Une vision de la retraite à l’opposé de celle des syndicats
Commençons par remarquer une chose qui me semble fondamentale. La retraite, n’en déplaise aux syndicats, est une assurance de fin de fin de vie où « les vieux » sont à la charge des jeunes, dans un système de solidarité intergénérationnel, et ce système est collectif pour que chaque vieux ne soit pas à la charge de ses enfants individuellement. C’était cela l’esprit initial du législateur. A aucun moment il n’avait été question, même pas en pensée, de transformer cela en une colonie de vacances d’une durée minimale moyenne de 20 ans aux frais de la collectivité, ce qu’est objectivement devenu le système, puisque l’on part officiellement aujourd’hui à la retraite à 60 ans et l’on meurt en moyenne à 80 ans. J’accorde à ceux qui vont d’ores et déjà aboyer que les dernières années de vie peuvent être pénibles, mais je me dis raisonnablement que ce ne sont pas les 20 dernières années, encore une fois en moyenne, qui sont pénibles dans leur totalité. Par ailleurs, je remarque aussi que le départ à 60 ans que j’ai pris en compte est particulièrement optimiste puisque dans la réalité, environ les deux tiers des salariés partent avant.
Je me risquerai, quitte à passer pour un affreux réactionnaire, à penser, peut-être à la manière de certains écologistes, que seuls les systèmes qui ne sont pas trop antinaturels peuvent survivre sur le long terme. Or, le naturel, pour citer une référence culturelle importante, se trouve dans le fameux « tu gagneras ton pain à la sueur de ton front » de la Bible. Il est naturel que l’homme travaille et seule une forme de compassion humaine et un esprit de solidarité peuvent amener les jeunes à prendre à leur charge le fardeau, à condition toutefois que la prise en charge de ce fardeau soit justifiée. Au nom de quoi, alors, justifierait-on que l’on doive s’arrêter de travailler à 60 ans ? Si, clairement, certains le doivent pour raisons de santé, bien objectivement, la grande majorité ne le doit pas. Et cela « plombe » notre société en instillant un état d’esprit délétère qui, au final, dévalorise le travail. Par ailleurs, décider de la mise en retraite d’une personne qui a encore du potentiel de travail, c’est refuser une richesse dans notre société. Est-on suffisamment riche collectivement que l’on refuse cette potentielle richesse ? Par ailleurs, en général, la cessation d’activité se fait brutalement. Ne pourrait-on pas imaginer une cessation progressive, tenant compte des capacités, pour l’essentiel physiques, de chaque personne ? Bref ! On ne voit guère dans le raisonnement syndical une réflexion réellement profonde de ce qu’est la retraite, de pourquoi il faut la mettre en place et comment il faut l’organiser. Cela ne disculpe hélas pas les gouvernants qui ne proposent guère d’alternative qu’une gestion purement comptable au jour le jour (qui peut croire que cette réforme suffira d’ici 10 ans ?).
Il est enfin un problème sous-jacent lié au discours syndical que je voudrais ici vivement critiquer. Il ne se passe pas un jour sans que les syndicats, en général relayés par des médias complaisants, ne versent leur larme de crocodile sur ceux qui ont commencé à travailler jeunes et qu’il faudrait laisser partir plus tôt. Eh bien ! Là, je vais dire non ! Ceux qui disent cela accréditent l’idée que pendant que l’on fait ses études on est en vacances ! Je dis non ! Ceux qui font des études travaillent. Pis, ce sont eux qui, le jour venu, amèneront la plus grande valeur ajoutée à l’activité globale de notre pays et ce sont ceux qui n’auront pas fait d’études qui, vivant en France, bénéficieront d’un niveau de vie à l’occidentale alors que leur qualification les prédestinerait plutôt à un niveau de vie du type chinois ou indien. Pis encore, lorsque Tony Blair a rendu les études supérieures payantes en Grande Bretagne, 3000£/an, une enquête a été faite et a montré qu’un diplômé britannique ne gagne dans sa vie, en moyenne, que 160 000€ de plus qu’un non diplômé. Si l’on déduit de cela le coût des études (5 ans) auquel il faut ajouter l’absence de revenus pendant cette période, sans compter les soucis, si l’on ajoute le fait qu’un diplômé va, en moyenne, travailler 50h/semaine, contre 37h (en UK) pour un non diplômé qui pourra alors bricoler plus facilement dans sa maison par exemple et aura donc moins de frais, etc., on arrive alors à une équation qui n’est pas celle que nous comptent les syndicats. Oui, il doit y avoir un avantage à faire des études et oui faire des études constitue à la fois un coût, des sacrifices et du travail.
Alors de grâce, mesdames et messieurs les syndicalistes, réfléchissez avant de raconter n’importe quoi. L’équité, avant de se jouer entre travailleurs du même âge se joue entre jeunes et vieux. Comment quiconque est encore valide peut-il se regarder dans une glace s’il est totalement à la charge de la collectivité ? Quand bien même il aurait mérité, quand bien même il aurait accompli dans sa vie ou sa carrière des exploits, pourquoi pourrait-il rançonner ses successeurs sur cette terre et au nom de quelle morale supérieure ?