mercredi 8 janvier 2020 - par Paul ORIOL

Une ambition sans limites mais pas sans conséquences

 

Depuis le virage nié de 1983, la France est entrée dans une longue séquence, champ contre-champ, droite gauche, et aspirée dans une spirale de régression sociale continue à la suite du libéralisme triomphant de Margaret Thatcher cassant les syndicats de mineurs et Ronald Reagan celui des aiguilleurs du ciel. Relayés en Allemagne par le social-démocrate Gerhard Schröder et l'alternance-association SPD et CDU-CSU (social-démocratie et démocratie chrétienne). Les autres pays de l'Union européenne se sont, petit à petit, alignés sur la puissante Allemagne.
Les gros partis de France, quel que soit leur nom, n’ont fait que suivre la même voie.

Cette longue période TINA (There is no alternative) n’est pas sans conséquences graves : augmentation des inégalités, régression sociale et politique avec délitement des partis de gouvernement et montée du populisme de droite et d’extrême-droite. Le tout accompagné de petits sautillements indignés des démocrates modérés qui, après chaque défaite électorale, s’empressent d’affirmer que, le pire n’étant pas arrivé, tout allait bien, que la politique, la seule possible, était la bonne, qu’il fallait seulement la continuer et même l’accentuer.

Au Parlement européen, le populisme de droite et extrême-droite n’a pas encore atteint le niveau de blocage du Conseil, avec la nécessaire unanimité dans certaines décisions, mais le tandem PSE-PPE a perdu la majorité absolue.

Tout ceci et même le long et douloureux Brexit, première sortie d’un pays de l’Union européenne, ne change rien à l’optimisme béat : ces Britanniques insulaires ont voté pour un clown irresponsable comme les Étasuniens incultes pour un personnage grossier et ignare…

Heureusement, ce n’est pas le cas en France où est apparu pour éviter le pire, un ange blanc centriste, ni gauche, ni droite, qui, par sa jeunesse, son dynamisme, son entregent, ses appuis financiers, allait faire les réformes indispensables et transformer le vieux pays en une jeune pousse : moderne, informatisée, rentable à condition d’éliminer les Gaulois réfractaires, les illettrés et autres moins que rien...

Mais le monde nouveau ressemble, par certains aspects, au monde ancien : depuis le printemps 2017, 16 ministres ont démissionné dont 1 seul pour des raisons politiques et au moins 8 obligés pour des problèmes qui n’ont rien de glorieux ! On est loin cependant de Nicolas Sarkozy et de son important carnet d’adresses d'avocats.

Se contenter de sarcasmes sur ce vieux-monde renouvelé ou de faire la liste des mots arrogants, méprisants du jeune premier serait une erreur grave. Cela doit seulement faire comprendre qu’Emmanuel Macron n’est guère embarrassé par ses scrupules ou sa compassion. Simplement obligé, toujours et encore, d’expliquer ce qu’il est le seul à comprendre.

Le jeune Macron est dangereux par une ambition sans limites, liée aux nouvelles grandes forces du capitalisme libéral international (les relations entre Emmanuel Macron et les hommes de Blackrock affichées au grand jour en sont l’exemple du moment). Utilisant et servant pour arriver à ses fins les forces financières internationales et des moyens politiques et policiers de l’État quels que soient les obstacles.

Il a été élu face à des politiques qui, de gauche ou de droite, poursuivent la même politique depuis François Mitterrand et font monter l’extrême-droite par leur conversion au libéralisme européen. Il a surtout été élu, non pour son programme mais contre l’extrême-droite par une large majorité d'électeurs au second tour. Majorité qui a permis à Jacques Chirac de ne rien faire et qui permet à Emmanuel Macron de faire ce qu’il veut, malgré les tardifs scrupules de quelques élus peu perspicaces déçus par tel ou tel aspect d’une politique de droite pourtant cohérente.

Une ambition conduite au pas de charge, au moins dans sa première partie : réformer la France, prendre la tête d’une Europe libérale et jouer dans le trio de tête, États-Unis, Chine, Europe, autrement dit, Emmanuel Macron, quel qu’en soit le prix…. pour les Français et les Européens. Et pour l’avenir de la planète car les réformes ne peuvent toucher les intérêts de ceux qui mènent le monde.

