jeudi 18 septembre 2014 - par Patrick Samba

Fessenheim : la ligne rouge, selon Jean-Vincent Placé

Dans une interview publiée sur Reporterre, le quotidien de l’écologie, Jean-Vincent Placé, le président du groupe écologiste au Sénat, passant allègrement du « je » au « nous » avec une facilité déconcertante, fait un tour d’horizon de ce que fut, est, et sera la stratégie d’Europe Ecologie Les Verts dans l’immédiat et les années à venir.

Remarquablement bref, et pour cause, sur ce qu’a gagné l’écologie politique depuis l’élection de François Hollande, il détaille en revanche ce qui fait la stratégie actuelle de son parti, et ce que, selon lui, amalgamant sa propre vision et celle d’un groupe qu’il semble vouloir représenter probablement parce qu’il en est le représentant au Sénat, cette stratégie devrait être dans l’avenir : l’ancrage d’EELV au centre de l’échiquier politique. Méprisant au passage ceux qui dans son parti souhaitent l’alliance des forces de gauche, tout autant qu’il méprise le Front de Gauche (« Je ne veux pas être inutile avec le Front de Gauche, je ne veux pas faire la passerelle avec le Front National »), il affirme tranquillement : « le premier ministre a raison : dans la situation actuelle, la réponse des Français n’est pas de dire «  plus d’écologie » ou «  plus de gauche ».

Pour un « écologiste », il fallait oser ! Une vision dont on peut mesurer la clarté par la myopie, pour ne pas dire la distorsion grave, qui émane de sa perception de la réalité politique récente : « Il y a un insuccès aux européennes : c’est nous, EELV ; mais il y a une débâcle, c’est le Front de gauche ». Apparemment il n’y a que Jean-Vincent Placé pour ne pas s’être aperçu qu’une situation exactement inverse s’est produite à ces élections.

Mais le plus surprenant peut-être restera, dans cet interview, sa conclusion. On a un peu de mal à réaliser qu’elle provienne de celui dont l’inclinaison essentielle consiste à privilégier le plus clair de son temps aux bidouillages politiciens plutôt qu’à convaincre ses concitoyens de l’importance de l’écologie politique.

En tout cas il en aura fallu du temps depuis le 6 mai 2012 jusqu’à aujourd’hui pour en arriver à ce dont il est question dans cette conclusion ! Très exactement 28 mois. Ou 120 semaines. Ou encore 840 journées. Eh oui c’est à cette échelle de temps que l’on mesure l’immédiateté à Europe Ecologie Les Verts. Et encore ! Car il n’est question dans cette prise de position politique inattendue que du rappel d’un engagement qui avait l’immédiateté comme élément constitutif. L’immédiateté restant probablement chez Jean-Vincent Placé un concept d’une très grande relativité. En France on n’est pas au Québec, où, lorsqu’une première ministre non-écologiste dit qu’elle fermera immédiatement l’unique centrale nucléaire de sa province si elle est élue, elle le fait. Non, en France quand des écologistes passent un accord avec un autre parti en prévision d’accéder au pouvoir, et que cet accord stipule que la centrale de Fessenheim sera fermée immédiatement après l’élection, ils mettent deux ans et demi à l’exiger publiquement. Mais il est vrai qu’en France le principal parti écologique est aiguillonné par des dirigeants de la trempe de Jean-Vincent Placé.

Ainsi donc la non-fermeture de Fessenheim deviendrait brutalement une « ligne rouge » qu’Europe Ecologie-Les Verts fixerait à Manuel Valls ! Non pas la fermeture « immédiate » - il ne faut pas exagérer ! - mais déjà sa fermeture, ce qui constitue tout de même un exploit au regard de ces innombrables semaines qui se sont déroulées silencieusement depuis l’élection de notre présimonarque actuel de la 5éme République

 

Parce qu’il est susceptible de passer à la postérité, je vous livre in extenso le passage de cette interview :

A la question des journalistes de Reporterre : « C’est cela, la stratégie Placé : une petite amélioration vaut tant de renoncements ?  », Jean-Vincent Placé répond :

« Mais ce n’est pas une petite amélioration, l’histoire de la transition énergétique ! C’est une grande avancée. En revanche, je vais me battre sur le budget sur le programme d’investissement d’avenir, sur les 300 millions, sur des budgets pour l’Ademe, sur l’agence de la biodiversité, etc. ça, ce sont des petits pas. Mais la loi de transition énergétique, c’est le nœud de notre discussion, ça passe ou ça casse. D’ailleurs, la non-fermeture de Fessenheim serait une ligne rouge, et je l’ai déjà dit.

