mardi 10 novembre 2009 - par Gaëtan Gorce

La chute du Mur et la Gauche

A 20 ans de distance, on est, aujourd’hui, en droit de se demander si le Mur n’a pas entrainé dans sa chute, non seulement « le Socialisme réel  », qui s’est effondré dans un formidable fracas, mais aussi, tout doucettement, son concurrent historique, issu de la même souche : le projet social démocrate...


D’abord, parce que le projet social-démocrate n’avait depuis son origine cessé de se définir par opposition à son frère ennemi, cet enfant, outrageusement prodigue, né d’une Grande Guerre, dans les lueurs de l’Octobre Rouge. Pas un parti, au nord comme au sud de l’Europe, qui ne se soit présenté comme la « variante » humaniste, démocratique, d’un même projet d’émancipation. Le communisme n’était, à l’Est, que le Mister Hyde, d’un docteur Jekyll, plus présentable à l’Ouest. La disparition du premier allait priver le second d’une partie, peut-être essentielle, de son identité, lui rendant plus difficile la lutte qu’allait lui imposer dans la conquête politique de l’Europe libérée, les ultralibéraux. Ainsi, le socialisme démocratique a-t-il pu vivre le 9 novembre comme une victoire.

Mais, contrairement à ce qu’il a pu penser alors, celle-ci ne lui appartenait pas. L’échec des tentatives réformistes dans les nouvelles démocraties de l’Est en témoigne à l’envie. Le passage de témoins se fera par-dessus la tête des réformateurs de tout poil, pris de vitesse par la brutalité de l’effondrement, victimes, aussi, de l’impréparation idéologique de leur « alter ego » de l’Ouest.

Mais, il faut aller plus loin. Ce rendez-vous manqué avec l’Histoire n’était pour la Gauche européenne, pas le premier. Si une partie de celle-ci s’efforçait de justifier sa radicalisation par la crise économique prégnante depuis le milieu des années 70, sa composante social-démocrate s’était, elle, assoupie dans l’attachement à un Etat de moins en moins providentiel.

En réalité, la date clé se situe en août 1971 : la décision brutale des Etats-Unis de suspendre toute convertibilité en or du dollar, signait le début de la fin d’un système fordiste associant depuis trente ans, progrès économique et progrès social. La baisse tendancielle de la productivité des économies de l’Ouest allait ouvrir, à côté d’une montée du chômage, le chemin à un formidable mouvement d’innovations technologiques et financières qui ferait tomber les frontières et les réglementations. La mondialisation était en marche que la chute du Mur allait rendre, sinon inéluctable, du moins, quasi universelle.

L’erreur de la Gauche est de s’en être aperçue qu’après coup ! Pour réagir, ensuite, en ordre dispersé. Sur la défensive, les grands pays, les grands partis, se retrouvèrent d’abord, autour d’une politique de maîtrise des coûts, des salaires et des dépenses sociales qui allait leur aliéner une partie de leur électorat populaire. Pris d’un sursaut, certains, au contraire, tentèrent de s’adapter, comme la 3ème Voie, au point de sembler oublier de qui restait de sa spécificité. D’autres, enfin, comme en France, choisirent l’immobilisme, anesthésiés par leur victoire électorale, acquise en 88, renouvelée en 97, qui pouvait laisser penser que la politique de l’autruche était peut-être, au fond, la meilleure.

L’Histoire, comme toujours, a rattrapé ces différents acteurs. Et 20 ans après, la Gauche n’a toujours pas su tirer les leçons de la chute du Mur. Malgré la crise aigue des doctrines néolibérales, elle se révèle, encore aujourd’hui, incapable d’en tirer un profit quelconque, électoral ou idéologique. Au-delà de la commémoration, certes enthousiasmante du 9 novembre, qui constitue néanmoins la solution de facilité, un retour approfondi sur cette histoire des 20 dernières années, lui permettrait peut-être de rattraper le temps perdu.

D’abord, en rompant radicalement, définitivement, avec ce qui reste de l’idéologie communiste ; en cessant d’entretenir cette idée, qu’il existerait avec elle, le moindre lien de parenté. Ensuite, en prenant la peine de se redéfinir, non pas « contre » (l’ultra-libéralisme ayant pris dans ce rôle le relai du communisme autoritaire) mais « pour » un projet politique se situant à la fois dans la continuité de son histoire intellectuelle et politique et, en phase avec son temps.

