La gronde en Thaïlande : benêts jaunes contre benêts rouges
En Thaïlande, rien ne va plus. C’était à prévoir : le gouvernement conduit par Yingluck Shinawatra, la sœur cadette de Thaxin placée là par son frère en exil à Dubaï d’où il exerce le pouvoir pour éviter une peine de deux ans de prison pour fraude fiscale, a ouvert la boite de Pandorre en tentant de modifier la Constitution à seule fin de permettre son retour. Légalement, l’opération tient debout puisque le Parti rouge au pouvoir détient une majorité pour ce faire. Mais c’était faire fi, d’une part de la Maison Royale qui ne veut pas entendre parler de celui qui veut transformer le pays en république, une république « forte « dont il serait évidemment le chef, et de l’autre la rancœur d’une opinion politique qui n’est plus du tout acquise au pouvoir en place auquel elle reproche de n’avoir tenu aucune de ses promesses sociales et qui s’enfonce dans la crise avec un nombre record de délocalisations et les coupes sombres dans l’emploi qui en résultent. La gestion catastrophique des inondations de l’avant-dernière saison des pluies sur le dos du monde rural et les coupes budgétaires dues au coût phénoménal du rachat subventionné des produits agricoles ont fait le reste. La vie devient chère, très chère pour le plouc de base qui devra s’en tirer avec 5 ou 6 euros par jour …lorsque travail il y a.
Une crise de société qui n’est pas sans rappeler la notre, les droits sociaux, beaucoup de droits sociaux en moins… Une préfiguration de ce qui nous attend ?
Le pays du sourire ( le sourire pour de l’argent ) n’en peut plus de ses contradictions.
Quand changement rime avec versatilité…
Le Parti Rouge au pouvoir, qui est aussi celui de la Police, se dit social, mais est sous la coupe de Thaxin Shimawatra l’homme de loin le plus riche du pays, un espèce de Berlusconi, de surcroît ex Ministre de l’Intérieur qui formate l’opinion avec son empire des communications. Un Chinois, un MEO, disent ceux qui ne le supportent pas. Son électorat, principalement paysan du Nord et du Nord-est du pays, est traditionnellement bouddhiste, mais met la défense de ses intérêts, de ce qu’il croit être ses intérêts, entre les mains de l’ennemi numéro un de la représentation de Bouddha sur terre, le Roi Bunibol maintenu quasiment artificiellement en vie et qui n’exerce plus son pouvoir depuis deux ans. Et pour ce faire, Thaxin corrompt, promet et promet encore, rappelle qu’il a des dossiers sur toutes les combines qui ne sont pas les siennes, achète toutes les consciences à ce qu’il estime être leur juste prix et ne sait plus que faire de son fric qu’il dépense sans compter ( et sans contrôle ) depuis Dubaï.
Allez expliquer cela à ceux qui voient en lui le défenseur de la veuve et de l’orphelin.
Le Parti jaune ou démocrate actuellement dans l’opposition, c’est tout aussi surprenant, est celui de l’Armée, de la Maison Royale et des élites aristocratiques ou soi-disant telles du pays. Tout aussi affairiste et corruptif que son concurrent, il a été largement battu aux dernières élections. Mieux, il doit sa simple survie aux Musulmans modérés qui, tout modérés qu’ils soient, n’en sont pas moins non bouddhistes, mais font l’objet de toutes les attentions, sauf dans l’extrême-Sud en état de guérilla permanente avec « la Nation ». Le désenchantement général pour le miracle Thaxin, le report aux calendes grecques des mesures sociales promises, la vie chère et la gestion piteuse par sa sœur Yingluck de sa charge de premier Ministre aidants, il est probable que les Jaunes ont à nouveau l’opinion de leur côté. Sûrs de leur force, ils ont envahi Bangkok comme l’ont fait les Rouges lorsqu’ils étaient en position inverse, dressent des barrages, payent comme l’ont fait ses adversaires des manifestants pour camper aux endroits stratégiques, exigent le retrait de la loi d’amnistie qui permettrait le retour de Thaxin, parlent au nom du peuple comme s’ils étaient égaiement l’espérance et cherchent par la force à renverser le pouvoir en exigeant de nouvelles élections.
La police leur est rentrée dedans de manière très décidée et, elle ne s’en cache pas, la haute hiérarchie militaire ne voit pas cela d’un très bon œil… Dépassée par les évènements, Madame le Premier Ministre se tait en attendant ce que va lui dire son frère. La Monarchie également malgré son pouvoir, devenu théorique, d’évocation
Entre-temps, Bangkok brûle pour la seconde fois en trois ans. Les premiers morts sont à déplorer. L'épreuve de force est engagée, advienne que pourra.
Œil pour œil, dent pour dent.
A ma gauche, la droite qui était l’opposition mais exerce le pouvoir au nom de la Police, ce sont les Rouges. A ma droite, la gauche qui est aujourd’hui l’opposition, mais n’exerce plus le pouvoir au nom de l‘Armée, ce sont les Jaunes.
C’est trop compliqué pour vous ? Pas vraiment. Dites-vous bien qu’en Thaïlande, tout repose sur l’apparence. En fait, les riches se battent entre eux pour devenir encore plus riches. La classe moyenne se réduit commepeau de chagrin.Les pauvres et autres administrés basiques n’ont toujours aucun droit, leur survie dépend du chef quel qu’il soit, et leurs filles sont comme de coutume traditionnellement envoyées au trime de subsistance, le plus gros business du pays. Ah oui ! La guerre fait toujours rage au Sud, le système médical public est dans un état de délabrement total et les tribus de montagne sont toujours aussi méprisées, non intégrées, analphabètes…
Vous ne trouverez évidemment pas trace de tout cela dans les merveilleux prospectus de voyage.
Thailand, amazing Thailand…
Au milieu de cet imbroglio, il y a l’électeur. Un électeur qui échange son vote contre 12 euros et un bac de bière, ou qui suit comme un seul homme son chef de village qui se déplacera en temps voulu pour lui rappeler que si 90% de la communauté ne vote pas dans le sens souhaité, c’en sera fini de tous, vraiment tous les subsides pour la localité.
C’est la version locale du suffrage universel…
ASTERIX