mardi 18 décembre 2007 - par LOmiG

Les galimatias du PS

Le deuxième forum pour la rénovation du PS, au titre ambitieux (”Les socialistes et le marché”) a-t-il permis au PS de clarifier sa ligne idéologique ? Il semble bien que non, puisque Hollande y affirme reconnaître l’économie de marché mais vouloir combattre le libéralisme. C’est-à-dire qu’il fait l’apologie de la principale source de création de richesse, mais en niant ses assises philosophiques. L’économie de marché sans le capitalisme, et sans le libéralisme, ça s’appelle une économie planifiée, et - le passé le prouve - ça n’a jamais créé la moindre richesse. D’ailleurs, ça ne mérite pas vraiment le nom d’économie de marché.

Rénovation du PS ?

Voilà ce que disait François Hollande, en clôture du deuxième forum de la rénovation du PS, à la Cité des Sciences de la Villette à Paris :

S’il y a un aggiornamento à faire, c’est que nous reconnaissons l’économie de marché, mais que nous avons un rapport critique au capitalisme et que nous combattons le libéralisme.

Il a également dit :

Selon le numéro un du PS , l’économie de marché est “sans doute la forme la plus efficace pour produire de la richesse”. Mais, a-t-il ajouté, “nous ne la confondons pas avec le capitalisme (...) ou le libéralisme”.

Voilà qui est heureux : trois termes riches comme cela, il serait dangereux de les confondre ! Mais voyons ce qu’ils veulent dire pour comprendre le sens du message du premier secrétaire du PS.

Revoyons les bases

Prenons François Hollande au mot, et suivons son raisonnement. Il reconnaît que l’économie de marché est la forme la plus efficace pour produire des richesses. La définition donnée par le dictionnaire est la suivante :

Economie de marché

ÉCON., ÉCON. POL. Économie de marché. Conception des relations commerciales fondée essentiellement sur l’équilibre des achats et des ventes, sur l’état de l’offre et la demande. Anton. économie dirigée, planifiée.

L’offre et la demande, c’est de laisser faire la régulation naturelle, par le biais des fluctuations des prix, entre l’offre et la demande. Ok. Qu’est-ce donc, maintenant, que le capitalisme, et pourquoi faut-il un regard critique dessus (hormis le fait qu’il est toujours bon de garder son sens critique pour bien raisonner) ?

Capitalisme :

  • A.− Système économique caractérisé par la concentration de gros capitaux en vue de promouvoir la production et les échanges commerciaux.
  • B.− Système économique et social qui se caractérise par la propriété privée des moyens de production et d’échange et par la recherche du profit. Anton. socialisme, communisme.
  • − HIST. ÉCON. Capitalisme industriel (libéral ou de libre échange, concurrentiel). Mode de production basé sur la libre concurrence des entreprises.

Il me semble relativement clair que le capitalisme est intrinsèquement relié au commerce, et à l’activité humaine. Quelle économie de marché sans capitalisme ? Quel capitalisme sans économie de marché ? Les deux sont basés sur la reconnaissance de la liberté individuelle des acteurs, des droits de propriété, et sur la capacité des humains à s’adapter à leur environnement en intégrant les informations qui sont à leur disposition. L’économie de marché et le capitalisme émergent naturellement des activités humaines de commerce, pour peu qu’elles soient laissées libres d’évoluer. J’aimerais que François Hollande explicite ce qu’il entend par “nous ne confondons pas l’économie de marché avec le capitalisme”.

Anti-libéralisme

Pour comprendre ce que signifie “combattre le libéralisme”, il faut également revenir à la définition du libéralisme. Je l’avais déjà rappelée ici, mais les rappels font toujours du bien, pour ceux - du moins - qui souhaitent parler une langue commune et partager, confronter leurs idées.

Libéralisme :

  1. [Sur le plan moral] Attitude de respect à l’égard de l’indépendance d’autrui, de tolérance à l’égard de ses idées, de ses croyances, de ses actes.
  2. [Sur le plan politique ou socio-économique]
    1. Attitude ou doctrine favorable à l’extension des libertés et en particulier à celle de la liberté politique et de la liberté de pensée. En partic. Ensemble des doctrines politiques fondées sur la garantie des droits individuels contre l’autorité arbitraire d’un gouvernement (en particulier par la séparation des pouvoirs) ou contre la pression des groupes particuliers (monopoles économiques, partis, syndicats). Anton. autoritarisme.
    2. Ensemble des doctrines économiques fondées sur la non-intervention (ou sur la limitation de l’intervention) de l’État dans l’entreprise, les échanges, le profit. Anton. dirigisme, étatisme, interventionnisme, planisme.