A cet égard, les dernières déclarations de Martine Aubry (le JDD de dimanche dernier) ne sont pas sans poser problème : il est bel et bon de proposer de changer de système à condition d’être capable (ce qui est impossible) de définir précisément son alternative. Qui peut nier que ce soit à l’intérieur d’une économie de marché, qui plus est mondialisée, que nous ayons à agir ? Disons le tout net : ces facilités rhétoriques nous éloignent de la solution. Par quoi se définit théoriquement le socialisme ? Par sa recherche souvent déçue avant 45, pleinement relevée de 45 à 1975 d’un équilibre entre la démocratie et le marché, entre l’intérêt général et la libre initiative ! C’est en quelque sorte l’art (et la manière) d’organiser efficacement l’intervention publique sans nuire au dynamisme de l’économie.

Cette tâche est-elle aujourd’hui au dessus de nos forces ? Elle est au contraire encouragée par le défi écologique qui, à l’instar de la question sociale dans les années 30, soulève la problématique d’une nouvelle régulation. Mais, soutenir la légitimité de l’intervention publique en économie ouverte, c’est aujourd’hui, d’abord veiller à son efficacité : c’est garantir en particulier la performance de la dépense publique (en particulier en période de ressources rares) et plus encore de la dépense sociale ; c’est s’assurer de l’adéquation des moyens qui y sont consacrés avec les objectifs qui sont mobilisés.

En somme, on peut dire que la rénovation de la Gauche doit être d’abord un projet de réforme de l’état. Il ne s’agit pas là de « trahir » notre attachement au service public ou à la régulation mais d’en réformer les méthodes, les outils. La chute du Mur nous ayant appris, peut-être un peu tard, que s’y refuser, c’est prendre le risque de voir s’effondrer, avec ses illusions, son rôle historique !

Gaëtan Gorce
http://gorce.typepad.fr/blog/


17 réactions


  • Daniel Roux Daniel Roux 10 novembre 2009 13:23

    La fin de la convertibilité du dollar en or marquait la fin de la limitation de la valeur de la monnaie en circulation. Le but était de permettre la création de monnaie par le crédit distribué par les banques privées et la consommation sans freins des ménages.

    La société humaine, si elle prétend être humaniste, doit obligatoirement faire la part entre ce qui relève de l’initiative et de la liberté privée et de la nécessité de satisfaire aux besoins élémentaires de la population dans son ensemble. Toute la gageure étant de trouver un équilibre acceptable et viable pour la société entre le champ privé et le champ public.

    Inutile de se raconter des histoires, le carcan européen construit dans le seul intérêt des multi nationale, réduit les services publics à minima, interdisant tout ce qui pourrait être sources de profits pour le champ privé.

    C’est en totale contradiction avec ce que veulent les Français : Des services publics à des prix coûtants pour l’eau, l’énergie, les communications et la poste, les services funéraires, les services bancaires de base, les crédits immobiliers et d’équipement, les produits alimentaires de base et la Sécurité Sociale.

    Le financement de ce modèle n’a posé des problèmes qu’à partir du moment où sa destruction a été décidé. L’instauration d’une TVA sociale sans cesse repoussée et présentée comme un épouvantail par les démagogues de tout bord, associé aux profits raisonnables des entreprises publiques et aux redéploiement des subventions du privé (110 milliards en 2007) vers le public, dégageraient sans doute les ressources nécessaires.

    Force est de constaté que depuis que certains secteurs sont privatisés (téléphone, énergie, poste en partie), les services rendus se sont détériorés pour des prix en constante augmentation. Tout le contraire des arguments tenus par les politiques, y compris au PS, qui ont procédé à la liquidation de cette voie originale et humaniste.


  • taktak 10 novembre 2009 14:04

    Article interessant car il lève une problématique idéologique de la chute du mur bien trop souvant tue. Pourtant la réponse de l’auteur est bien plus convenue, loin d’être à la hauteur de la nécessaire prise de conscience idéologique de la gauche.

    « la preuve du pudding c’est qu’on le mange » disait Engels. La preuve que la chute du mur est une victoire des idées de la droite, de ce qu’on pourrait appeller la réaction (comme en 1936, ou 1968), c’est que c’est ces idées qui sont appliqués par des gouvernements de droite, ou dit de gauche (espagne, RU..).

