mercredi 21 février 2018 - par Taverne

Un sentiment d’injustice ne crée pas un coupable (exemples : Wauquiez, MeToo...)

"Un sentiment d'injustice ne crée pas un coupable" : cette affirmation que je fais ici en préambule vaut autant pour un chef de parti politique qui utilise la grosse ficelle du complot généralisé contre sa personne que pour certaines femmes perturbées ou de mauvaise foi qui règlent leurs comptes dans des sphères livrées aux foules vindicatrices. "Pour que la peur change de camp" disent-elles, pour que les hommes souffrent à leur tour d'une situation de minorité, dit une ancienne ministre. Ce sont là deux arguments qui ne sont que des variantes de la loi du talion qui depuis longtemps n'est plus regardée comme un principe de justice mais de vengeance. Quand on a été ministre de la justice, on sait cela. Ah, le doux plaisir de la vengeance, comme il se savoure !

Quant aux médias qui répètent en boucle des paroles moralisatrices, ils ne contribuent pas non plus à la vraie justice.

Un sentiment d'injustice ne crée pas un coupable parce que tout d'abord un sentiment d'injustice n'est pas ipso facto une injustice réelle. Le préjudice doit se prouver : "balance ta preuve !"

Cela dit, les femmes victimes d'agressions sexuelles sont victimes d'injustice à quatre niveaux sur l'échelle des sept catégories du juste que j'ai déjà eu l'occasion d'exposer dans les grandes lignes ("la boussole du juste...").

I - Une femme violentée est victime d'une quadruple injustice

La source du sentiment d’injustice des victimes est multiple.

- Une atteinte grave à la personne

- Une injustice provoquée par l’abus de liberté de l’homme. La liberté de chacun s’exprime tant qu’elle ne nuit pas aux autres.

- Une injustice causée par le non-respect de l’égalité hommes-femmes.

- Une injustice ressentie et aggravée par le manque ou l’insuffisance de solidarité.

1ère fois victime : violation du juste de l'égitimité.

Quand une femme est victime d'une réelle agression, c'est la légimité la plus essentielle de l'être humain qui est violée. Une victime d'agression sexuelle subit une violation grave de sa légitimité, celle qui consiste à protéger sa personne contre les atteintes hostiles. L'atteinte à l'ingrité" de la personne est la forme d'injustice la plus difficile à réparer. Dans ce cas, la société doit se montrer intransigeante et la justice doit passer.

Mais, dans le cas de la fondatrice du forum « balance ton porc », l'atteinte était négligeable et la réponse en retour (opprobre et délation), disproportionnée. Si la personne n'a pas repris l'idée du "me too", c'est qu'elle n'était pas dans une démarche de témoignage ni de solidarrté consistant à dire "moi aussi". Elle ne pouvait pas dire "moi aussi" puisqu'elle n'était pas une victime et n'avait donc rien à témoigner. Ce fut une démarche de pure vengeance en dehors de toutes règles de justice.

Catherine Millet « je suis contre la dictature du ressenti  ».

2ème fois victime : violation du juste de liberté (dit "juste d'utilité" dans mon article cité en référence)

Il y a ici abus de la liberté d'une personne sur une autre, dans un déséquilibre des forces ou des statuts. La Déclaration de 1789 affirme le principe de liberté mais elle en fixe aussi les limites. Le citoyen peut avoir à répondre des abus de sa liberté. Cela rappelé, toutes les femmes importunées sont-elles des victimes au titre de ce chef d'accusation ? Certainement pas ! L’usage veut que l'homme prenne plus souvent que la femme l’initiative et, tant que l'usage n'aura pas modifié cet état de fait, il faut admettre que cela s'accompagne de tentatives d'approches maladroites et parfois insistantes. L’homme a la liberté d’importuner mais pas de harasser et encore moins de violenter.

3ème fois victime : violation du juste d'égalité.

Ici, c'est de l’égalité des sexes qu'il s'agit. L’égalité n’est pas un but en soi, c’est un moyen. Un moyen de liberté. La liberté est le but par excellence de tout individu. La Révolution française de 1789, révolution bourgeoisie, a proclamé l’égalité pour permettre à l’individualisme de s’exprimer librement. La liberté à notre époque doit s’exprimer dans le cadre de l’égalité des droits entre citoyens et aussi dans celui de l’égalité entre hommes et femmes. Un manquement à ces cadres égalitaires est une faute.