A nouveau, il serait très intéressant que François Hollande précise le sens de “combattre le libéralisme”. Est-ce être intolérant à l’égard d’autrui ? Est-ce être opposé à l’extension des libertés politiques et de la liberté de pensée ? Est-ce prôner l’autorité arbitraire d’un gouvernement ou d’un groupe de pression à l’encontre des individus ? Non, bien sûr ! Dans sa bouche, il s’agit, conformément au dernier sens de la définition, de prôner l’intervention étatique, la planification centrale de l’économie. Il serait bon qu’il précise cela, et évite de pratiquer l’approximation de langage douteuse consistant à montrer du doigt une pensée qui est un humanisme : Hollande n’est pas anti-libéral, il est seulement communiste. Qu’il le dise, alors ! au lieu de continuer à vouloir flatter l’extrême gauche dans un grand écart conceptuel que l’obscurité de sa phrase ne parvient pas à dissimuler.

Enfumage marxisant

Pour illustrer tout cela, voici quelques paroles de Michel Rocard datant d’août 2005 (et dont je rappelle la source dans ce billet) :

Il faut jeter à la poubelle ce patois marxiste qui fait écran à la réalité. Nos camarades européens l’ont fait avant nous, et de manière spectaculaire, flamboyante ! Ils ont bien plus influencé et amendé leur société que nous-mêmes. En 1932, les sociaux-démocrates suédois, tout juste arrivés au pouvoir, ont organisé un congrès de crise en constatant que leur programme nationalisateur et dirigiste était inopérant. Nos amis allemands ont organisé leur congrès de Bad Godesberg parce que leurs militants échappés d’Allemagne communiste les ont convaincus du primat de la liberté sur l’économie administrée. Felipe Gonzalez, juste après la mort de Franco, a mis en jeu sa carrière pour convaincre ses camarades qu’une ligne pseudo-marxiste les conduirait à l’échec. [...] Comment peut-on être intelligent, participer à des cercles universitaires et créer Attac, ce monument de bêtise économique et politique ? Cela me sidère et me navre. Je vois évidemment d’où vient cette influence. Elle est liée au fétichisme marxiste et à l’inculture économique française. On n’enseigne pas l’économie réelle à nos enfants. Mais des enseignants adhèrent au fatras d’Attac... Il faut s’affirmer face à ces simplismes et ne plus les subir.

Pour finir, une dernière définition, qui permet de caractériser précisément la phrase de François Hollande :

Galimatias :

Discours confus qui semble dire quelque chose mais ne signifie rien.



12 réactions


  • tvargentine.com lerma 18 décembre 2007 11:02

    Ce parti est mort est enterré et il convient de reconstruire un parti disposant d’une base idéologique solide,qui tienne compte d’un environnement économique et des évolutions de la société.

    Ne plus être « seulement » un parti de fonctionnaires

    Devant le néant total depuis la candidature marketing de Ségolène ROYAL se parti est mort.


  • Jocrisse Jacques 18 décembre 2007 13:44

    Lomig,

    Bravo pour votre analyse.

    Cependant, vous auriez pu conclure, comme l’air du temps nous y autorise : « Il faut condamner la connerie, mais pas ses auteurs » (reprise du commentaire d’un corse autonomiste à la suite d’un lâche attentat :« je condamne la violence, mais pas ses auteurs »)


  • Marsupilami Marsupilami 18 décembre 2007 13:45

    @ L’auteur

    Bon article assez bien vu. Il faudrait délocaliser Bad-Godesberg rue de Solférino vu que le SPD Allemand n’en veut plus. Et évidemment, les éléphants roses autistiques et aprogrammatiques n’ont pas discuté du Nouveau Contrat Social proposé par Larrouturou dans son bouquin Le Livre noir du libéralisme, préfacé par Rocard...


  • Nometon Nometon 18 décembre 2007 14:32

    Quel bel exemple de galimatias que cet article !