    A force de taper sur les pays socialistes, les sociaux démocrates sont devenus des sociaux libéraux, jurant telle M Aubry dans l’interview que vous citez que par le sacro saint marché, plus ou moins controlé. Et s’accomoder du marché, c’est s’accomoder de l’exploitation de l’homme par l’homme, d’une société par nature profondément inégalitaire puisque la principale source de pouvoir provient de l’accumulation de capital. C’est aussi s’accomoder de ne pas avoir de réel controle sur l’exploitation des ressources naturelles.

    En un mot, dans un système capitaliste, sans concurence socialiste, les capitalistes n’ont aucun interet à tolérer, et a fortiori financer et soutenir, les idées d’une gauche libéro sociale.

    Et la encore la preuve en est que la gauche non libéral est dépourvu de media, de soutien des milieux économiques, tout simplement de visibilité, et que même si ces idées sont majoritaires en france par exemple elle ne peut donc s’imposer dans des structures de pouvoir vérouiller par les capitalistes.


  • kitamissa kitamissa 10 novembre 2009 14:36

    il aurait été plus logique d’écrire « la chute du mur et de la gauche » .....

    cette gauche qui a l’instar des communistes avait pour ambition de maintenir sous prétexte d’égalité les gens sous assistance,avec un mode de pensée unique soutenue par une « élite intellectuelle et artistique ..... » de maintenir le citoyen lambda au niveau de la médiocrité,en arguant que seule la fonction publique avait droit de cité,et que l’initiative,le désir de créer et d’entreprendre n’étaient que des principes de capitalistes et d’exploiteurs,et que vouloir gagner sa vie autrement que petit fonctionnaire était contraire à l’éthique révolutionnaire !

    en gros,faites ce que l’on vous dit et fermez là,et contentez vous des miettes que l’on vous distribue !

    la gauche également a méprisé ceux qu’elle était censée défendre....les travailleurs de base,les prolos,les obsurs ,les sans grade ....

    et ces prolos,ils ont mis du temps à comprendre,il leur en a fallu des coups de pieds au cul pour qu’ils se réveillent ,ça a commencé dans les « Paradis des Travailleurs... » vous savez la Roumanie,la Pologne,la Tchécoslovaquie,la Hongrie etc où les gens mieux informés voyaient bien comment on vivait de l’autre côté ...

    mais la gauche,toute la gauche confondue Française notamment soutenait ce modèle de société,et certains leaders politiques bien de chez nous allaient passer des vacances dans ces « paradis » ....

    et voilà-t-y pas que ce mur de Berlin qui défendait ce« nirvana du prolétaire contre l’invasion capitaliste »...

    ce mur donc est démantelé à son tour !

    au fait,est ce qu’on a entendu les leaders de gauche à cette commémoration ?

    et Madame Buffet ,1ere secrétaire d’un PCF moribond ,ancien ministre du gouvernement Jospin, est ce qu’on l’a entendue également ?

    je mettrais ma mais à couper que pour la plupart des gens de gauche c’est un jour anniversaire de deuil !

    et c’est pas fini,parce que les prolos,ils votent Le Pen ou Sarkozy ,rien que pour emmerder la gauche !


  • kitamissa kitamissa 10 novembre 2009 14:39

    je mettrais ma main à couper ....pardon .


  • frédéric lyon 10 novembre 2009 15:19

    Il apparait bien dans les résultats récents de plusieurs élections en Europe, y compris en France, que la gauche socialiste tendance mi-chèvre-mi chou, sociale-démocrate avouée ou non, est en train de suivre le chemin emprunté par les Partis Communistes au lendemain (et même avant) la chute du Mur.


    Le chemin de la poubelle.

    En France, le PS n’est déja plus le parti dominant de l’Opposition qu’il était devenu lorsqu’il a fini par plumer la volaille Communiste, sous l’impulsion de François Mitterrand dont l’héritage est en cours de liquidation. 

    De lui et de ses oeuvres, finalement, il ne reste plus aujourd’hui que le Front National.


    • titi titi 10 novembre 2009 18:11

      « La dette » et la « crise » sont des problèmes antérieurs à la chute du mur.

      Le déficit public existe depuis 1973.
      Ce n’est pas la chute du mur en débridant le capitalisme qui en est la cause, mais bien l’indaptation du système « bismarkien  » aux mutations démographiques.


  • snoopy86 10 novembre 2009 15:42

    Hier François Hollande avec une analyse intéréssante sur la fiscalité.

    Aujourd’hui Gaetan Gorce parlant de « rompre définitivement, avec ce qui reste de l’idéologie communiste  », de se définir non plus contre mais autour d’un projet et reconnaissant les erreurs de la politique de l’autruche.

