mercredi 19 août 2015 - par J.MAY

Vive l’Azawad libre !

Lors du déclenchement de l'opération "Mali" j'écrivais, début 2013, à contre-courant de l'enthousiasme "populaire" dominant et des dithyrambes médiatiques :

"L'intervention rapide de la France devant le délitement de l'armée malienne et l'avancée foudroyante des islamistes vers le sud peut se justifier. Pour autant, je ne pense pas qu'il faille lui accorder une adhésion aveugle et inconsidérée.

Retenons avant tout de cette guerre qu'elle fait l'objet d'une formidable campagne de "désinformation de masse", qui vise à faire passer une intervention aux multiples origines et aux multiples motifs, pour un simple combat contre le "danger islamiste".

Il faut la replacer dans le contexte historique de l'esclavagisme, puis dans celui de la colonisation, des frontières héritées de la décolonisation, de la politique dite de la FrançAfrique, et de la préservation des intérêts économiques des puissances occidentales.

Avant d'applaudir à la "campagne du Mali" comme on applaudissait à la campagne de Libye en ses débuts, il serait préférable de se documenter tant soit peu sur les raisons qui ont poussé une partie des Touaregs à se jeter, en désespoir de cause, dans les bras des islamistes.

Actuellement, toute la classe politique fait consensus et approuve avec vigueur l'engagement de la France au Mali. Les médias contribuent d'ailleurs à conforter l'enthousiasme belliciste de l'opinion publique et se font les chantres de l'intervention.

Il n'est pas inutile cependant de considérer : 

- que le régime malien n'est pas un parangon de démocratie, tant s'en faut.

- que la France continue à privilégier les dirigeants de la "Françafrique" (et pas obligatoirement les populations noires) au détriment des populations de l'Azawad.

- que la plupart des commentateurs assimilent les Touaregs à des arabo-musulmans, alors que ce sont des berbères islamisés.

- que depuis des décennies les droits élémentaires des Touaregs sont ignorés, voire bafoués, avec la bénédiction de l'ancienne puissance coloniale.

La situation des Touaregs ressemble (même si comparaison n'est pas raison) à celle des Kurdes : ils constituent un peuple en quelque sorte "partagé" entre plusieurs États. J'emploie à dessein le mot État, pour le distinguer de celui de Nation.

Il est bien évident que les dirigeants noirs de la FrançAfrique chercheront à "torpiller" toute alliance avec les Touaregs, de crainte de voir ces derniers bénéficier ultérieurement des dividendes de leur appui, notamment au niveau de la revendication d'autonomie de l'Azawad.

Il est navrant de constater que ceux là-mêmes, parmi les Noirs, qui dénoncent la colonisation et les méfaits du néo-colonialisme, pratiquent à l'égard de leurs minorités, qu'ils déconsidèrent, un "centralisme" de type jacobin, et leur dénient le droit à l'existence en tant qu'entité à tout le moins autonome.

Si l'affrontement entre Touaregs arabo-berbères et peuples noirs doit être replacé dans son contexte séculaire (esclavagisme des arabo berbères), pour autant, il ne légitime pas la négation du droit des Touaregs à s'autodéterminer, et à disposer de leur territoire ancestral, rattaché artificiellement au Mali lors de la colonisation puis de la décolonisation.

Enfin, à ceux qui répètent à l'envi que les populations noires ont eu à subir de la part de leurs voisins du Nord les terribles exactions de la "traite" , nous rappellerons qu'elle fut également, à travers le continent africain, organisée par des chefs de guerre et des roitelets issus d'ethnies noires.

 

Cf. pour plus amples développements : blog " u zinu" - Article : "Mali. Désinformation de masse" http://www.wmaker.net/u-zinu/

 



6 réactions


  • leypanou 19 août 2015 10:42

    Bel article succint et clair qui donne un point de vue complètement escamoté par les MSM.


    • J.MAY MAIBORODA 19 août 2015 11:41

      @leypanou


       Merci. Je ne serais d’ailleurs pas chagriné outre mesure s’il était complété et enrichi, voire même « amendé » par des apports intelligents et mesurés.

  • Scuba 19 août 2015 14:25

    Il est clair que de nombreux problèmes conflits actuels en Afrique sont dus au fait que les frontières des pays ne correspondent pas à une réalité ethnique ou nationale, mais sont issus des décisions des anciens colonisateurs.


  • Elliot Elliot 19 août 2015 14:29

    Un article très fouillé : j’en retiens aussi une nouvelle leçon de philosophie appliquée sur les ressorts qui transforment les opprimés en oppresseurs, donc sur ce facteur qui pollue tout dans les relations internationales, l’esprit de revanche quand ce n’est pas l’esprit de vengeance et au reste on ne sait jamais trop bien lequel est subordonné à l’autre.

    Il est vrai aussi qu’à partir du moment où un mouvement de libération - à qui la realpolitik est manifestement interdite - choisit de ou se résigne à nouer des alliances avec des mouvements islamistes, le formatage manichéen ( qui nous sert de boussole ) le rentre inéluctablement dans la case du mal.

    En complément je voudrais ajouter que - ceux qui répètent à l’envi que les populations noires ont eu à subir de la part de leurs voisins du Nord ( génériquement nommés arabes ) les terribles exactions de la « traite » - sont aussi et surtout ceux qui chantent chez nous les bienfaits de la colonisation et minimisent le rôle de la France dans la traite négrière. Ils se cachent derrière le paravent de la culpabilité des autres pour s’exonérer eux-mêmes d’être les héritiers d’un passé indigne et s’affranchissent volontiers de leur responsabilité historique. 

    C’est ce classique qui veut que la culpabilité des malheurs de l’occupation incombe à Pétain et que la France aussi unanime qu’éternelle fut résistante.

     


    • J.MAY MAIBORODA 19 août 2015 17:22

      @Elliot


      C’est toujours un plaisir de vous lire , Elliot.
      D’autant que votre maniement de la langue française est largement plus élaboré que celui des « forumistes » ordinaires, surtout lorsqu’ils se prévalent de leur « francité » (ou « francitude ») à grand renfort de cocoricos.
      Vous me direz qu’ils ont tout loisir de « jouer avec les étoiles » à défaut de pouvoir vous opposer une argumentation digne de ce nom ou de rivaliser avec vous en termes d’écriture.

    • Elliot Elliot 19 août 2015 17:44

      @MAIBORODA
       Vous allez encore vous attirer une volée de bois vert ! 

      Je dois dire que j’ai du mal à suivre la logique des étoiles. 
      Un système simple, d’accord - pas d’accord, me semblerait plus rationnel.
      Il ne me viendrait pas à l’idée de trouver mauvais un article qui ne correspond pas à ma sensibilité : que je le juge intéressant ne signifie pas que j’adhère aux arguments qu’il développe et un autre peut défendre très mal une cause dont je me sens proche.
      Dans le premier cas, si je le trouve intéressant et l’ « étoile » en conséquence , on en déduit que j’acquiesce et dans le second, si je le trouve nul, que je suis contre. 
      Bref ce système est tout sauf satisfaisant : pour éviter toute interprétation abusive, je ne vote donc que pour ceux qui sont à la fois intéressants à mes yeux et avec lesquels je suis d’accord.


Réagir