    Vous posez des définitions qui ont le mérite d’être claires :

    « ECONOMIE DE MARCHE. Conception des relations commerciales fondée essentiellement sur l’équilibre des achats et des ventes »

    « CAPITALISME : Système économique caractérisé par la concentration de gros capitaux en vue de promouvoir la production et les échanges commerciaux. »

    Par la suite, vous faites très vite un amalgame des deux concepts : « Quelle économie de marché sans capitalisme ? Quel capitalisme sans économie de marché ? »

    Il n’y aurait donc aucune différence entre un « équilibre » (des échanges) et une « concentration » (des capitaux). Formidable égalité que vous posez entre deux réalités pourtant très distinctes. En gros, entre la légimitimité d’un échange marchand d’ordre privé et l’incurie de concentrations financières d’où toute valeur humaine est exclue, vous affirmez avec un humour feint, que cela se vaut bien et qu’il faut être ’marxisant" (hou, que c’est villain !) pour y voir autre chose...

    Il n’y pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir.


  • Céphale Céphale 18 décembre 2007 15:41

    Le galimatias économique n’est pas l’apanage du PS. Il surgit dès que l’on utilise des grands mots comme « marxisme », « libéralisme », « économie de marché ».

    Il y a les intellectuels qui ne connaissent l’économie qu’à travers les livres, articles et colloques. Exemple : Martine Aubry, qui a fait un stage chez Péchiney pour essayer d’approfondir ses connaissances en économie avant de pondre les lois sur les 35 heures.

    Il y a les pseudo- intellectuels aux idées courtes, souvent des cadres moyens et des journalistes qui ont une vision binaire de l’économie : d’un côté les exploiteurs, de l’autre les exploités.

    Et puis il y a ceux qui ont un réel pouvoir sur l’économie. Ils ne sont pas attachés à une doctrine, ils savent que c’est un sujet très complexe, qu’on ne peut pas le résumer en quelques phrases. Ils se taisent. Celui qui sait ne parle pas, celui qui parle ne sait pas.


    • Francis, agnotologue JL 19 décembre 2007 12:09

      Cephale, votre pseudo fait-il de vous quelqu’un autorisé à dire : «  »Il y a les pseudo- intellectuels aux idées courtes, souvent des cadres moyens et des journalistes qui ont une vision binaire de l’économie : d’un côté les exploiteurs, de l’autre les exploités«  »

      La binarité de l’économie réside en ce que les agents économiques ont deux fonctions : produire et consommer.


    • Francis, agnotologue JL 19 décembre 2007 12:12

      Pour faire du darwinisme économique (de bazar mais tout de même), je dirais que le libéralisme livré à lui-même a abouti à séparer les deux piliers du capitalisme que sont la consommation et la production. Cela s’observe au niveau mondial, macroscopique : les métropoles exploitent les colonies d’une part, au niveau local, individuel les vieux sont plus riches que les jeunes : le déséquilibre de la consommation entre inactifs et actifs est en croissance accélérée. Cette deuxième évolution est perceptible en ce que la différence entre revenus du travail et revenus du capital s’accroît, et aussi parce qu’une grande partie des travailleurs perdant leur emploi, viennent grossir les rangs des personnes assistées et, cercle vicieux oblige, les salaires s’en ressentent à la baisse.

      Toutes les mesures telles que le travailler plus pour gagner plus ne feront qu’accroître ces déséquilibres aberrants et mortifères.

      Quant à la croissance, il n’est peut-être pas inutile de rappeler ici qu’il existe une contrainte écologique vitale dont l’économie-pour-l’économie ne tient pas compte.

      Le dualisme keynesianisme-libéralisme, puique c’est de cela qu’il s’agit – économie de l’offre vs économie de la demande - , doit être arbitré par le pouvoir politique. Mais comme l’économie est mondiale et que le seul pouvoir politique mondial est entre les mains des plus riches – OMC, FMI et banque mondiale -, le système converge vers l’impérialisme économique.

      J’aime citer cette phrase : « N’ayant plus de nouveaux territoires à coloniser, nous avons colonisé nos propres enfants. » Amérique, notre histoire (Arte 27/11/06).

      C’est pourquoi j’ai fait cette observation essentielle à mes yeux de la séparation du « faire » et de « l’avoir », du travail et de la consommation, les deux carburants de l’économie.

      La colonisation de nos enfants signifie : les jeunes générations qui ne payent pas la dette intergénérationnelle pour cause de déliquescence accélérée de la protection sociale, sont exploitées pour cause de salaires bas imposés par les taux de chômages, et se retrouveront, pour cause de vieillesse ou de chômage, sans ressources.


  • Tonio Tonio 18 décembre 2007 16:10

    Voui, c’est pas bien de se moquer comme ça ! Bon, j’admet volontier que la presse a repris les éléments les plus ridicules de la déclaration de synthèse, mais tordre les termes comme vous le faites va un peu loin. Si il y’a débat ( smiley )sur la question au sein du PS, c’est bien que ça ne doit pas être si équivalent que ça.