    Un éclair de lucidité au PS ?

     

     

     


    • zelectron zelectron 10 novembre 2009 17:02

      D’autant plus que certains gôchistes n’ont pas renoncé au fascho-socialisme.
      Gorce a effectivement raison, c’est là un champs d’avenir et de construction.


  • Le péripate Le péripate 10 novembre 2009 18:18

    Si le socialisme veut être cet art de d’organiser l’action publique sans nuire au marché, les socialistes devraient jeter un coup d’oeil à ce rapport dont le blog du sénateur Lambert se fait l’écho : l’étude en question montrerait qu’il y aurait aussi des rendements décroissants pour l’action public. Avec un optimum autour du tiers du PIB.
    J’ai lu aussi que la Géorgie avait constitutionnellement limité les prélèvements obligatoires à 33 % du PIB.


  • jaja jaja 10 novembre 2009 19:08

     l’auteur : « Qui peut nier que ce soit à l’intérieur d’une économie de marché, qui plus est mondialisée, que nous ayons à agir  ? »..."Par quoi se définit théoriquement le socialisme ? Par sa recherche souvent déçue avant 45, pleinement relevée de 45 à 1975 d’un équilibre entre la démocratie et le marché, entre l’intérêt général et la libre initiative !« 

    Quelle belle définition vous nous donnez là du renoncement de la bonne »gauche« à transformer la société allant dans le sens d’un partage des richesses égalitaire entre toutes et tous...

    Ayant bien connu la RDA et son système je peux vous dire que La Nomenklatura ne valait pas mieux que les capitalistes qu’elle prétendait combattre... Les slogans de la foule face au mur, stigmatisant les privilégiés du système de classes qui régnait en RDA sont bien oubliés de nos jours...

    La vraie gauche se bat contre l’oligarchie capitaliste et son soi-disant »marché libre« reposant sur la force des armées impérialistes US. Sans elles la »petite main invisible« du marché n’existe plus... Les Hayek ou Friedman ont toujours vécu dans le giron des décideurs de l’État capitaliste. Ils n’ont pu imposer leur système de libéralisation, dérégulation et repartage des richesses, au profit des déja riches, que par la terreur comme au Chili ou en Chine (pseudo État socialiste)...

    Les Nomenklatura du Capitalisme d’État (comme en URSS ou en RDA) ont su se réserver la part du lion du gâteau pendant que le peuple n’avait rien ou presque...

    C’est contre toutes les oligarchies que le peuple se bat qu’elles se disent de »gauche« ou de »droite« . La démocratie directe est son arme, la Révolution le moyen de l’imposer...

    Pas d’alliance avec les socio-libéraux qui ne sont rien d’autre que des gestionnaires loyaux du capitalisme exploiteur ! La bonne »gauche" dite social-librale doit être dégagée...


  • Frabri 10 novembre 2009 22:53

    La chute du mur a grièvement blessé la gauche, il n’est pas sur qu’elle s’en relève un jour.

    Les couches populaires qui galèrent de plus en plus depuis une trentaine d’années qu’il y a l’alternance au niveau national, régional et local, ne la regretterons sans doute pas.


  • Christoff_M Christoff_M 11 novembre 2009 04:41

    la chute des illusions...


  • paul 11 novembre 2009 10:22

    Personne ne regrette la disparition du bloc de l’ Est, dont la Corée du Nord est un fossile vivant.

    Mais....la mobilisation totale des médias pendant 24 h occultant toute autre nouvelle -voire la
    chronique décapante de stéphane Guillon du 10/11- et la précipitation de certains à dire
    « j’ y étais » , rendent cette célébration quasi planétaire est un peu suspecte .J’ ai entendu bien
    des personnes très étonnées, et même lassées, par ce déferlement non-stop de rétrospectives.Une occasion de délaisser sa télé.

    N e s’agit il pas en fait, de célébrer la victoire du capitalisme triomphant ?C’est oublier un peu
    vite la crise profonde qu’il nous fait traverser et d’ autres murs qu’il faut faire tomber .Mais chut !


