jeudi 22 mai 2008 - par ÇaDérange

Vocabulaire et... signification

Les mots, vocables et expressions diverses que les hommes politiques, les médias et nous-mêmes utilisons évoluent régulièrement, en général du mot ou de l’expression la plus simple vers un mot ou une expression plus compliqué, un peu comme s’il existait une course au scoop dans ce domaine-là également. Derrière cette évolution, peut aussi se cacher une évolution de leur signification liée à une conception politique ou sociale des choses qui évoluent avec le temps et les grandes tendances de la société. Voici quelques mots ou expressions et ma compréhension de leur signification d’aujourd’hui.

Dysfonctionnements : voilà un mot devenu courant, pas nécessairement compris par tous (on ne vous l’apprend sûrement pas à l’école). Je l’ai rencontré de manière frappante l’autre jour à l’accueil de la gare du Nord alors que je découvrais que le train pour lequel j’avais pris un ticket sur internet, que j’avais imprimé sur une borne automatique le jour précédent dans cette même gare, n’existait pas. Il avait été supprimé pour cause de travaux sur cette ligne prévus de longue date puisque la SNCF avait même fait imprimé des prospectus que vous pouviez trouver en cherchant bien à l’accueil. Explication de l’employé en poste à l’accueil : ce sont des dysfonctionnements ! Comme si le seul mot de dysfonctionnement le libérait de la charge sur ses épaules de l’erreur humaine commise à la SNCF. Et comme s’il l’exemptait d’ailleurs de trouver une solution ! Et effectivement dysfonctionnement a un parfum de responsabilité de la hiérarchie. Pour un peu, c’est le PDG de la SNCF qui serait le responsable de cette erreur. Autres exemples : perte du flacon d’ADN de Bruno Cholet ? Un dysfonctionnement. Outreau ? Une combinaison (toujours malheureuse) de dysfonctionnements. Mise en liberté d’un condamné pour faute de procédure ? Dysfonctionnement.
Peut-être faudra-t-il réhabiliter un jour l’erreur simple, compréhensible par tous et appeler un chat un chat ?

C’est la faute à l’Informatique ! : voilà une expression qui aura tellement servi qu’elle est usée jusqu’à la corde. Et qui en plus est totalement fausse. Car l’informatique n’est que le passage ou non dans un atome de silicium d’un courant qui définit le 1 et le zéro sans aucune possibilité d’erreur. Tout le reste est programmation humaine qui permet, à partir de ce phénomène physique simple et fondamental à la matière, le passage ou non d’un courant, de faire faire par des batteries d’atomes de silicium un travail qui devient de plus en plus complexe. Par contre, l’erreur de l’informatique à laquelle se réfère l’expression ci-dessus n’est qu’une erreur humaine, du programme lui-même et du programmateur ou bien de l’utilisateur de ces programmes qui peut se tromper dans l’utilisation des commandes à sa disposition. Le développement de l’informatique personnelle aura permis à tout un chacun de se rendre compte petit à petit de ce que la machine marche toujours et que c’est toujours l’erreur humaine qui prévaut. Une expression à passer à la trappe.

Responsable mais pas coupable : une expression créée à l’époque du scandale du sang contaminé par la ministre de la Santé et/ou la patronne de la Croix-Rouge, Georgina Dufoix, pour expliquer qu’elle se sentait responsable de ce scandale, mais qu’elle ne s’en sentait pas coupable. Une expression qui avait fait scandale immédiatement tant est fort en France ce besoin de trouver un bouc émissaire et de mettre un nom sur... le coupable providentiel que l’on va pouvoir vouer aux gémonies et que l’on espère voir durement sanctionné. Très humblement, j’ai fait partie à l’époque de ceux qui avaient trouvé cette expression inacceptable. Depuis, j’ai eu l’occasion d’exercer des responsabilités qui m’ont amené à passer en justice au pénal à la demande de gens que je n’avais jamais rencontré et pour avoir signé tel ou tel papier que présentait à ma signature tel ou tel de mes directeurs. J’ai compris à cette occasion la nuance entre être responsable et être coupable personnellement.
Si j’en reparle aujourd’hui, c’est que le cas de M. Bouton attaqué publiquement au plus haut niveau de la République est un autre exemple de dichotomie entre responsable et coupable. M. Bouton n’a pas été coupable du détournement effectué par M. Kerviel, mais il en a été jugé responsable. Une expression donc qui avait bien du sens (mea culpa Mme Dufoix) et qui en prend peu à peu dans l’esprit des Français (du moins j’espère).

Gouverner c’est prévoir : une expression qui fait partie de la culture française et dont pourtant on s’aperçoit, dans le domaine politique en particulier, qu’elle ne correspond pas à grand-chose. On a toujours l’impression que nous découvrons les problèmes, parfois des problèmes graves et que bien sûr on va prendre des mesures pour les corriger. Il semble parfaitement admis dans notre culture collective que l’on puisse découvrir les problèmes et commencer à les résoudre sans avoir la moindre responsabilité dans l’absence de prévision qu’impliquerait pourtant l’expression ci-dessus. Peut-être faudrait-il réhabiliter cette expression et recommencer à demander des comptes à ceux qui se contentent de réagir après coup ?

