Une conférence de presse vue de l’intérieur...
Et voilà, un petit rédacteur d’AgoraVox est invité à assister à la conférence de presse de Bertrand Delanoë, pendant laquelle ce dernier lance sa campagne électorale pour les municipales 2008. Comment se passe une conférence de presse ? J’ai envie, ici, de vous relater ce moment particulier, cet exercice médiatique obligé. Comment je l’ai vécu, de l’intérieur.

Depuis plusieurs semaines, j’ai établi des contacts avec l’équipe de campagne de Bertrand Delanoë afin d’avoir la possibilité de suivre la campagne des municipales en ayant d’autres sources d’info que la presse écrite ou audiovisuelle. Après une bonne dose de culot pour trouver les contacts idoines, le reste a été simple : la simple mention d’AgoraVox.fr ouvre désormais bien des portes, ou des oreilles en l’occurrence.
Jeudi dernier, je reçois un mail m’invitant à demander une accréditation pour la conférence de presse de Bertrand Delanoë. Une accréditation ? Wow, ça c’est la grande porte ! Bon, après les 30 secondes de pure jubilation, vient un long, long, long moment de questionnement : je ne suis pas journaliste professionnel, je n’ai aucune idée de la manière dont se passe une conférence de presse, je n’ai pas de talents innés pour la dactylo... Comment prendre des notes ? Dois-je préparer des questions, juste au cas où ?
Bref, sans être l’angoisse, je sens bien que je franchis là une étape, un cap. Rédacteur sur AgoraVox, sans doute, mais je vais devoir être encore plus sérieux et concentré que pour les autres papiers. J’ai donc épluché le site de paris.fr, le site de campagne de Bertrand Delanoë, suivi avec attention l’actualité politique récente, noté tout ce qui pouvait avoir un rapport, de près ou de loin, avec Paris et les municipales.
Ce matin, j’avais donc rendez-vous hier à 11h dans le 3e arrondissement de Paris, juste derrière la Mairie, dans un café. Dans le métro qui m’y amène, je revise mentalement mes notes et sujets d’intérêt. Sur place, le choc est intense. La conférence commence, et une foule dense s’agglutine devant la porte d’entrée où les membres de l’équipe vérifient que chaque nom est sur la liste magique. Le mien y figure ? Ouf. Une fois à l’intérieur, on me donne rapidement un badge, le projet de Bertrand Delanoë en version complète sur 70 pages, une version abrégée sur une petite dizaine de feuilles A4, et un CD-ROM. Moderne...
Je me glisse dans la salle où le maire de Paris vient de commencer son allocution. L’endroit est petit, le rez-de-chaussée est littéralement trusté par une forêt de caméras sur pattes, plantées devant le podium. Ben oui, les caméras, c’est la télé. Enfin, LES chaînes de télévision. Même télé-sarko est là, arborant fièrement son sticker LCI. C’est dire...
Je me réfugie au premier étage, sur la mezzanine où je peux trouver un coin pour prendre des notes, à défaut de voir. Car là aussi, c’est caméras et appareils photo. D’ailleurs, c’est marrant, certaines sont placées juste au-dessus de Bertrand Delanoë. Les téléspectateurs de ces chaînes-là vont voir un crâne qui parle ? Tout ceci est irréel, totalement incongru. Drôle, un peu. Intimidant ? Oui, intimidant, c’est vrai.
La conférence se déroule sans accrocs. Bertrand Delanoë est un familier de l’exercice, cela se sent. Il déroule son projet avec aisance, la parole est fluide, tranquille, enthousiaste parfois. Déterminée et convaincue toujours. Pour l’essentiel, il parle de ce qu’il veut faire, s’appuyant sur un bilan assez flatteur pour qu’il fasse même état de quelques anicroches et échecs mineurs. A chaque sujet, je prends des notes devant chaque point listé sur le programme version courte pour compléter les infos dont tout le monde dispose.
Pourtant, je remarque que somme toute, peu de gens présents font de même. Beaucoup écoutent, l’air concentré ou blasé. Comment font-ils ? Ils ne sont sans doute pas tous journalistes, mais bon, ceux que le badge identifient, que font-ils ici, à déambuler nonchalamment ? C’est vrai, ils auront le matériel de campagne, mais pour le reste ? Pas de chiffres notés fébrilement ? Pas de citations à caser dans leur papier ?
Et, peu à peu, je commence à comprendre. Tout ici est fait de façades et de masques. Les journalistes n’ont que faire de ce que dit le candidat. D’ailleurs, Bertrand Delanoë ne s’y trompe sans doute pas. Ce n’est pas à nous journalistes - et rédacteurs agoravoxiens - qu’il s’adresse, au fond. Nous ne sommes que des vecteurs. Nous sommes là pour le compte d’autres. Nous sommes ici pour nos lecteurs, auditeurs, spectateurs. Et c’est à vous, eux, que Bertrand Delanoë parle.
Ceci explique sans doute la nonchalance des journalistes présents. Leur air blasé, ou indifférent. Ici, ce n’est pas un meeting de campagne, avec un public à convaincre ou à chauffer à blanc afin qu’il le fasse autour de lui. Dans le meilleur des cas, les journalistes restent neutres, silencieux. Quand un propos fuse à mi-voix, c’est de façon désabusée - parfois féroce.
La conférence s’achève. Très peu de questions. De toute façon, Bertrand Delanoë n’est pas là pour se lancer dans les polémiques et les combats de campagne. Dans ce "Tour de Paris" de deux mois, aujourd’hui, c’est le prologue. Tant pis pour mes révisions ! Il sort, toujours entouré de la horde de caméras sur pattes, pour aller poursuivre les choses de manière plus informelle au local du PS voisin. Je n’y ai pas ma place, je crois. Je rentre chez moi, pour réintégrer mon dimanche, un dimanche comme celui de tout le monde. Avec juste des devoirs à faire.
Voilà. Vous trouverez dans tous les quotidiens, flash radios, JT de 20h un résumé du projet de Bertrand Delanoë. Pour ma part, je vais prendre un peu de temps pour le lire attentivement, fouiller certains points, les mettre en perspective, faire un travail de fond. Délivrer une info différente. Cela demande du temps, des recherches, des vérifications. Mais, promis, je vous en reparlerai. Car, moi aussi, je suis là pour rendre compte. Et informer ? Oui, sans doute. Mais comme rédacteur d’AgoraVox.fr. Car, malgré mon badge d’accrédité, je ne suis pas journaliste. Pas encore...
Manuel Atréide