Sortir de l’euro ? Seules l’Italie et la France le pourraient...
Depuis la fin avril 2011, il est devenu clair que la Grèce, le Portugal et l’Irlande ne peuvent plus, ne pourront plus emprunter sur les marchés internationaux de crédit.
Jusqu’à la fin mars 2012, les emprunts de la Grèce sont couverts par la ligne de 110 Milliards € alimentée par le FMI (30 Milliards €) et le fonds de sauvetage européen (80 Milliards €)…mais le 29 mars 2012, la Grèce devra trouver près de 30 Milliards € que les marchés ne financeront pas.
Le financement des dettes helléniques ne peut donc plus être assuré au-delà de mars 2012 sauf par une extension des montants du fonds européen de sauvetage, c’est-à-dire de l’Allemagne.
Donc, ou l’Allemagne finance le passage des fonds européens de sauvetage à une dimension supérieure, ou les trois pays cigales (Grèce, Portugal et Irlande) ne peuvent plus se refinancer : les marchés n’en veulent plus.
Le débat se relance dans le Financial Times (voir article de Martin Wolf du 11 mai 2011) et le Wall Street Journal : les pays périphériques doivent-ils quitter l’Euro ?
En France, la réponse est morale car quitter l’Euro est impossible, surtout pour deux raisons :
- la dette publique serait réévaluée par la dévaluation à des niveaux impayables,
- les prix à l’importation vont monter du niveau de la dévaluation.
Ce qui est vrai, c’est que tout le monde ne peut pas penser sortir de l’Euro. En fait, seuls peuvent quitter l’Euro des pays industriels dont les produits peuvent être dopés à l’exportation par la dévaluation et dont le taux d’épargne est d’ailleurs élevé (15 à 17% du PIB). Deux pays seulement en Europe présentent ces caractéristiques : l’Italie et la France.
Les conséquences d’une sortie de l’Euro sont en fait celle d’une dévaluation. Le modèle actuel devient donc la Grande-Bretagne avec une dévaluation de la Livre sterling (₤) de 28% en 2008 (plutôt 22% en 2011 car la Livre sterling s’est récemment appréciée).
La hausse des prix en Angleterre a été en moyenne de 2008 à 2011 d’environ 3,1% par an contre 1,5% à 1,8% dans l’Eurozone. Les prix ont monté fin 2010 au rythme annuel de 4,4% pour rebaisser à 4% depuis. Mais dans l’Eurozone, le rythme annuel de la hausse des prix est passé à 2,7%.
La dévaluation de la Livre sterling a donc provoqué une légère fièvre sans plus alors même qu’elle a été accompagnée par une politique monétaire expansionniste de la Banque d’Angleterre, plus proche de la Federal Reserve américaine que de la Banque Centrale Européenne.
En ce qui concerne la dette, l’Euro est-elle une monnaie commune aux européens ou une monnaie étrangère ? En quelque sorte, les dettes en Euro sont-elles des dettes en monnaie nationale ou des dettes en Dollar (comme pour le Panama et l’Equateur, pays qui ont adopté le Dollar comme monnaie) ? Les réponses peuvent varier mais le débat ne peut être supprimé qu’au nom de la Morale.
Le plus vraisemblable est que l’Euro semble précipiter la faillite des pays de l’Europe périphériques…et la désindustrialisation de la France et de l’Italie.
Tout cela ne fait d’ailleurs pas une crise de l’Euro car les marchés de crédit ne croient plus au « risque monnaie » (les pays de l’Eurozone sont sûrs) mais au « risque pays » (l’Allemagne est sûre).
L’Euro devient donc de fait la monnaie de l’Europe forte autour de l’Allemagne, les autres pays dont l’Italie et la France doivent s’y adapter et s’imposer des réformes de structure, soit une réduction des budgets de l’Etat, une baisse des coûts salariaux, une réduction des dépenses sociales et la flexibilisation du travail.
D’ailleurs la Morale l’affirme (en fait un grand nombre de nos éditorialistes) : l’Euro et les réformes de structure sont bonnes pour les pays donc bonnes pour les habitants et les salariés…la France doit donc s’en féliciter avec enthousiasme car ainsi elle va redevenir svelte, performante et compétitive !
Morad EL HATTAB & Irving SILVERSCHMIDT
Auteurs de La Vérité sur la crise (Ed. Léo Scheer)
P.S. : Franz-Olivier Giesbert raconte dans son livre M. le président des scènes cocasses qui illustrent bien les rapports entre Nicolas Sarkozy et Angéla Merkel.
En mai 2010 lors du sommet de la zone euro sur la situation financière de la Grèce, Merkel refuse de payer pour les comptes truqués grecs. Au vu de la dette française, Sarkozy n’a guère de raison de se manifester. Face à Merkel, d’un seul coup Sarkozy se lève et lance « Je vois bien qu’on ne pourra pas se mettre d’accord. Auf Wiedersehen Angéla », et il emmène conseillers.
Quelques mois plus tard dans un autre sommet, Sarkozy qui se veut plus gentil lance à Merkel « On est fait pour s’entendre. On est la tête et les jambes » Réplique immédiate de la Chancelière « Non Nicolas tu es la tête et les jambes. Moi je suis la banque …. » Tout est dit.