De plus en plus ou de moins en moins : une des expressions les plus utilisées et la plupart du temps sans la moindre documentation qui permette à ceux qui l’utilisent d’en fournir le début de commencement de la preuve. Combien de fois entendons-nous par jour dire que tel ou tel phénomène est de plus en plus fréquent ou que tel ou tel autre est de moins en moins ceci ou cela ? C’est vrai de tout, mais là où le bât blesse, c’est que ce jugement qui se veut quantitatif est la plupart du temps basé sur des impressions personnelles et pas sur des réalités mesurables. Or, c’est sur des expressions de ce type que se construit l’opinion publique. Et ce sont ces vocables qui servent éventuellement à la manipulation de cette opinion.
Il ne sera jamais possible de limiter l’utilisation des si pratiques "de plus en plus" ou "de moins en moins". Sachons néanmoins que, derrière ces assertions, ne se cache la plupart du temps que l’opinion personnelle, plus ou moins orientée, de celui qui le profère et pas nécessairement une réalité mesurable.
Une de nos expressions courantes les plus dangereuses. Sachons-le.

Voilà un florilège d’expressions et de ce qui se cache parfois derrière elles. Si vous en connaissez d’autres, n’hésitez pas à les mentionner et à commenter.

 



16 réactions


  • rocla (haddock) rocla (haddock) 22 mai 2008 13:21

    Par exemple " j’ ai offert un bouquet de roses " est souvent un gros mensonge si elles sont rouges ...


    • rocla (haddock) rocla (haddock) 22 mai 2008 20:54

      Constant ,

       

      A vrai-dire ce que j’ aime bien chez-vous c ’est votre pseudo , car je pense que c’ est dans l’ erreur qu’ on trouve le plus de contresens .

       

      J’ ai connu , plus jeune un type extraordinaire , il arrivait à se tromper d’ erreur .

       

      Bien à vous .


    • Dame Jessica Dame Jessica 23 mai 2008 09:58

      @ Constant

       

      Bonjour Constant toujours pas dans l’erreur ! Comment vas tu en ce beau vendredi ?


    • Dame Jessica Dame Jessica 23 mai 2008 10:26

      @ L’auteur

      Que j’aime votre article ! Stigmatiser les expressions un peu bancales et le faire dans un style parfait, fluide et fort agréable a lire, ça méritait d’être souligné ! Merci Cadérange, moi ça ne me dérange vraiment pas du tout, bien au contraire !


  • finael finael 22 mai 2008 13:55

    Tout simplement "jamais depuis" !

    "On n’avait jamais vu une telle chaleur depuis 15 ans"

    L’ennui c’est que jamais .... c’est jamais !


  • Alake Alake 22 mai 2008 14:56

    Hors-normes.... tout est devenu hors-normes au point qu’on ne sait plus ce qui l’est ou pas.

    Finalement tout est dans la norme puisque tout est hors-normes


  • Lisa SION 2 Lisa SION 22 mai 2008 15:47

    Excellent sujet que ces phrases toutes faites qui encombrent bien des débats.

    Sans compter les " malgré que " dictés "sous l’empire de l’alcool " par la " presse people " frappée "d’inégibilité "...Mais la meilleure que j’ai entendue est de Strauss Khan parlant de " croissance négative "... !!!


  • Weinstein 22 mai 2008 18:45

    Excellent article, pour ma part j’adore je devrais écrire j’abhorre, discrimination positive !

    Bien à vous.


  • rocla (haddock) rocla (haddock) 22 mai 2008 20:08

    Au jour d’ aujoud’hui


  • rocla (haddock) rocla (haddock) 22 mai 2008 22:34

    moins zun


  • rocla (haddock) rocla (haddock) 23 mai 2008 08:00

    Lisa ,

     

    Suis pas fort en calcul , je sais seulement que l’ on dit 7 et 5 font tonze et non pas font onze , question liaison sans-doute  ?

     


  • Vilain petit canard Vilain petit canard 26 mai 2008 09:56

    Je me permets d’ajouter à ce florilège :

    - le taux d’alcoolémie dans le sang : comme "alcoolémie" veut dire "taux d’alcool dans le sang", on a donc une triple redondance, ce qui n’est pas mince.

    - le décompte des périodes et délais en fractions de siècles, pour "faire plus gros" ; 25 ans, c’est un "quart de siècle", cinquante ans, un "demi-siècle", etc. Attention à ne pas trop fractionner, ça fait un peu bizarre : un dixième de siècle, ou un vingtième de siècle, ça ne percute pas ... A noter que nos hommes politiques sont toujours jeunes : Sarkozy n’est pas "âgé de plus d’un demi-siècle" (né en 1955, pourtant), il est seulement "toujours plein de dynamisme".

    - dans le même esprit, décompter les périodes de prise en otage en jours, et plus en années : Ingrid Bétancourt n’est pas otage depuis cinq ans, mais depuis 1686,5 jours. En revanche, Nicolas et ses potes pataugent depuis cinq ans, soit un vingtième de siècle, pour faire croire qu’il vont la libérer.

    - la vogue extraordinaire et excessive des adjectifs et adverbes associés "extraordinaire(ment)" et "excessif(vement)".

    - la surabondance des "premières fois depuis la Libération" dans la datation des actions de notre gouvernement : refonte des retraites, de la constitution, etc. Variante : "jamais depuis la Libération on n’avait autant...."


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