Pour cela, il doit changer d’abord la France et les Français : aligner la politique économique et financière sur celle de l’Allemagne. Ce qui suppose de mener rondement la politique commencée par ses prédécesseurs : respect des critères de Maastricht , c-a-d, casser toute résistance populaire, gilets jaunes ou syndicats, notamment, la CGT. Par la même occasion, s’il était possible de casser aussi la CFDT qui, à plusieurs reprises, lui a tendu la main...
Il a montré sa volonté de s’adresser directement au peuple et son mépris des corps intermédiaires, caractéristiques des populistes. Et un ni-gauche-ni-droite de plus en plus claudicant avec l’utilisation de l’immigration ou de la répression policière la plus violente depuis la guerre d’Algérie.

Une ambition sans limites mais pas sans conséquencesUne ambition sans limites mais pas sans conséquences

Pour respecter les critères de Maastricht, sa politique financière en a fait le président des riches : transformation de l’ISF en IFI, pour orienter des masses monétaires vers le financement des entreprises (françaises ?) et surtout la spéculation beaucoup plus lucrative (en 2019, la flambée des bourses contraste avec la croissance diminuée de l’économie mondiale) et le maintien de l’impôt sur l’immobilier (nul besoin d’investissements dans le logement ?) beaucoup moins facile à utiliser, allègement des contributions sociales diminuant les recettes, ouverture de perspectives intéressantes pour les fonds de pension ou d’investissement (Blackrock, visiteur du soir de Macron), privatisation d’Aéroport de Paris après le franc succès de celle de l’aéroport de Toulouse-Blagnac… Bien entendu au détriment des pauvres par la destruction de la solidarité depuis la suppression de l’APL jusqu’à l’austérité organisée avec la réduction des emplois, la disparition de services publics… et la réforme des retraites.

Une ambition sans limites mais pas sans conséquences

Avec l’espoir de devenir le bon élève de l'Union européenne à un moment très favorable : Brexit, affaiblissement, peut-être peu durable, de l’Allemagne : départ prochain d’Angela Merkel, absence de majorité claire, vieillissement de la population, difficultés économiques… Moment favorable aussi pour dire de l’Union européenne une véritable puissance libérale.

Pour avoir les mains encore plus libre sur la scène internationale, Emmanuel Macron essaie de détacher la France d’un passé impérialiste trop voyant ou, au moins d’en détacher son image : depuis la dénonciation du crime contre l’humanité en Algérie, passé presque inaperçue et pourtant inadmissible pour un candidat à la présidence de la République si elle n’est pas suivie, dès son accession au pouvoir, d’une importante initiative pour une grande réconciliation… jusqu’à la disparition du CFA en Afrique, signe de la sujétion des anciennes colonies africaines, remplacé par l’Eco avec quelques arrière-pensées sur une renonciation-substitution…

Ayant fortement affaibli les corps intermédiaires, les syndicats notamment, ayant satisfait ses soutiens financiers nationaux et internationaux, apparemment débarrassé d’un encombrant passé, Jupiter serait alors libre de se représenter dans les mêmes conditions qu’en 2017 avec le même résultat et de se projeter à la tête d’une l’Europe libérale convenant parfaitement aux intérêts des grandes multinationales.

Des multinationales qui façonnent déjà le monde nouveau avec des moyens financiers supérieurs à ceux de bien des États, des moyens techniques d’influence de plus en plus efficaces sur les décisions individuelles et collectives !

Dans cette optique, les moyens anciens, perfectionnés, qu’ont expérimenté, à leurs corps blessés, les gilets jaunes ne sont peut-être qu’une anecdote mais sont surtout un avertissement pour tous ceux qui voudraient s’opposer à ce nouveau monde en marche.

