Washington et Téhéran : la double impasse
Les articles de presse sur l’impasse des négociations visant à relancer l’accord sur le nucléaire iranien signé en 2015 font surtout état de la position de l’administration Biden sur la demande de l’Iran de retirer le CGRI de la liste américaine des organisations terroristes. Personnellement, je pense que la Maison Blanche n’est pas totalement opposée à la demande iranienne.
Mais elle essaie d’obtenir un « deal » à l’intérieur du deal, dans le sens où elle donne à Téhéran ce qu’elle veut en échange de ce que Biden veut vendre à l’opinion publique américaine et aux partenaires américains au Moyen-Orient et dans le Golfe.
D’un point de vue analytique, il est assez difficile de dire que la demande de retrait du CGRI de la liste américaine des organisations terroristes constitue un dilemme pour les négociateurs américains. Je pense qu’une percée a été réalisée et qu’elle est conforme aux considérations stratégiques des deux parties, les États-Unis et l’Iran.
Tous deux se trouvent dans une situation difficile sur le plan national et international. Tous deux ont besoin d’une « performance » à offrir à leurs partisans et à leurs alliés. La relance de l’accord lui-même fait l’objet d’une controverse entre les parties quant aux conditions et à l’ampleur des gains et des concessions.
L’accord semble donc avoir besoin d’un « deal, » peut-être plus petit, mais dont l’impact est plus réaliste.
En théorie, l’Iran, dont on a toujours affirmé qu’il n’était pas concerné par les sanctions américaines qui lui sont imposées et qu’il s’était habitué à leurs effets, ne peut pas faire marche arrière dans ses déclarations officielles et médiatiques persistantes et affirmer que la levée de ces sanctions constitue un gain stratégique majeur.
Il faut maintenant une renonciation plus importante de la part des États-Unis, par exemple le retrait de l’IRGC de la liste des terroristes. C’est une mesure qui pourrait satisfaire les commandants des Gardiens et les dissuader de refuser les conditions de la reprise de l’accord nucléaire.
Cela préserve la cohésion du régime iranien, du moins face à ses détracteurs à l’intérieur du pays, en particulier face aux vagues croissantes de mécontentement dans le pays, causées par les mauvaises conditions de vie et la situation économique défavorable.
D’autre part, la Maison Blanche pourrait considérer la « grande » demande de l’Iran comme une occasion précieuse d’obtenir des concessions pertinentes, notamment des engagements fermes pour mettre fin à la question de la mort du général Qassem Soleimani.
Il est devenu clair que les États-Unis ne veulent pas que l’Iran continue à mener des attaques de missiles contre des bases américaines en Irak sous le slogan de la « vengeance » pour la mort de Soleimani.
Je pense que cette exigence est prioritaire pour les négociateurs américains. Ils pourraient formuler une autre exigence : Des négociations sur le programme de missiles iraniens et sur toutes les activités iraniennes dans la région.
A la lecture des indices, une entente sur un accord mutuel dans ce contexte ne semble pas improbable, d’autant plus que l’administration Biden s’efforce d’avancer jusqu’à la fin des négociations de Vienne afin d’éviter un échec qui coûterait cher aux démocrates.
Les avis divergent également au sein du Parti démocrate, voire au sein de l’administration Biden elle-même, quant à la définition d’une position sur la classification de l’IRGC. La partie iranienne semble également s’en tenir aux paramètres de négociation, malgré toutes les accusations, pour sortir du cauchemar des sanctions qui sapent les bases de l’économie iranienne.
De plus, le retrait de l’IRGC des listes terroristes n’est pas une formalité. C’est une grande victoire stratégique, car cette force contrôle les charnières de l’économie et de l’État iraniens. Je pense que les lignes rouges des négociateurs iraniens se limitent à la question du programme de missiles balistiques et aux activités régionales de l’Iran.
Dans le cas contraire, elle pourrait être incluse dans tout accord éventuel avec les États-Unis. Ce serait une perte supplémentaire pour les pays du Moyen-Orient et du Golfe, et cela signifierait que les États-Unis continueraient à se concentrer sur leurs intérêts stratégiques étroits, sans tenir compte des intérêts de leurs partenaires stratégiques.
Le dilemme auquel sont confrontées les deux parties aux négociations de Vienne est le coût politique des concessions qu’elles vont faire à l’autre partie. La plus grande erreur dans toute cette affaire est de se mettre d’accord à la dernière minute pour réduire les exigences des deux parties, de sorte que chacun obtienne une partie de ce qu’il demande.
En d’autres termes, l’Iran obtient le retrait du CGRI de la liste des organisations terroristes, à l’exception de la force Qods, de sorte que la partie économique et commerciale est exclue des sanctions, tandis que la partie militaire est maintenue.
Ce scénario pourrait toutefois conduire à de nouvelles catastrophes, car il est difficile de séparer les factions des gardiens de leurs activités ultra-secrètes. Tout cela ne sera qu’une formalité pour faire avancer et justifier cette démarche en Amérique.