lundi 14 décembre 2009 - par Napakatbra

Vers une dépénalisation des affaires politico-financières...

Comment réduire le nombre des affaires politico-financières qui empoisonnent la vie de notre beau pays, quand les Chambres régionales des Comptes chargées d’enquêter sont déjà surmenées ? La réponse du gouvernement est claire : en les supprimant. Pas de bras, pas de chocolat !

Le 17 novembre 2009, pour la première fois en 27 ans d’existence, les 320 magistrats des 22 chambres régionales des Comptes se sont (discrètement) mobilisés pour une journée de grève nationale. En cause, le projet de réforme prévoyant la suppression des 22 Chambres régionales des Comptes. Depuis 1982, ces institutions contrôlent toutes les organisations bénéficiant de la manne publique : mairies, conseils généraux, régionaux, associations, sociétés mixtes... Entre 200 et 250 milliards d’euros de dépenses sont ainsi contrôlés, tous les ans, représentant près de 70% de l’investissement public en France. Une broutille.

Je modernise, tu modernises, il dépénalise...

Lancé en 2007 par Nicolas Sarkozy et adopté le 28 octobre dernier en Conseil des ministres, le projet de loi prévoit une refonte totale du système : les 22 chambres indépendantes seront remplacées par une grosse poignée de chambres interrégionales comprenant dans leurs rangs des élus et des "représentants des ministères", et chapeautées par la direction de la Cour des Comptes (nationale), qui n’a aucun moyen de sanction ni de pression. Attention les yeux...

Les ministres épargnés

L’objectif de cette réforme est simple. Sur un air maintes fois entendu, il s’agit de "réorganiser", d’"optimiser" et de "moderniser" le système de contrôle des responsabilités financières personnelles des dirigeants politiques. L’alléger, aussi, puisque les ministres en seront dispensés et que les compétences des institutions se limiteront dorénavant aux collectivités de plus de 5000 habitants et à tout organisme (public ou mixte) dont les recettes dépasseront les 3 millions d’euros. De fait, le nombre d’organisations contrôlées passerait de 40.000 à... mois de 10.000 ! Et le nombre de magistrats serait réduit de 20 à 30%, remplacés dans un premier temps par des contrôleurs privés, rémunérés par les organismes. Un véritable paradis pour politiques peu scrupuleux.

"Un soupçon de pusillanimité"

La responsabilité des dirigeants ne pourrait en outre être engagée que si la faute intentionnelle est prouvée et que l’élu a donné un ordre écrit. Même Philippe Seguin trouve la ficelle un peu grosse : selon lui, ce projet fait naître un "soupçon de pusillanimité [dû à un] système doublement contestable. Les ministres demeurent ainsi en dehors du champ rénové de responsabilité des gestionnaires publics. Quant aux gestionnaires locaux, les conditions mises à l’engagement de leur responsabilité sont tellement formalistes qu’on peut se demander si la réforme envisagée aura une portée pratique". On ne saurait être plus clair...

Autre implication, les Chambres interrégionales perdront leur indépendance. Une mise sous tutelle loin d’être neutre : la nomination de leur président, l’organisation du travail, l’évolution des carrières seront décidées par le président de la Cour des Comptes... nommé en Conseil des ministres. Conformément aux règlements en vigueur, le chef aura aussi tout loisir de publier ou non les enquêtes de ses ouailles.

Traitement sur ordonnances

Quant à l’avenir, le gouvernement se réserve le droit exclusif de vie et de mort (professionnelle) sur les membres de l’institution, se laissant la possibilité de légiférer par "ordonnance" quand bon lui semble. Ainsi les mutations et d’autres sujets touchant à l’organisation générale de la cour des Comptes échapperaient à un vote du parlement. Un magistrat se montre un peu trop curieux ? Hop, une ordonnance et il se retrouve muté d’office en Terre Adélie, ni vu ni connu j’t’embrouille. "Un affaiblissement progressif et inéluctable du contrôle" des collectivités territoriales, selon la syndicat des juridictions financières (SJF, majoritaire). Le Parlement devrait se saisir du projet de loi début 2010...

Toute ressemblance avec la suppression du juge d’instruction ou le démantèlement de la DGCCRF ne serait que pure coïncidence, bien entendu...

La suite à suivre, sur "Les mots ont un sens" (ou pas)...



9 réactions


  • Daniel Roux Daniel Roux 14 décembre 2009 10:53

    La main mise du pouvoir exécutif sur le législatif et le judiciaire n’est pas une nouveauté dans la Vème république. C’est l’usage qui en est fait et la dérive mafieuse qui pose problème.

    Une fois de plus nous voyons les résultats de la main mise d’un homme sur tous les pouvoirs, les nominations, les corps constitués. Ce n’est plus une surprise, c’est la poursuite du coup d’état.

    Il n’y aura pas de soulèvement populaire d’ici 2012 car le peuple, lui, reste démocrate. Il ne reste qu’à attendre les prochaines élections en espérant que les machines à (truquer) voter ne soient pas généralisées.

    La question est :

    - Où sont les soit-disant contre pouvoirs républicains ?
    - Que propose l’opposition pour réduire le pouvoir excessif du Président de la République ? Quelles réformes constitutionnelles s’engage t-elle à faire pour remettre la démocratie sur pied ? 