  • rodomont 11 novembre 2009 15:06

    Avec la chute du mur, le collapse de l’URSS c’est directement aussi celui de la classe ouvrière que les capitalistes occidentaux qui ont fait dans leurs frocs durant plus de soixante ans peuvent désormais exploiter sans vergogne. Durant cette époque c’est par crainte et non par générosité qu’ils avaient cédé sur quelques revendications. Depuis ils n’ont cessé de se venger d’avoir eu si peur en le faisant payer cher à la classe ouvrière et la crise financière et économique sont aussi les conséquences de cette nouvelle arrogance, arrogance psychologique de ceux qui pensent avoir vaincu le communisme (même dévoyé, mais pour eux cela ne fait pas de différence) et d’avoir désormais les mains libres. Et si pour un temps leurs mains libres peuvent se mettre à palper les profits ils seront de plus en plus nombreux aussi à se mettre à prier pour qu’un miracle advienne dans la guerre que les grandes puissances émergentes comme la Chine, l’inde, le Brésil et d’autres leur laissent des miettes. Parce que si durant des décennies les capitalistes se faisaient une guerre plutôt molle il en va tout autrement de nos jours. L’immense appétit des capitalistes chinois pour ne parler que d’eux, les énormes réserves de dollars qui utilisent en Afrique, en Asie et partout où se trouvent les matières premières indispensables vont bientôt priver les capitalistes occidentaux des bases matérielles de leur puissance. Tout ce qu’ils pourront désormais échanger ce sera leur technologie. Mais même sur ce terrain il n’est pas sûr que leur avance dure longtemps.
    Et cela sans parler du désenchantement des populations de l’Est libérées, qui ont cru au paradis capitaliste, à la société de consommation, en un mot à la propagande de la Voix de l’Amérique, Free Europa and Co. Et qui se trouvent aujourd’hui plus libres certes, mais bien plus démunies, comme en Hongrie, en Tchéquie et ailleurs encore.
    Le mur est tombé soit, mais sur la gueule des gens. Et la liberté politique semble davantage sourie aux multiples mouvements populistes et fascistes, qu’aux démocrates et à la gauche.
     


  • wesson wesson 15 novembre 2009 13:08

    Bonjour l’auteur,

    pfff, comme c’est laborieux ! Allez, je résume : la gauche est morte parce qu’elle n’a pas vu venir la crise financière et surtout son acte fondateur : l’abandon de la convertibilité du dollars en or en 1971.

    Tout simplement ridicule : La droite libérale n’a pas plus que vous vu cela arriver, et pourtant elle est au zénith maintenant.

    Contrairement à ce que vous racontez, si la gauche est en déshérence aujourd’hui, c’est précisément parce que elle a renié tout ce qui faisait son fond idéologique, à savoir la lutte des classes, le combat populaire, les confrontation de masse, force contre force.

    Et vous comme d’autre de croire qu’une victoire future pourra provenir d’un Nième reniement propre à faire abandonner le peu qu’il vous reste permettant de vous dire vaguement à gauche, pour vous fondre dans ce magma uniforme de la bien pensance médiatique.

    L’erreur initiale est d’avoir cru comme beaucoup que l’accès aux médias de masse vous fournirait une tribune suffisante, rendant inutile le travail de fourmi qu’est le militantisme de terrain pour propager vos idées. Petit à petit vous vous êtes enfermés dans cette paresse, pendant que cet enracinement dans le tissu social disparaissait peu à peu. Et lorsque les médias sont devenus pour vous incontournables, la condition de votre accès à la parole s’en est rapidement retrouvé au prix de reniements sans cesse plus important.

    Voilà ce que vous êtes devenu, un parti ayant totalement renié toute son histoire de lutte, tous ses marqueurs idéologiques, et qui a totalement perdu son assise populaire. Seul les médias de masse vous permettent un simulacre d’existence, mais uniquement si vous vous fondez dans cet informe magma « socio-démocrate » tendance Tony blair, et n’évoquez plus jamais ce qui fit votre force. Vous subsistez uniquement comme prétexte à la démocratie, parce que vous balayer définitivement serait en fait contre-productif et contribuerai à faire prendre conscience au peuple de l’absence voulue d’une alternative crédible.

    Pour utiliser une image parlante, l’offre politique actuelle consiste à nous présenter une voiture à droite et une automobile à gauche, à nous demander de choisir entre ces deux et d’appeler cela démocratie !

    Politiquement, votre formation est déjà morte, d’autant plus morte que votre seule stratégie consiste à s’aligner sur les idées les plus profondément ancrées dans un néo-libéralisme - malgré le rejet sans cesse croissant qu’elles inspirent.

