jeudi 8 décembre 2005 - par Alain Lambert

Blog et politique

A l’occasion d’une rencontre avec un journaliste sur ce thème, je constate que le doute continue d’habiter certaines pensées. Certains voient dans les blogs une troublante ingérence dans un ordre médiatique parfait, et académiquement organisé.

Première question posée : la communication entre les élus et les citoyens ne doit-elle pas, par prudence, être régulée par un intermédiaire compétent (le journaliste), pour hiérarchiser et ordonner l’information ? Personnellement, je ne le crois pas. Les blogs offrent une information complémentaire, directe, émise par des auteurs qui doivent pouvoir être identifiés et assumer la pleine et entière responsabilité de ce qui est publié sur leur site. D’où la nécessité de veiller au contenu de tous les commentaires de réactions aux billets. Selon moi, le titulaire du blog est pleinement responsable du contenu, de ses propres écrits comme de ceux qu’il met en ligne. Il n’en partage pas à l’évidence tous les avis, mais il lui appartient de vérifier que ceux-ci n’enfreignent pas le droit.

Deuxième question : les politiques blogueurs ne sont-ils pas des frustrés en mal de présence médiatique ? C’est possible. Mais j’en connais beaucoup qui sont plus sollicités qu’ils ne le voudraient, quoique exclusivement dans les matières dont ils sont réputés spécialistes, ce qui contribue à les enfermer dans un rôle et une image qui sont à l’inverse de l’universalité que couvre la politique. Le seul moyen pour eux de sortir de ce ghetto est précisément d’utiliser le blog pour exprimer leurs convictions sur tous les sujets essentiels et d’actualité, en particulier sur ceux au sujet desquels on ne leur demandera jamais leur avis, au motif qu’ils n’auraient pas de légitimité propre sur ces thèmes.

Bref, on voit bien que tout nouveau support de communication charrie ses peurs, ses rêves, ses excès, ses bienfaits aussi. Gageons qu’après des débuts parfois débridés, le meilleur l’emportera, et que les blogs apporteront une contribution utile au débat démocratique et au rapprochement des gouvernés et des gouvernants, des élus et des électeurs, des administrations et des administrés. Il y a encore du travail !



2 réactions


  • SarkoMzy (---.---.166.69) 8 décembre 2005 18:22

    Les blogues sont un outil intéressant à la portée limitée du point de vue de l’usage individuel qui peut en être fait part chaque auteur/lecteur. En revanche, collectivement, nul doute qu’il contribuera à nourrir en profondeur l’évolution de nos sociétés.

    Je ne pense pas que le blogue représente une menace pour les journalistes car aucun blogue n’aura jamais l’audience et la caisse de raisonnance que peu avoir un média classique pour la raison que les blogues sont légion alors que les médias classiques sont peu nombreux et donc mieux exposés.

    Par ailleurs, le rapport liberté-audience est inversement proportionnel selon que l’on s’exprime à travers un blogue ou dans les média traditionnels. Les journalistes ont le pouvoir de faire l’actualité dans une plus large mesure que les blogueurs qui s’expriment sur des sujets d’actualité. Autrement dit, ce sont encore les journalistes qui façonnent le débat d’idées et détiennent le pouvoir de booster telle ou telle opinion...

    Je pense que les blogs de personnalités (politiques entre autres) risquent de se tarir à mesure que se résorbera le phénomène médiatique favorisé par l’effet conjugué du marketing et de la nouveauté. Actuellement, il y a une prime aux premiers entrants en terme d’image . La participation des personnalités dans la sphère du bloguing consolide le côté branché de ce nouveau moyen d’expression. En échange, elles profitent des retombées positives attachées à cette étiquette de modernité entretenue par l’activité marketing déployée par les principaux intervenants et promotteurs de cette jeune communauté.

    Toutefois, la qualité du blogue d’Alaim Lambert lui a valu à juste titre nombre d’appréciations élogieuses et plusieurs mentions dans les médias. Mais son audience, pour conséquente qu’elle soit, n’en demeure pas moins (très) modeste pour une personnalité politique nationale. Qui plus est, bon nombre de ses lecteurs proviennent de sa famille politique, a fortiori pour les lecteurs réguliers.

    Ce qui relativise encore l’intérêt de tenir un blogue pour quelqu’un dont l’emploi du temps est censé être bien rempli : les journées d’un élu ne sont pas extensibles et les blogues sont dévoreurs de temps, tant en écriture qu’en lecture.Si le rédacteur s’investit pleinement dans la tenue de son site (y compris et surtout dans l’échange amorcé par ses billets), c’est nécessairement au détriment d’utres activité qui ne ressortent pas exclusivement du domaine du loisir, domaine dont on peut admettre qu’il constitue une réserve de temps où le blogueur peut piocher. Nos parlementaires disposeraient-ils donc de temps libre en quantité telle que la publication quotidienne (le rythme de M. Lambert) ne nuise pas à l’accomplissement de leur mandat ? Le tout répétons-le pour une efficacité limitée à l’aune des responsabilités confiées aux élus, quand bien même exercent-ils leur charge sous la coupole du Sénat !


  • (---.---.162.15) 8 décembre 2005 21:20

    Je rejoins tout à fait l’avis de SarkoMzy. Comme je l’ai dit par ailleurs, c’est un ensemble collectif qui fait bouger les esprits unissant blogs, forums, sites individuels et en fin de chaine les sites de média et les médias eux-mêmes. Ne parler que de blogs restreint fortement le phénomène.

    C’est ce qui se passe aujourd’hui sur le projet de loi liberticide de restriction de la liberté de trafic sur Internet. La sauce est en train de monter, les blogs, les sites personnels, les simples correspondances par email mobilisent pour la pétition. Le nombre de signatures par jour s’accroit régulièrement. Les sites officiels commencent à en parler, les médias autres n’en parlent pas encore, ils y viendront...

    En ce sens un responsable de blog n’a pas plus d’importance qu’un internaute qui intervient sur une dizaine de forums ou blogs ou que le webmestre qui en première page d’un site très parcouru alerte ses visiteurs, ou que celui qui met en lecture des liens vers des sites pertinents qui savent convaincre.

    C’est comme si une nouvelle conscience parfois naissait de ce maelstrom...

    Heureusement, j’ai l’impression que c’est une force qu’il n’est pas facile de canaliser, encore moins de provoquer. Puisse-t-elle garder sa fraicheur !

    Am.


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