    • daryn daryn 14 décembre 2009 14:22

      Plus que d’une réforme constitutionnelle, ce dont notre pays a besoin me semble-t-il, c’est d’avancées vers une démocratie de plein exercice. Les propositions en ce sens du Mouvement Démocrate figurent notamment dans le Projet Humaniste, en section 5 (Démocratie) et plus particulièrement 5.1 (Affirmer la séparation des pouvoirs) et 5.2 (Rendre à la justice son indépendance).


  • Serge Serge 14 décembre 2009 11:04

    Si le pouvoir d’achat,le gagner plus,le social, etc...dont le calife abreuve « la France d’en bas » dans ses discours reste au niveau du virtuel...ses riches amis ( une poignée de requins ! ) par contre sont entièrement satisfaits du serviteur zélé qu’il est pour la défense de leurs privilèges !

    Rappelez-vous...Jouy-en- Josas...30/08/2007...université ( sic ! ) d’été du Medef...Sarkozy ovationné par les patrons...il vient de déclarer...

    « LA PENALISATION DE NOTRE DROIT DES AFFAIRES EST UNE GRAVE ERREUR ;JE VEUX Y METTRE UN TERME. »

    Nous y voilà concrètement !


  • cimonie raoul 14 décembre 2009 13:45

    Excellent résumé d’une partie de la volonté politique de nos gouvernants actuels. On va vers une dérèglementation totale. On officialise les petites magouilles, les petites corruptions, on ferme les yeux sur les petits pots de vin, la petite délinquance financière va pouvoir s’épanouir. Il lui suffira de se diviser suffisamment pour rester discrète afin d’échapper à tous contrôles. 


  • patroc 14 décembre 2009 14:18

     Très bon article !..


  • fwed fwed 14 décembre 2009 16:56

    Très bon article sur un sujet essentiel.
    Merci beaucoup napakatbra (mais au moins une cervelle)


  • ddacoudre ddacoudre 14 décembre 2009 17:53

    bonjour napakatbra

    le président poursuit inexorablement, le libéralisme le plus sauvage qui soit, il veut donner le pouvoir politique au président élu et réduire l’état au seul service des principes régaliens moins celui d’émettre monnaie. faire de l’état une grande entreprise aux services des entreprises.

    cordialement.


  • fhefhe fhefhe 15 décembre 2009 04:27


    Qui est voyou..... ???
    —Machines à sou dans les bars remplacés par les Rapido...
    —Ventes autorisées de poisons (cigarettes) taxées à 80 %...(je suis fumeur !)
    —Sang contaminés : Responsables MAIS pas Coupables....
    —Légalisation des taux « usuriers » des officines de crèdits « Revolver »....
    —Non poursuite judiciare pour le Prèsident en excercie...
    —Si je suis Prèsident je peux dire « Casse Pauvre con » mais si je brandis une pancarte sur laquelle est inscrite la même phrase, lors d’un déplacement du Président , poursuite judiciare...
    La liste serait trop longue pour énumérer les exemples de la « Voyoucratie » qui nous gouverne....
    L’Etat a des armes Redoutables , pour tuer à petit feu ses administrés ,
    1— Le fusil à Cartouches-Taxes ( de 0,001% à 19,6 % de poudre pour l’ensemble des citoyens)
    2— Le Code Pénal , écrit par des Hommes et ,.même si l’erreur est humaine , les Merdias et bon nombre juges font fi de la présomption d’innocence
    3— Le fusil à balles anesthésiantes tirées par les journalistes dont les groupes de presse sont « sponsorisés » par les Parrains de l’Industrie...

    Qui est voyou ????
    Celui qui est au dessus des Lois ?, celui qui les rédige et les fait valider par ses pairs ? , celui qui crée des nouvelles taxes pour assurer son train de vie ( comme s’acheter à NOS frais un Airbus ) ?
    Celui qui dort à l’Elysée ou dans un quartier de Haute Sécurité ?
    Celui qui a été élu ?

    En 2012 ...nous changerons de Parrain , de nouvelles Taxes et Lois naîtront et une poignée d’affranchis seront toujours au dessus des lois...pour qui seul le Crime Paie !!!!!




  • Marcel Chapoutier Marcel Chapoutier 15 décembre 2009 15:16

    .  Le projet de réforme supprimant les Chambres régionales des Comptes + la dépénalisation du droit des affaires + la suppression annoncée de la Brigade Financière + la suppression du juge d’instruction constituent une régression sans précédent de la démocratie. La Sarkosie organise une impunité totale de la classe politique et des grands patrons de multinationales et du Medef...Ces « réformes » sur mesure sont le signe d’une orwellisation de la société française en toute discrétion. On constate que peu de médias font la somme de ces « changements » qui élimineront toute possibilité de mises en cause de la classe dirigeante. Plus d’affaire Elf, plus d’affaire de l’amiante, plus d’Angola gate, plus d’affaire des HLM de Paris, plus de Carignon, Balkany & cie pris les mains dans la caisse etc...

    Liste des affaires politico-financières : http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_d’affaires_politico-financi%C3%A8res_fran%C3%A7aises

     


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