    C’est trop tard, d’autre prendrons votre place, ou pas. C’est également une paresse intellectuelle de penser que le système actuel est tellement pourri qu’il tombera tout seul de lui même, mais lorsque l’on constate l’ampleur et l’accélération des destructions qu’il provoque, on finit par se convaincre qu’un épisode de cet ordre, forcément violent, ne manquera pas de survenir. J’en veut pour preuve cette actualité récente de petite émeute parisienne suite à un coup de publicité un peu raté. La vrai question est à mon sens si cela doit être totalement anarchique, ou fédéré. En tout cas si cela arrive, ça se fera sans les décombres du parti socialiste dont vous êtes un digne représentant.


  • eric 15 novembre 2009 15:23

    Quel article réconfortant !

    Il montre le chemin parcouru par une partie de la gauche mais peut être surtout celui qui reste à parcourir !

     La nature réelle du lien entre socialisme réel et social démocratie n’est pas élucidée.

     Il me semble que l’on peut le résumer à deux aspects. Une réelle difficulté avec la démocratie. Une difficulté non moins réelle à se considérer comme à l’intérieur de la société et non comme un élément extérieur, surplombant qui aurait vocation à lui apporter le « sens ».

     La social démocratie constitue un effort pour remédier à la première et vous allez dans ce sens. Reste la seconde.

     Or, les deux sont évidemment liés.

     

     La social démocratie ne s’est pas définie uniquement en opposition, et si ils étaient concurrents, il est difficile de dire qu’ils étaient uniquement ennemis : au minimum Frère ennemis comme vous le dites vous-même. Que des frères s’empoignent pour l’héritage est une chose qui arrive. C’est la nature de la fraternité qui reste à déterminer.

     D’ailleurs dire que la chute prive les SD d’une part de leur identité revient un peu à cela. Reconnaître une forte parenté. « En cessant d’entretenir cette idée qu’il existerait le moindre lien de parenté » toute la question est là.

     Marcel Gaucher constate que la disparition du religieux à entraîné l’affadissement du combat laïque et conclu que l’anticléricalisme était clairement une « religion concurrente » qui dépérit faute d’adversaire.

     

    Mais le lien entre les deux socialismes n’était pas fait que d’opposition. Une vraie rupture passerait par l’élucidation de la nature réelle de ce lien. Si la gauche sociale démocrate admet que l’autre gauche comportait consubstantiellement les éléments d’un totalitarisme, il faudrait qu’elle explicite pourquoi elle éprouve encore aujourd’hui plus de facilité à s’allier avec ses héritiers, PC, NPA, qu’avec par exemple le Modem, sociologiquement plus proche et en réalité, dans les pratiques et les projets concrets, politiquement plus proche. En réalité, on pourrait dire la même chose de l’UMP.

     

    Je crois qu’il faut revenir aux mots et qu’ils explicitent beaucoup de chose. Social démocrate était et reste considéré comme péjoratif par toute une partie de la gauche.

    Dans la controverse entre les gauches, ce n’est pas le mot social qui posait et pose problème, mais le mot démocrate.

     

    Du reste, le mot social ne pose de problèmes à personne. Vous décrivez vous-même la période de domination politique continue de la droite en France comme une sorte de paradis perdu ou le fordisme aurait permis le progrès économique et social. Ici aussi, il faudrait être plus clair.

    De 45 à 75, réussite du socialisme ? Est-ce à dire que pour réussir il ne doit pas être au pouvoir ? Dire que le fordisme jusqu’à la moitié des années 70 a assuré le plein emploi et la croissance économique et sociale, c’est oublier le politique. C’est la période ou pour l’essentiel, la gauche n’est jamais au pouvoir.

     

    Soit vous pensez qui il s’agit uniquement des acquis des luttes contre un pouvoir au fond toujours « anti social »  Alors, même avec Sarkozy, une gauche vraiment combative obtiendrait ce qu’elle voudrait. Le seul, ou en tout cas le principal responsable d’une dégradation du social serait alors la gauche et il faudrait comprendre comment et pourquoi.

     

    Surtout la démocratie serait inutile. Le politique, la démocratie, n’ont pas de raison d’être ?

    C’est bien le mot démocrate qui ose problème à la gauche.

