samedi 15 novembre 2008 - par Fergus

Votez Duconnaud !

Nicolas Sarkozy ? Ségolène Royal ? François Bayrou ? Qui peut savoir quel sera l’heureux (ou l’heureuse) élu(e) au soir du 2e tour de la présidentielle de 2012 ? Une seule certitude : ce sera un personnage politique bon teint et non l’un de ces candidats fantaisistes qui, naguère, firent le bonheur des gazettes et la joie du bon peuple.

Seul Coluche, dans un passé relativement récent, a pu se hisser à la hauteur de ses glorieux prédécesseurs et, par la grâce d’une popularité grandissante alliée, en début de campagne, à une large couverture médiatique, les surpasser largement en audience puis, chose surprenante, en crédibilité électorale, comme le montre le film d’Antoine de Caunes.

LA FRANCE EST DIVISEE EN DEUX, JE VEUX QU’ELLE SOIT PLIEE EN QUATRE !

Annoncée le 30 octobre 1980 au Théatre du Gymnase, la candidature du « bouffon de la République » avait tout d’abord été accueillie comme un gag. Elle faillit se terminer en drame lorsque Coluche, gréviste de la faim défaillant, dut renoncer, début avril 1981, à sa candidature, victime des énormes pressions qui s’étaient exercées contre lui et de la censure que lui avaient peu à peu imposée l’ensemble des médias (Libé compris !). Un bouffon n’atteint pas 16% d’intentions de vote sans commencer à faire de l’ombre à son propre souverain !

Au delà du canular, Coluche aura été en fait un candidat de rejet de la classe politique traditionnelle. Dès lors, il n’appartenait plus au cercle très fermé des rigolos du scrutin.

Une confrérie dont, au demeurant, n’a jamais fait partie le larmoyant Marcel Barbu, candidat « mandaté par l’association immobilière de Sannois » lors de la présidentielle de 1965.

UN MOUVEMENT ANTI-LOP

D’autres ont, en revanche, brillamment illustré localement cette facette insolite de la démocratie.

Parmi eux, le tribun des resto-U parisiens, Mouna Aguigui (de son vrai nom André Dupont), et son légendaire triporteur. Un tantinet anarchiste, résolument écolo, il a laissé l’image d’un patriarche, apôtre de la pédale (des vélos, pas des autos !) et de la propreté (des trottoirs, pas des crottoirs !).

Sur un plan national, Ferdinand Lop a, quant à lui, marqué les campagnes de la République. Mais sa plus grande réussite, outre le fait d’avoir suscité contre lui le « mouvement anti-Lop », tient dans cette perle des slogans électoraux : « Il faut au char de l’Etat la roue d’un Lop ! »

Albert Caperon, jeune dandy fortuné, occupe, lui aussi, une place de choix dans cette galerie. Candidat aux législatives de 1893 à l’instigation de son ami Alphonse Allais, « Captain Cap », soi-disant héros du Far-West et pseudo marin d’élite, était soutenu par différentes personnalités, et notamment par Georges Courteline. L’auteur de Messieurs les ronds-de-cuir ne pouvait, il est vrai, faire moins à l’égard du champion de la lutte contre la bureaucratie. Mais le programme de Captain cap ne s’arrêtait pas là et prévoyait, entre autres gaîtés, l’établissement d’une plazza de toros sur la butte Montmartre et la tranformation de la place Pigalle en port de mer ! Hélas pour lui, les plaisirs balnéaires étaient encore fort méconnus des parisiens : il ne recueillit que 175 voix !

OU L’ON PREND LES VESSIES POUR DES LANTERNES ELECTORALES

La plus belle réussite en matière de canular électoral eut pour théatre le quartier latin lors des législatives de 1928. Paul Brandon, député sortant, semblait devoir être réélu dès le premier tour de scrutin lorsqu’un candidat inattendu se présenta contre lui. Brandon avait, il est vrai, mécontenté la population estudiantine en obtenant la suppression des pissotières du Boul’ Mich’. Incontinent, si l’on ose dire, les potaches cherchèrent à lui faire payer cet outrage à la miction. Encore fallait-il trouver une idée. Elle survint sous la forme d’un brave bonhomme, modeste vendeur de violettes, un peu clochard, et doté d’un incroyable patronyme : Paul Duconnaud !

Le convaincre, lui l’habitué des édicules, de se présenter contre Brandon, fut un jeu d’enfant. Dès lors, moyennant quelques chopines, la campagne pouvait commencer. Elle donna lieu, bien évidemment, à des situations cocasses dont le sommet fut sans conteste la grande réunion électorale de la rue Victor Cousin. Ce jour-là, assis à une table recouverte d’un drap vert, Duconnaud, ou plus exactement l’étudiant caché sous la table, put enfin développer un programme comportant notamment les mesures suivantes : suppression des impôts, transformation de la station du quai Saint-Michel en gare maritime et, bien entendu, rétablissement des pissotières ! Duconnaud, passablement éméché, se contentait de souligner chaque intervention d’un vigoureux coup de poing. Il n’en obtint pas moins un triomphe. Et, pour 127 voix, mit Brandon en ballotage !

Qu’à cela ne tienne, le député sortant était désormais débarrassé de cette présence encombrante. Du moins le croyait-il. Jusqu’au moment où, stupéfait, il découvrit cette affichette de désistement placardée dans tout le quartier : « Voter pour Brandon, c’est encore voter pour Duconnaud ! » De quoi donner du vague à l’âme à tous les déçus de la sarkozye fantasmant pour 2012 sur un tel soutien à leur ennemi intime : « Voter pour Sarko, c’est encore voter pour Duconnaud ! »

Mais bon, ne rêvons pas et revenons à nos moutons.

De nos jours, hélas !, le canular politique tend à se raréfier, victime du protectionnisme frileux des politiciens conformistes. Plus le moindre Lop ou le plus petit Captain Cap pour amuser une galerie devenue bien tristounette. Décidément, nos amis québecois ne connaissent pas leur chance, eux qui, en 1978, ont eu l’humour d’offrir 7% de leur voix à Cornélius 1er, un jeune rhinocéros particulièrement ambitieux !

Encore que, côté humour politique, nous ayons droit ces jours-ci du côté de Reims à un grand show des comiques patentés du PS.

Mais celui-la ne suscite que des rires... jaunes !



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