Il n’est pas certain que les peuples, ici comme ailleurs, acceptent cet avenir qu’on leur prépare, cet écrasement planifié. Qui augmente les inégalités, entre les pays et à l’intérieur de chacun, met en danger la démocratie relative, telle que connue jusqu’ici, et se préoccupe peu, eu delà des déclarations, de la viabilité de la planète.

Une ambition sans limites mais pas sans conséquences


6 réactions


  • Rantanplan Lola 8 janvier 2020 12:11

    C’est quoi, le populisme ?


  • ticotico ticotico 8 janvier 2020 14:17

    Bonjour, en ce qui me concerne, je dirais plutôt que le macronisme est une collapsologie. L’avenir étant au rétrécissement de beaucoup de choses, macron n’a d’autre mission que de garantir la mainmise de ses maîtres sur une part significative d’un gâteau en décroissance.

    Une des premières conséquences de la régression morale dans laquelle s’engagent nos glorieux dirigeants est l’ouverture de la chasse aux pauvres. La vie des pauvres n’est plus un sujet de préoccupation pour les zélites. Faire disparaître des populations qui ne servent plus à rien devient même révélateur d’une « bonne gouvernance »...

    Le droit de la police à amputer étant désormais acquis, le macronisme devrait également légitimer le droit d’ôter la vie à ceux qui se rendent coupables de ce crime majeur, être pauvre. Il paraît que Castaner avance bien sur ce sujet...

    À l’échelle mondiale, les exécutants potentiels d’extinction massive de vies de pauvres se retiennent encore, mais ils ont le doigt sur la gâchette...

    Alors, dans ce contexte, les retraites ne semblent qu’un petit phénomène marginal. S’opposer à la réforme n’est pas inutile, mais l’essentiel serait quand même d’arriver à éliminer ces sangsues qui vident les peuples de leurs ressources, de leurs espoirs, de leur vie même.

    Le message ultime du macronisme est bien celui de tous les totalitarismes : « ta vie ne t’appartient plus ».


  • Captain Marlo Fifi Brind_acier 9 janvier 2020 10:32

    Tout ceci et même le long et douloureux Brexit, première sortie d’un pays de l’Union européenne, ne change rien à l’optimisme béat : ces Britanniques insulaires ont voté pour un clown irresponsable

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    Le clown irresponsable vient de publier son programme législatif !

    Après le coup de pied au cul reçu par Tsipras, le programme de Johnson est une grande baffe pour la Gauche européenne, et française en particulier, toujours accrochée à l’ Europe comme les moules au rocher  !

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    La réforme des retraites est une bénédiction pour les médias et la classe politique !Après tous les mensonges et les prévisions apocalyptiques sur le Brexit pendant plus de 3ans, la GB ne s’est pas enfoncée dans l’océan, elle n’a pas fait faillite, les Britanniques n’ont pas quitté l’île dans des boat people pour demander asile politique et économique à la France...
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    C’est Waterloo morne plaine, pour les européistes.
    Et pire, Johnson a publié son programme législatif, une horreur !
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    Fin de l’austérité, priorité aux services publics, à la santé, 40 hôpitaux à construire, fin de l’immigration de masse, budget en hausse pour l’éducation & la recherche, + 6% de hausse des salaires, réforme de la BBC pas assez objective, la PAC vers le bio... . Le chômage est à 4% ! Un vrai désastre, non ?

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    Utiliser la PAC directement au niveau national, et l’orienter vers le bio, c’est ce que la GB va faire : « UPR-En route vers le green Brexit ! »

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    Le programme de Johnson donne des sueurs froides à qui les compare avec les réformes imposées par Bruxelles ! Alors, parlons de la retraite à points et pas des bienfaits du Brexit. Le Brexit a disparu des écrans radars et du PAF !
    Ouf ! Parlons d’autre chose...


  • Captain Marlo Fifi Brind_acier 9 janvier 2020 10:51

    Depuis le virage nié de 1983, la France est entrée dans une longue séquence, champ contre-champ, droite gauche, et aspirée dans une spirale de régression sociale continue à la suite du libéralisme triomphant de Margaret Thatcher...