Pourquoi Fessenheim et pas un autre ? Parce que c’est le plus caricatural, avec le lieu, la proximité de l’eau, le risque sismique, etc. Mais surtout, avec ses quarante ans d’âge. Fermer Fessenheim, c’est le premier pas sur l’arrêt de fonctionnement des réacteurs à quarante ans. En termes de ligne, soit on est pour le nucléaire - parce que ce serait simple, c’est sûr, économe - soit, comme le disent les écologistes, c’est dangereux et il faut fermer. Il n’y a pas de ligne médiane.

Mais comme on ne va pas virer les 58 réacteurs d’un coup, il faut engranger le premier. Et dès que tu l’as eu, c’est déjà une bataille de gagné ».

On boit du petit lait…

 

Mais qu’a-t-il bien pu se passer pour que Jean-Vincent Placé puisse proférer des paroles aussi catégoriques (sans néanmoins réclamer l’immédiateté, je le répète une nouvelle fois) ?

Ou bien Jean-Vincent Placé s’est finalement converti à l’écologie politique en adoptant l’héritage de ce qui en constitue ses racines (le nucléaire), ou bien, conformément à ce que je prédisais dans un article précédent (1), il cherche, en enfourchant la cause de Fessenheim, à se garantir une place bien au chaud aux cotés de Ségolène Royal, laquelle pourrait espérer un nouveau « désir d’avenir » dans l’hypothèse où celle-ci parviendrait finalement, et à fermer la plus vieille centrale nucléaire actuellement en activité sur le sol français, et à faire vivre la « grande avancée » que représente sa loi sur la transition énergétique pour la croissance verte.

Pourtant on voit mal comment elle pourrait y parvenir avec le contenu actuel de son projet de loi. Jean-Vincent Placé aurait-il des informations que peu de monde ont le privilège de détenir ?

Des commentateurs affirment que Manuel Valls aurait obtenu l’abstention des députés écologistes sur le vote de confiance, dont certains, dont Nöel Mamère en tête, prévoyaient de voter contre, qu’à la condition entre autres qu’il accepte de fermer Fessenheim.

Mais bien sûr ça reste à être démontré par les faits. Les seuls à avoir de la substance face aux paroles éthérées des professionnels de la politique politicienne.

 

Patrick Samba

 

(1) « il ne sera pas difficile de voir parmi ces derniers [Placé, De Rugy, Pompili…] lesquels envisagent de la soutenir afin de s’assurer grâce à elle un avenir que la démission de Cécile Duflot a contrarié : il y a ceux qui œuvreront fermement pour la fermeture de Fessenheim ; et les autres…  »

Crédit photos : merci aux auteurs (Reporterre pour la seconde photo)



6 réactions


  • caillou40 caillou40 18 septembre 2014 10:23
    Jean-Vincent Placé...taisez vous face de lune..vous vouliez entrer au gouvernement...

  • bernard29 bernard29 18 septembre 2014 11:23

    Il s’en fout Placé des lignes ! des lignes bleues de stationnement, des lignes jaunes continues, des panneaux rouges, c’est pas lui qui paye. Donc, sa ligne rouge on voit pas bien ce que c’est, d’autant qu’il est daltonien.


  • gotjy gotjy 18 septembre 2014 14:07

    Placé est un guignol,à quoi sert-il ?Sénateur,vous avez dit Sénateur,pauvre de nous,ce qui me fait mal c’est qu’il est payé au travers de nos impôts pour se la péter devant les médias et profiter des largesses de la maison de retraite appelée Sénat,c’est un parasite je suis dégouté


  • soi même 18 septembre 2014 18:02

    Placé n’a pas une affaire d’amendes , cela fait toute de suite sérieux avec les affaires qui on défrayer la chroniques politiciennes !


  • marc23 18 septembre 2014 20:51

    M.PLacé est un hypocrite qui soutient de fait partout où il peut le gouvernement de la droite socialiste. Qu’espère-t-il ? un poste ?


Réagir