4ème fois victime : violation du juste de solidarité.

L’absence de solidarité envers les femmes victimes peut se manifester par l’indifférence, le silence gardé ou le mépris.

Etre victime de quatre formes d'injustices fondamentales sur une échelle de sept catégories du juste, cela n'est pas rien ; cela est même très grave.

II - Parole libre ou libérée n'est pas synonyme de liberté

La véritable liberté s'accompagne de prise de conscience. Elle est créatrice de responsabilité et s'efforce d'être juste.

1 - Comment émerge la conscience ?

Ce sont les phénomènes perçus par notre intelligence qui forment la conscience. La conscience est une structure (vivante) qui aboutit à la pensée. La conscience n’est pas que réceptacle, champ actif de formation des représentations ; elle est la forme qui modèle la pensée. La forme agit sur le fond. La conscience s’acquiert par l’éducation des parents, de l’école et l’éducation du citoyen.

La pensée ainsi structurée par la conscience permet à l’être humain de se poser des bornes et des limites. L’artiste sait bien que ce sont les cadres et les contraintes qui le rendent créatif. Le désir et nos émotions nous poussent à agir (ou à défaut à parler ou à imaginer). La conscience de nos limites personnelles et des règles en société nous guide et nous recadre.

2 - La liberté n’est pas de tout dire et de s'exprimer n'importe comment

La parole ne s'exerce pas sans cadre et sans règles. La liberté s’exerce sous le contrôle de la conscience et se fait ainsi créatrice de responsabilité.

La liberté n’est pas un statut ni un état inerte, elle est mouvement. Elle se construit par opposition à des résistances, à des forces contraires. C’est le mouvement gagné dans la lutte. C’est par exemple, le mouvement de se défaire de ses entraves, poids, freins, préjugés, d’une pression, d’une servitude voire d’une oppression. La liberté est un mouvement qui s’exprime en luttant à l’intérieur d’un univers de lois mais sans s'affranchir de tout carcan de lois.

Conscience et liberté sont indissociables

Laquelle précède l’autre ? Difficile de répondre. Ce qui est sûr c’est qu’elles sont indissociables. L’une ne va pas sans l’autre. La conscience permet de structurer la liberté et ainsi d’user de libre arbitre, d’évaluer les situations, de peser les choix et les risques.

Conscience et personnalité, deux choses différentes. La conscience est le gardien et la condition de la liberté, la personnalité est l’expression de puissance du moi. La publicité feint d’encourager la liberté alors qu’elle flatte le moi de l’individu, sa personnalité.

Quand l'individu moderne prétend exprimer sa liberté dans les médias ou sur les réseaux sociaux, il exprime en réalité surtout sa personnalité. Il suffit d'ailleurs d'observer les poses qu'il prend.

Laurent Wauquiez ne parle pas librement parce qu'il "parle cash" ou parce qu'il dit ce que la foule veut entendre. Il exprime sa personnalité. Parler librement, ce n'est pas se lâcher sans contrôle ni retenue, sans conscience.

La science (y compris politique) sans conscience n'est que ruine de l'âme.

 



12 réactions


  • Diogène Diogène 21 février 2018 11:21
    Un sentiment d’injustice ne crée pas non plus une victime (exemples : Darmanin, #balancetonporc...)

    • Taverne Taverne 21 février 2018 11:49

      @Diogène

      Absolument, c’est aussi ce que je dis. Un sentiment ne crée pas un fait.

      Mais comme l’a dit le premier ministre, dans ces affaires il faut respecter à la fois la présomption d’innocence et l’expression des plaignantes, en l’attente de l’issue judiciaire. Il est dommage qu’un sentiment corporatisme se soit exprimé bruyamment à l’Assemblée (les acclamations pour M. Darmanin), montrant par là-même le rejet par l’élite de toute solidarité envers les plaignantes dans les cas où un ministre est mis en cause. Au minimum, la neutralité s’imposait.


  • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 21 février 2018 12:38

    Merci. Ce qui me paraît un contrepoids utile à l’article de Attilax. LA CONSCIENCE.


  • Taverne Taverne 21 février 2018 15:46

    Sacrifier des coupables sur l’autel de l’opinion, c’est prendre l’opinion publique pour ce qu’elle n’est pas : un dieu !