    Par exemple, une des marottes des trotskystes quand ils jouent à imaginer la société communiste future, c’est de voir comment les marchés s’intègrent dedans.

    Alors, si il fallait définir les trois termes, de façon assez perso :

    - économie de marché : économie dans laquelle ce sont les acteurs qui déterminent les relations économiques, des institutions comme les marchés étant le vecteur privilégié de relation entre les acteurs (mais pas le seul).

    - capitalisme : concentration des capitaux et orientation de ceux-cis vers la domination des conditions de production. De mon point de vue, par exemple, l’URSS était un capitalisme d’Etat, mais pas une économie de marché. Le capitalisme va donc de pair avec une certaine forme de domination sociale, et n’est pas un pur phénomène économique.

    - libéralisme : (au sens économique bien sûr) non-intervention de l’Etat dans le fonctionnement de l’économie. Refuser le libéralisme, donc : considérer comme légitime l’intervention de l’Etat. Par exemple, quand les patrons d’Enron font fortune en plantant tous les épargnants, l’Etat américain les fout en tôle. Ouh, mais ça ressemble beaucoup à une intervention ? Il est communiste, Bush ? smiley

    Dans ce cadre-là, il y’a beaucoup de partitions à jouer, et même un centriste pourrait utiliser les phrases de Hollande, je pense. Mais les débats ont plutôt tourné en réalité sur la forme des modalités d’intervention de l’Etat dans l’économie, ce qui ne se voit pas dans les dépêches...


  • Francis, agnotologue JL 19 décembre 2007 11:18

    @ Agoravox, aux modérateurs : comment se fait-il qu’un tel article soit publié dans la rubrique « économie » ?

    Non seulement sur le plan économique cet article est vide, mais sur un plan général je n’y vois rien d’autre qu’une attaque ad hominem contre le PS.

    Cet article est d’une bêtise insondable.


  • arturh 19 décembre 2007 15:53

    C’est jamais que du baratin de hauts fonctionnaires énarques, comme Hollande, pour justifier que l’activité économique soit écrasée d’impôts pour payer leurs salaires d’administeurs spécialistes de la réglementation tatillone.

    Et pas des petits salaires, puisque Hollande a fini par payer l’impôt sur la fortune.


    • Tonio Tonio 19 décembre 2007 15:57

      hmmm, les hauts fonctionnaires gagnent bien moins que les politiques multimandats, pour ne pas parler des chefs d’entreprise...


  • ecirbaf 19 janvier 2008 12:26

    Pour une alternative crédible à l’ultralibéralisme débridé que nous jette à la figure N$ et sa cour, signez et faites connaître la pétition pour contraindre la direction du PS à se remettre au plutôt au travail en vue de l’élaboration d’un vrai programme de gauche, réfléchi, construit, très ambitieux mais crédible (sur l’initiative de Pierre Larrouturou, l’auteur du désormais fameux "Livre Noir du Libéralisme") :

    http://www.nouvellegauche.fr
    (ce type d’action est inscrit dans les statuts du PS)

    Ne restons pas sans agir (même à un humble niveau) !

    Pour ceux qui ne connaîtraient pas encore Pierre Larrouturou, quelques éléments clé :

    À 43 ans, Pierre Larrouturou est depuis peu Délégué national Europe du PS.
    De l’avis de beaucoup, il est un esprit libre et assez clairvoyant.

    > En 1993, il lance le débat sur la semaine de 4 jours et fait un Tour de France avec l’UDF Gilles de Robien. Depuis, plus de 400 PMEs sont toujours à 4j/semaine avec des milliers d’emplois créés en CDI à la clé
     > En janvier 1998, dans 35 heures le double piège, il "prédit" l’échec des 35h en termes de création d’emplois en masse
    > En février 2003, il annonçait qu’il y aurait un référendum sur la Constitution européenne et que le Non allait gagner si l’on ne négociait pas un vrai Traité social.
    > Début 2006, alors que tous les sondages annonçaient la victoire de Ségolène Royal, et tout en la soutenant, il écrivait dans Le Monde et dans Urgence Sociale que la gauche allait perdre en 2007 si elle ne prenait pas quelques mois pour construire un vrai projet.
    > Juin-Octobre 2007, Pierre Larrouturou a porté plainte contre François Fillon pour diffusion de fausses nouvelles en période électorale (Cf. Libération et Lemonde.fr du 6 juin 2007). Son action a été relayée par d’autres citoyens dans chacun des 100 départements français.
     


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