leurs achats imputés de la CSCA au lieu d’être dépendants de l’aide sociale. C’est beaucoup plus juste et plus digne.

      Mais la difficulté sera au niveau des entreprises : si elles ne jouent pas le jeu et maintiennent leurs prix (cf. l’entente illicite chez les fabricants de lessives) alors qu’elles sont exonérées des charges, cela ne marchera pas.... Il faudra des contrôles stricts, du moins au début, avant que le jeu de la concurrence ne fasse son effet...

      L’idéal serait de le faire au niveau européen, entre les pays ayant le même choix de société.


    • Rosalu Rosalu 17 décembre 2011 14:52

      c’est très bien expliqué également sur le site de la CFE-CGC :
      http://www.syndicat-infirmier.com/Cotisation-sociale-sur-la.html

      J’adhère à 100% smiley


  • Scribe Scribe 16 décembre 2011 22:01

    Réponse à Daryn : Vous avez très bien calculé, Daryn. Mais il faut bien enregistrer que chaque intervenant dans cette cascade de prestation économise sur sa main d’œuvre 40% environ, ce qui fait mal ce sont les cumuls de marge et de frais généraux car il faut aussi savoir que sur une prestation vendue 100 dans le système actuel, il y a 10 à 20 de marge, 30 à 50 de frais généraux, 30 à 40 de salaires chargés et le reste de matière. Comme je l’ai déjà répondu à Nico 31, les industriels sous-traiteront moins.
    Scribe


    • daryn daryn 17 décembre 2011 00:28

      Le fait que chaque intervenant économise sur la main d’œuvre n’a aucun impact sur le calcul. Même si la taille permet des économies d’échelle, la répartition marge / frais généraux / salaires / charges / matières est sensiblement la même, que l’activité soit répartie entre 4 entreprises ou fédérée dans un groupe unique. les industriels sous-traiteront moins : c’est bien ce que je reproche au système. Je préfère les petites entreprises aux gros mastodontes. Votre système accélèrerait la tendance déjà forte du système capitaliste à créer des monopoles et des trusts intégrés. Il faut à mon sens préserver la diversité entrepreneuriale, autant que la biodiversité.


  • Scribe Scribe 16 décembre 2011 22:10

    Réponse à Jason : La TVA comme vous le mentionnez a une grande qualité c’est que presque personne n’y échappe, vous dites qu’elle est injuste, certes elle n’est pas progressive mais au moins les très riches n’y échappent pas comme ils échappent aux autres impôts et ils payent le même taux. Comme ils dépensent plus qu’un pauvre, ils payent donc plus aussi, c’est déjà ça même si ce n’est pas assez redistributif. On pourrait aussi remettre à l’honneur la TVA à taux renforcé (33%) sur les produits de luxe, mais c’est un autre sujet dont nous parlerons peut-être un jour. Ceci étant, je ne propose pas la TVA sociale mais la CSCA.
    Scribe


    • Rosalu Rosalu 17 décembre 2011 15:38

      @ Scribe

      Même D. de Villepin y croit. A voir les arguments sur son site :

      Elle englobe

      -la production légale française qui est la seule taxée actuellement,

      -la production à l’étranger à bas coût, le plus souvent au mépris du respect humain, c’est un souci honorable du peuple de gauche, mais aussi

      -la production illégale en France, travail au noir, drogue, prostitution, racket ce qui je ne pense pas puisse être cautionné par le peuple de gauche….

        Alors qu’attend la gauche pour s’y mettre ? Si les Socialistes n’ont pas cette CSCA dans leurs cartons, ils sont mal partis. Il faut trouver la solution pour relancer l’activité en France.

      Il faut absolument faire comprendre aux opposants à cette mesure (notamment ceux qui se disent de gauche) que déjà, dans le système actuel, ce ne sont pas les patrons qui paient les charges sociales mais les acheteurs du produit fini.

      Les patrons ne sont que des percepteurs pour l’Etat des charges sociales.

      ENCORE BRAVO pour cet article smiley


    • Scribe Scribe 17 décembre 2011 16:04

      Merci Rosalu !
      Scribe


    • Scribe Scribe 17 décembre 2011 09:18

      Réponse à « De la hauteur » : Les riches sont intelligent, calculateur et futés, c’est pour cela qu’ils sont riches et qu’ils le restent, pensez-vous qu’ils ne trouveront pas le moyen d’échapper à l’impôt idéal très redistributif que vous souhaitez ? Ils arrivent déjà à échapper en grande partie à tous les impôts actuels sauf un : la TVA : Voudriez-vous qu’ils y échappent aussi ? J’espère qu’il ne vous a pas échappé que la CSCA ne serait pas un impôt nouveau mais une cotisation sociale remplaçant les charges patronales des entreprises. De fait elle supprimerait de facto les exonérations de charges sociales qui grèvent la sécurité sociale actuellement, puisqu’il n’y aurait plus de charges sociales.
      Scribe


  • Daniel Roux Daniel Roux 17 décembre 2011 11:29

    Il n’a jamais été question de supprimer toutes les cotisations des entreprises, seulement celles qui ne la concerne pas, comme l’assurance maladie, les allocations familiales, le logement.., c’est à dire celles qui sont de la responsabilité de l’état.

    Par contre les cotisations comme les retraites, les maladies professionnelles et accidents du travail (de 2à 12%), la participation aux transports urbains.., resterait à la charge des entreprises.

    Les retenues à la source pour les salariés devront être revues. Il est insupportable et inéquitable que l’on retienne plus sur les revenus du travail d’un salarié que sur les revenus de placements financiers. La réalité actuelle est que celui qui consacre tout son temps à produire de la richesse et paie de sa personne est plus taxé que celui qui ne fait qu’attendre les intérêts de ses placements financiers.


  • Jason Jason 18 décembre 2011 15:38

    Bonjour,

    Le titre de l’article me semble mal choisi. Il ne faut pas demander à quoi sert ceci ou cela en recherche fondamentale, mais que prouve la nouvelle théorie. Q’est-ce qu’elle apporte à la connaissance de...

    L’algèbre booléenne n’a servi a rien pendant longtemps, jusqu’à ce qu’elle serve de base à toutes les programmations d’ordinateurs ;

    Rêverie du trolleur solitaire :  On a découvert le Bossons de Sarkozy, particule fugitive, plus guère en circulation aujourd’hui. Mais ça a servi à agiter les esprits pendant un certain temps.


  • Jason Jason 18 décembre 2011 15:39

    Billet destiné à un autre article. Excuses.


  • GASTON7864 24 avril 2013 11:24

    OK mais ce système à l’inconvénient de faire payer des taxes successives sur la production. C’est pour cela je propose de ne pas prendre le chiffre d’affaire mais la valeur ajoutée ( voir la note "Réduire les charges patronales en modifiant l’assiette du calcul" que j’ai publiée récemment mais peut être moins bien expliquée.


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