     

    Soit « les autres », droites ?, Ultralibéraux ? Auraient non seulement de réelles préoccupations sociales mais qui plus est une réelle aptitude à les traduire dans les faits et il faudrait analyser pourquoi la gauche ne semble pas parvenir aux mêmes résultats. Est-ce uniquement le contexte économique ? La crise ? Rappelons que « la crise » jusqu’à présent, ce fut une diminution du taux de croissance. Pourquoi avec plus d’argent, au pouvoir, la gauche fût elle incapable d’autant de progrès sociaux que la droite par exemple Gaullienne ?

     

    Dans les deux cas, vous dites en gros comme la gauche non démocrate. La démocratie est un peu un leurre, les adversaires sont méchants et tous ce qu’ils peuvent faire de bon, ils le font malgré eux ou sous la pression de la gauche. La gauche est bonne par nature et ses échecs pratiques sont le fruit d’une fatalité incompréhensible….

     

    Une des parentés évidentes entre les gauches est peut être justement ce manichéisme. Si cela ne va pas bien, c’est la faute de quelqu’un et quand on lui aura réglé son compte, cela ira mieux. Il me semble que vous ne parvenez pas à sortir entièrement de cette logique.

     

    « La lutte qu’allait lui imposer les ultra libéraux ». Vous raisonnez comme si il existait une force organisée, volontariste, aux buts politiques précis et exclusivement nuisibles ou erronés.

     

    Ou sont ils ces ultralibéraux ? Ceux dont vous parlez ainsi appartiennent à quantité de partis différents, tous marqués par des traditions nationales avant même que par des idéologies, fussent elles libérales. En désaccord sur de nombreux points. Toujours soucieux de faire valoir des intérêts nationaux avant un quelconque libéralisme.. Le Chiraquisme est il un ultralibéralisme qui n’a même pas réussi à infléchir réellement la croissance des prélèvement publics ?, Le Merkelisme, etc…Le Kholimse ? La Reganisme, qui a consisté à augmenter les dépenses de l’état et à faire de la relance Keynésienne ?  Le mieux qu’aient réalisé les sois disants « ultralibéraux » dans certains pays a été de diminuer de quelques points les prélèvements obligatoires, ce qui compte tenu de la croissance, a pu se traduire par une augmentation en valeur absolue de la dépense publique.

     

    Les droites, ou pour mieux dire, les partis qui ne sont pas à gauche dans les démocraties occidentales, ont beaucoup moins d’unité idéologiques voir institutionnelles que leurs homologues de gauche.  

     

    Ce besoins de s’inventer un ennemi responsable, et qui plus est, au fond, un ennemi à son image, fait bien parti de l’inconscient commun aux gauches et c’est de cela qu’il faudrait se débarrasser. Rester au moins aussi « social » que les droites, mais devenir au moins aussi démocrate.

     

    Y a- t- il une baisse tendancielle de la productivité ? Chiffres en main, ce n’est pas évident.

    Le chômage est resté fort en France par exemple, mais a pu baisser dans d’autres pays au point de ressembler à du plein emploi, notamment aux états unis. Par ailleurs, la productivité augmentait beaucoup plus en France qu’aux EUA sur la période. Peut on confondre une certaine préférence française pour le chômage avec une baisse tendancielle de la productivité dans le monde développé qui reste un veux pieux marxiste toujours démentit par les faits sur le long terme ?

     

    Il n’y pas de crise aigué des doctrines ultralibérales parce qu’il n’y a pas de doctrines ultralibérales ou alors chez quelques intellectuels ultra minoritaires qui jamais n’ont été au pouvoir ou n’ont sérieusement entrepris de mettre en œuvre un programme maximaliste.

    Il y a une crise ponctuelle des systèmes de régulations qui ont évolué moins vite que le monde économique, mais il est dors et déjà évident que cette crise est conjoncturelle et non pas structurelle malgré les espoirs de l’autre gauche qui, consciente de son impuissance et de son incapacité à convaincre les populations, n’attend plus que d’un deux ex machina exogène, l’avènement de ses idées. La gauche raisonnable ne peut pas partager ce type d’analyse.


    La rupture avec un passé ambigu passe à mon avis pour la gauche raisonnable par un sursaut démocratique. Il faut qu’elle reconnaisse enfin que les gens qui ne pense pas comme elle sont aussi des démocrates, ont aussi des préoccupations sociales et que les divergences portent sur des dosages, des recettes, des modalités. Alors il sera possible de se battre pied à pied sur des solutions constructives aux problèmes sociaux.

     

    Et vous en arrivez aux deux points les plus importants à mon sens.