    Dupont-Moretti plaide pour que la justice épargne son client de la peine de prison. La frontière entre la justice et la vengeance est parfois mince. Bien malin qui pourra la dessiner exactement dans cette affaire.

    Il y a aussi les sacrifices de quelques migrants mais pour contenter seulement une certaine frange de l’opinion. J’entendais ce matin Marc Fesneau du Modem soutenir le projet de loi en ces termes « nous allons juger ces gens avec les critères... » On n’évalue plus les situations des migrants et leur vécu : on juge les personnes. Tout migrant est un accusé.

    Tout doit-il être passé au crible de notre (faible) jugement ?


  • Le421... Refuznik !! Le421 21 février 2018 18:40

    Bah... Pour une fois que je trouvais Wauquiez assez proche de la vérité !!
    Patatras.
    Tout le monde lui tombe dessus...

    Guy Béart

    https://www.youtube.com/watch?v=AfpSRnahQig


    • Ouam (Paria statutaire non vacciné) Ouam 21 février 2018 21:15

      @Le421
      +1
      Et ca m’a bien fait rigoler cette bande de ploutocrates oligarches choqués par l’impoli smiley
       
      Mais faut pas rêver, c’est bien de la manip de bas étages, qui peut croire que le...
       
       veau-quiz est un beu
       
      Le seul truc qui m’à échappé c’est pour sarko, c’est de la « stratégié » ?
      ou il s’est laissé emporter par son égo démeusuré sur le moment ?
      Ou une couche de plus ? pour etre sur de créer le « sandale » / « buzz » médiatique


    • Taverne Taverne 21 février 2018 22:54

      @Le421

      Proche de la vérité de ce qu’il est. Une vérité peu sympathique.

      Nous allons vers une civilisation sans civilité.


    • Le421... Refuznik !! Le421 22 février 2018 13:42

      @Taverne
      Expliquez-moi précisément par le menu ce qu’il a dit d’inexact.
      Et je vous croirais bien volontiers.

      Je ne suis pas un spécialiste des gens de pouvoir, je connais mieux les fonds de tiroir, ceux qui n’ont pas voix au chapitre.


    • Taverne Taverne 22 février 2018 14:09

      @Le421

      Je fais un effort pour répondre parce que c’est vous mais, moi non plus, je ne trouve pas le sujet « inspirant ». Interrogé lors de son interview « j’assume tout droit dans mes bottes », Wauquiez a répondu ainsi sur deux affirmations qu’il a faites :

      Question Gérald Darmanin : - vous avez des éléments d’information ? - Non.« 
      Question cellule de complot de Macron  : - vous avez des éléments d’information ? - Non. »

      Comment peut-on certifier exactes des affirmations non étayées ?

      Quant à ce qu’il a reproché à Sarkozy, il s’est excusé platement. Donc rien là-dessus non plus.

      Rien + rien + rien =  ?


  • Ouam (Paria statutaire non vacciné) Ouam 21 février 2018 21:10

    Tiens j’suis plus censuré ici ?
    Bizarre ?

    Pour faire court
    la tolérance (*) n’est que le supportable des autres à recevoir un shéma de pensées.

    L’échelle artistique ne peut etre qu’a géométrie (très) variable
     
    D’ou mon desaccord total avec cette phrase
    « L’artiste sait bien que ce sont les cadres et les contraintes qui le rendent créatif. »
    Sinon on s’enferme dans le « consensuel » et dans la répétition.
     
    C’est un sujet pas simple qu’il me semble ardu à « borner »

    Et le respect de la loi (L’exemple de Cadoual) me semble un bon exemple aussi sur le sentiment d’injustice et de tolérance.
    Les lois sonts visiblement dans la contrée France à géométrie plus que très variable.
    Et lorsque le peuple la percoit ainsi (Plus de 85% toutes enquetes confondues)
     
    En général au bour d’un moment ce sentiment dirige celui ci vers une révolution .
    Et nous savons comment elles se finissent (dans le sang et / ou avec un dictateur au pouvoir)
     
    (*) Cad le sentiment d’injustice qui va avec et qui est le fait interseque de celui -ci
    Bye !


  • Taverne Taverne 22 février 2018 09:18

    Au fait, il fallait lire bien sûr « livrées aux foules vindicatives » (et non pas vindicatrices) : oups ! smiley


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