Voyage en Absurdie
Jean-Luc Mélenchon est de nouveau au centre d’une polémique passablement ridicule comme d’ailleurs à peu près toutes celles qu’il a suscitées depuis qu’il est devenu l’ennemi à abattre prioritairement : sur son compte Facebook il a avoué être « fasciné » par Éric Drouet ou du moins par ce qu’il personnifie.
C’est effectivement - par la grâce de ceux qui lui ont ouvert tout grands les bras favorisant ainsi son audience - l’un des gilets jaunes les plus médiatiques. Il a en outre le tort de ne pas avoir sa langue dans sa poche.
C’est assurément cet aspect-là brut de décoffrage qui lui a valu la déclaration d’ « amour » du leader de la France Insoumise, si l’on peut ainsi qualifier l’exercice intellectuel qui consiste à lui trouver un équivalent dans un personnage homonyme – au demeurant secondaire en terme de notoriété – de la grande révolution de 1789.
Et tout le Landerneau de se liguer – une fois de plus oserais-je dire – contre celui qui est un des rares à proposer une alternative construite à la déliquescence de nos Institutions et dont certaines propositions cheminent maintenant dans les esprits militants sur les ronds-points.
Et donc les corps francs de se rassembler pour éreinter le mal poli qui abandonne le langage codé des gens de bien qui savent maîtriser à la fois leurs sentiments et leur expression verbale ou en l’occurrence écrite.
On peut évidemment penser ce que l’on veut ( voire pis que pendre ) de la stratégie de Mélenchon et même jusqu’au sein de la France Insoumise qu’il ne représente plus l’avenir mais il réussit à faire parler de lui et qui mieux est en mal offrant ainsi à ses détracteurs le matériau pour effaroucher le citoyen responsable et raisonnable qui ne peut en aucun cas trouver des qualités à ces énergumènes vêtus du jaune de leur gilet qui invectivent par leur seule présence le chaland sur les ronds-points qu’ils ont le front d’occuper sans autorisation des autorités responsables, responsables en l’occurrence du marasme d’une France à bout de souffle dans une Europe à la traîne, au cerveau perclus de rhumatismes pour encore imaginer un futur qui ne soit pas la répétition d’un insupportable passé.
Hamon le petit, foutriquet cherchant à sortir de l’ombre et qui s’affiche de Gauche sans guère convaincre grand monde, a pour se relancer des régions obscures où il végétait pris bonne mesure du scandale produit par Mélenchon : il le bannit par décret, si j’ose dire, des rivages de la Gauche.
Et c‘était bien ce genre de sornettes qu’il devait sortir pour mériter même temporairement les feux de la rampe.
Certes il y a belle lurette que Mélenchon est excommunié par le PS ou ce qui en reste et il a effectivement pris bonne note depuis de nombreuses années de la sclérose de cette Gauche qui a, de longue date, abandonné tous ses principes et que son électorat traditionnel s’est finalement décidé, lui aussi à abandonner, déçu d’avoir été cocufié pendant des décennies par des marchands de soupe qui n’avaient même pas la décence de se cacher pour en prendre la meilleure part.
Jamais en retard au partage des prébendes, les stratèges du PS quand ils étaient aux affaires mesuraient par contre fort chichement les miettes qu’ils daignaient accorder au bas peuple. Sous les prétextes les plus variés mais qui suivaient toujours le même principe, celui de la sujétion aux ukases de la ploutocratie mondiale qui sont le fil conducteur de toute la politique européenne.
Qu’un Drouet apparaisse comme une malencontreuse piqûre de rappel faite par quelqu’un comme Mélenchon qui connaît très bien l’histoire de la révolution française et qui n’a jamais caché sa proximité avec un des ses héros, Robespierre sans l’avoir jamais, à ma connaissance, dédouané des excès auxquels il a prêté la main dans cette époque trouble où se jouait tout de même la perpétuation des idées généreuses issues de 89 et ensemencées par les philosophes du siècle des Lumières que l’on ne peut pas dissocier du grand mouvement humaniste qui a pris naissance symboliquement avec la prise de la Bastille.
Aux yeux des dévots de l’ordre établi le simple fait est condamnable d’établir un parallèle – tout intellectuel – qui n’a d’autre prétention que spirituelle entre le Jean Baptiste Drouet qui a contribué à ramener le roi en fuite de Varennes jusqu’au cachot que méritait son escapade et le Éric Drouet, animateur parfois enflammé mais la flamme est ce qui empêche un mouvement de mourir, une issue dont certains rêvent ouvertement depuis les premiers jours de cette explosion citoyenne qui leur pose d’autant plus problème qu’ils n’ont pas de réponses et que les eussent-ils même que les règles strictes de la gouvernance décrétée à Bruxelles les dissuadent à jamais de les appliquer.
Les contempteurs de Mélenchon et de son groupe en général se félicitent de ce que le mouvement des gilets jaunes ne profitent pas selon leurs sondages aux Insoumis : Mélenchon a lui-même rappelé que la grande qualité de cette explosion populaire est justement sa spontanéité et la spontanéité implique non seulement une certaine inorganisation mais le refus de toute tutelle.
Il est donc vain de vouloir à tout prix embrigader les « résistants » dans une formation existante ( ou dans un courant de pensée) d’autant que ceux qui ont été interrogés ont tous avoué qu’aucune ne trouvait grâce à leurs yeux, ce qui est sans doute injuste pour les Insoumis et d’autres mais est une réalité que l’on ne peut éluder.
Mélenchon en rédigeant ce petit texte sur Facebook où il témoigne d’une certaine admiration ( disons qu’il est sous le charme ) pour la manière qu’a Éric Drouet de mener son combat et se risque à une analogie avec un homonyme à la fois obscur et célèbre de la période révolutionnaire produit au pis un hommage du vice ( c’est Hamon et les censeurs qui parlent ) à la vertu ( selon Mélenchon ) ? Bref beaucoup de bruit pour rien !