Un peu de soi et rien du tout
Qu’as-tu pensé quand tu as compris que l’océan immense allait se refermer sur toi, quand tu as compris que c’était fini ? Juste encore un peu de temps
?
J’ai toujours autant de mal avec ma propre finitude. Et j’en ai encore un peu plus avec le concept même de ma propre existence, le fait même que je vois, ou encore que je respire. Il m’arrive d’écouter les coups sourds de mon cœur alors que je repose sur le flanc. Alors, voilà, c’est tout ? Tu cognes, tu cognes, tu cognes… tu cognes depuis que je suis là, inlassablement, et le jour où tu cesseras de cogner, je ne serai plus là, tout simplement.
Parfois, je me demande à quoi ça sert, la conscience. Le fait que nous sachions que nous existons. Ou que nous croyons exister… c’est un peu la même chose. Est-ce qu’un syndic d’immeuble est conscient par lui-même ? Au-delà de ceux qui le composent ? Pourtant, il existe, par la nécessité même de l’existence de l’immeuble.
J’ai souvent du mal à me concevoir comme un amas multicellulaire. Comment est-il possible que cette association insensée d’organismes vivants finisse par dire : Je
? Je
… quoi, après tout ? Où commence le je
et où finit la multitude du monde ? Je
est composé de plus de bactéries étrangères que de cellules propres. Dans mon seul bide naissent, vivent et meurent plus de créatures qu’il n’a existé de gens sur Terre, plus de bestioles qu’il n’y a d’étoiles dans le ciel ou de sable sur cette plage qui t’a vue partir…
Je suis un vaisseau-univers qui fait la gueule en poussant un caddy au supermarché.