     

    La réforme de l’état. Oui, c’est clair, c’est le principal problème. Quand les prélèvements obligatoires atteignent pas loin de 60% en France, parler d’ultra libéralisme devient comique. Les améliorations sociales passent par une réaffectation des ressources et il faut prendre l’argent là ou il est, c’est-à-dire dans les poches de l’Etat. C’est ce que dit la droite ? La soupçonner d’être moins attaché que d’autre aux beautés du service public est un procès d’intention de type politique politicienne. La question est, ou on met le curseur et comment on organise le fonctionnement.

     

    Avoir un vrai projet de réforme de l’état est le principal enjeu d’une réforme de la France mais aussi de la gauche. La principale difficulté est que les gauches, toutes les gauches,  sont des partis de fonctionnaires, plus enclins à réformer les autres qu’à se réformer elles mêmes.

    Quand on parle de l’immobilisme français, on ne parle pas des agriculteurs, qui ont connu des révolutions, on ne parle pas de l’entreprise dont le changement et l’adaptation sont la loi.

     

     Et on revient qu début. Il faut sortir du manichéisme, la gauche doit prendre conscience qu’elle n’est pas une force du bien extérieure à la société qui va lui apporter des solutions, mais qu’elle est à l’intérieur est qu’elle est une partie du problème, comme évidemment tous les acteurs sociaux et non LA solution au problème.

     

    Ors, vous me paraissez mal parti. Prêt à tomber dans le piège écologique.

    Comme si la question sociale n’existait pas ! Elle n’a pas disparue avec les années 30. Elle reste d’actualité.

    L’écologie présente deux intérêts pour une  gauche qui ne voudrait pas changer. Elle peut permettre de justifier une intervention accrue de l’état pour des motifs présenté comme « scientifiques » et en réalité idéologique, mais là nous avons déjà donné.

    Elle permet de faire l’économie du « peuple ». Elle apporte potentiellement une réponse à la question que se posent beaucoup de gauche, pourquoi les pauvres votent ils à droite ?

     

    Tous ceci est dangereux, une telle voie permettrait de persévérer dans les erreurs du passé. Peu de réelle démocratie, puisque c’est « scientifique ». Le complexe de centralité, nous sommes la solution et non une partie de problèmes communs.

     

    L’écologie serait une solution pour ne pas sortir de la tradition dont on pouvait espérer la fin avec la chute du mur.

     

    Il serait plus dans la tradition la meilleur de la gauche de s’atteler à un projet vraiment généreux, se changer elle-même, changer l’état, au bénéfice du social.


  • Luc Paul ROCHE Luc Paul ROCHE 2 février 2010 20:10

    Deux choses m’ont amené à réagir dans cet article :
    1) La baisse tendancielle de productivité des économies (fussent-elles de l’ouest) ; j’ignore ce que Monsieur le Député entend par baisse de la productivité, mais j’ai plutôt l’impression que cette productivité ne cesse d’augmenter (il est vrai que par « productivité », j’entends le taux d’exploitation des travailleurs, et il est incomparablement plus fort aujourd’hui qu’il y a trente ou quarante ans, puisque la part des salaires dans la valeur ajoutée totale (le PIB) ne cesse de diminuer, en clair le capital est de plus en plus rémunérateur, le travail de moins en moins rémunérateur).
    2) L’article se conclut par une sorte de concept qui joue le rôle d’un « deus ex machina » : la réforme de l’Etat. Qu’est-ce qu’on entend par réforme de l’État : la LOLF, la RGPP, la RéATE, bref : les suppressions massives de postes au prétexte que beaucoup de fonctionnaires, cela ferait augmenter les impôts ? C’est sûr que beaucoup de fonctionnaires, cela peut finir par faire augmenter les impôts... des riches ! Mais ce serait le rôle d’une gauche rénovée que de repiquer un peu aux très riches les centaines de milliards qu’ils ont fauchés aux citoyens sous forme d’exonérations de charges et de cadeaux fiscaux.

    Bref : n’étant pas un homme politique, je ne peux proposer un programme politique, mais enfin je propose comme revendication immédiate pour les salariés : abolition de la LOLF, de la RGPP et de la RéATE (c’est un bon début).

    Amicalement.

    Luc Paul ROCHE, représentant FO
    Auteur de « SYNDICALOPHOBIES, L’horreur syndicalophobe ou les nouveaux visages de la servitude volontaire »

    http://www.thebookedition.com/syndicalophobies-de-luc-paul-roche-p-28980.html


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