Le crime de Cahuzac
Citoyens et politiques ont-ils été outrés de la même façon par l’affaire Cahuzac ? Et si les protestations des politiques, une fois de plus, dissonaient avec celle du peuple… Cela ne signifierait-il pas que le crime que ceux-ci dénoncent n’est pas celui qu’on exhibe sous les yeux de la plèbe ? Sans doute vaut-il le coup de se demander non à qui profite le crime mais à qui nuit sa manifestation au grand jour.
Déçus ?
La condamnation de Cahuzac semble implacable et unanime. L’analyse dévoile cependant que la réprobation est moins exacerbée qu’il n’y paraît. Bien des citoyens ne sont même pas déçus, faute d’attendre encore quelque chose des politiques. Les images des deux ménagères qui manifestaient leur désenchantement à Hollande, l’une refusant de se faire photographier avec lui, l’autre, lui exprimant son dépit sans méchanceté, traduisent bien un sentiment général..
A Villeneuve-sur-Lot, ville dont Cahuzac est maire, les témoignages, à l’instar du candidat de l’opposition, marquent une absence d’étonnement devant cette affaire. Toutefois, les candidats UMP et FN s’inquiètent de ce que celui-ci soit encore très populaire et ait donc de bonnes chances d’être réélu localement. A l’évidence, une grande partie des élécteurs pratiquent une totale dissociation entre compétence politique et probité.
Tu ne nous mentiras point.
A bien y regarder, le tonnerre est plutôt venu de la classe politique même. Or, en quoi ce cas crée-t-il un précédent inacceptable pour eux ? Est-ce parce que Cahuzac était alors en charge d’un ministère ? Ce n’est pas là une situation inédite… Le véritable crime qu’on lui reprocherait serait d’avoir menti. Est-ce plausible ? Car, quel politique ne nous a pas mentis ? D’ailleurs, Cahuzac a beau jeu d’ironisé en déclarant avoir également menti en promettant qu’on respecterait les 3% de déficit budgétaire… Non, soyons-raisonnables, à quelle condition le mensonge en vue de dissimuler un acte répréhensible serait-il plus blâmable que l’acte lui-même ?
En fait, il n’y a pas à chercher bien loin pour localiser cette faute inacceptable pour ses pairs. Heyraut, dès le lendemain, vendait d’ailleurs, naïvement, la mèche : « Cahuzac a menti à l’assemblée nationale ». A cette phrase, mon sang n’a fait qu’un tour. Enfin, suis-je vraiment le seul qui ai trouvé cet aveux inacceptable ? Faut-il vraiment traduire : « Mentir au peuple, aux électeurs (ce que ce gouvernement, comme le précédent ne s’est pas gêné à faire) est une chose, mais nous mentir à nous, entre nous, ça, on ne saurait le tolérer ! » Voilà exhumé le crime de lèse-majesté…
Un pour tous : Tous pourris ?
Hollande a lâché que le ministre aurait dû se montrer « exemplaire et irréprochable. » Pléonasme ! Si le président, par exemplaire, entendait « qui puisse être considéré comme un modèle ». Mais, non moins oxymore ! Si l’on choisit de faire résonner un autre sens du mot exemple, à savoir : « un cas représentatif », le fameux « Un pour tous »…
Pitoyable spectacle que celui de l’assemblée nationale, tirant à gros calibre sur un corbillard ! A bien y réfléchir, cette scène de théâtre rappelle la fin du film de Fritz Lang, M. le Maudit ! Dans celui-ci, le criminel se voit traduit devant un jury composé de toute la pègre, moins pour dénoncer l’immoralité de ses forfaits que parce que la police, attisée par la grogne populaire, perturbe le traintrain de leurs forfaits habituels.
Ce n’est que du cinéma dira-t-on ! Mais, cette fronde unanime des élus n’est pas sans faire écho à une autre, bien réelle quoi que sous d’autres latitudes, à savoir celle qu’avait essuyée Clinton lors du scandale avec Monica Lewinsky assailli par la meute des tartuffes ! Souvenons-nous : Au cours du débat sur l'impeachment (la destitution de Bill Clinton le 19 Décembre 1998, Larry Flint par l’intermédiaire de son magazine Hustler, offre un million de dollars à quiconque apportera la preuve que tout haut-responsable politique ou juridique des Etats-Unis s’est compromis dans des affaires à caractère sexuel. Bob Livingston prend les devants et démissionne aussitôt de la présidence élue ! Mais souhaitons plutôt à nos sycophantes le sort de Bob Barr, le représentant de Géorgie et le chef de file des enragés anti-clintoniens[1] au Congrès ! Ce parangon de la moralité fut en effet confondu par le témoignage de son ex-femme…[2]