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    L’auteur a t-il pris la peine depuis 70 ans de lire le Traité de Rome ? Toute l’ Europe d’aujourd’hui est contenue dans le Traité de Rome. La mondialisation, la liberté de circulation pour le capital, le libre échange, tout ça est déjà dedans ! Les Traités qui ont suivi ne seront que des déclinaisons.

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    Voici ce que disaient le PCF et la CGT du Marché commun dans les années 50, analyse prémonitoire !

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    L’Europe actuelle est supranationale et néolibérale, ce qui signifie que les décisions sont prises par la Commission européenne, élue par personne ; que le capitalisme est très content de voir disparaître le modèle social du CNR ; et que les peuples n’ont qu’à la boucler.

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    Allons direct à Macron : Macron ne décide de rien du tout. Il suit point par point les feuilles de route de Bruxelles, en application des Traités néolibéraux que la France a signés, en particulier le Pacte de stabilité et de croissance de la zone euro.

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    Feuille de route 2017/2018

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    Feuille de route 2018/2019

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    Feuille de route 2019/2020.

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    Point n° 15 : La réforme prévue du système de retraite pourrait aider à alléger la dette publique à moyen terme et réduire ainsi les risques pesant sur sa soutenabilité.

    L’équilibre budgétaire du système de retraite dépend fortement des hypothèses macroéconomiques.

    Selon le tout dernier rapport annuel du Conseil d’orientation des retraites, les dépenses de retraite représentaient 13,8% du PIB en 2017 ;

    Elles devraient en représenter 13,5% en 2022, avant d’évoluer dans une fourchette comprise entre 11,6% et 14,4% à l’horizon 2070, suivant le taux de croissance retenu pour l’évolution dans le temps du PIB et de l’emploi.

    Plus de 40 régimes de retraite coexistent en France. Ils concernent des catégories de travailleurs différentes et fonctionnent selon des règles qui leur sont propres.

    Un projet de loi, attendu avant la fin de l’année, devrait uniformiser progressivement les règles de ces régimes, en vue de simplifier le fonctionnement du système de retraite, notamment pour améliorer sa transparence, son équité et son efficacité."

    .

    PS : Macron n’a aucun compte à rendre aux français, par contre, il doit rendre des comptes aux Institutions européennes de la bonne application des ordres donnés.


  • Garibaldi2 9 janvier 2020 11:14

    Puisque les dauphins sont des rois
    Que seul le silence s’impose
    Puisqu’il revient à qui de droit
    De tenter les métamorphoses
    Puisque les révolutions,


    Se font maintenant à la maison
    Et que lorsque le monde implose
    Ce n’est qu’une nouvelle émission
    Émission

    Il est temps à nouveau
    Oh temps à nouveau
    De prendre le souffle à nouveau
    Il est temps à nouveau
    Oh temps à nouveau
    De nous jeter à l’eau

    Puisque ce n’est plus qu’un système
    Et sa police américaine
    De monde meilleur on ne parle plus
    Tout juste sauver celui-là, celui-là

    Eh ! Il est temps à nouveau
    Oh temps à nouveau
    De prendre le souffle à nouveau
    Il est temps à nouveau
    Oh temps à nouveau
    De nous jeter à l’eau
    De nous jeter à l’eau

    Puisque je suis mon aquarium
    Moi le poison, moi le poisson
    Changé en homme

    Il est temps à nouveau
    Oh temps à nouveau
    De prendre le souffle à nouveau
    Il est temps à nouveau
    Oh temps à nouveau
    De me jeter à l’eau
    Oh temps à nouveau

    Paroles et musique de Jean-Louis Aubert

    Si tous les Français salariés n’ont pas la possibilité de faire grève, ils peuvent cependant descendre dans la rue samedi prochain pour manifester leur désapprobation de la politique de Macron. 4 millions de personnes dans la rue ce serait un message incontournable. Mais ils seront plutôt 4 millions à courir les soldes !

    En 1943, tous les Français n’avaient pas ma possibilité d’être résistants, mais rien ne les obligeait à aller applaudir le maréchal qui venait de valider les lois antisémites et la création de la Milice.

    Samedi prochain je serai dans la rue. A chacun ses priorités.


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