lundi 24 septembre 2012 - par Sylvain Rakotoarison

Ministres écolos : il va falloir partir !…

L’arrivisme des apparatchiks d’Europe Écologie est arrivé au taquet. Il va bien falloir choisir entre la vision du gouvernement et la démission. Et s’ils refusent de choisir, le PS va bien devoir en assumer les conséquences.

Le samedi 22 septembre 2012, le conseil fédéral d’Europe Écologie EELV a décidé de s’opposer à la ratification du Traité sur la stabilité, sur la coordination et sur la gouvernance (TSCG) signé par la plupart des membres de l’Union Européenne le 2 mars 2012 à Bruxelles (texte intégral ici).

Le TSCG fut l’une des données de l’élection présidentielle. Négocié pendant la campagne présidentielle pour résoudre de manière urgente la crise des dettes souveraines, ce traité fut utilisé par le candidat François Hollande comme la pierre angulaire de sa démonstration volontariste : il voulait renégocier un traité que vingt-cinq États avaient durement négocié.

Revenir sur la parole de la France n’était pas admissible pour un grand pays comme le nôtre, et François Hollande le savait évidemment, mais cela lui a permis de se distinguer du candidat Nicolas Sarkozy (et du candidat François Bayrou par la même occasion) et de …réenchanter du rêve.

Une fois élu, heureusement, la raison l’a emporté sur la démagogie électorale. Le conseil des ministres du 19 septembre 2012 a ainsi validé le texte du TSCG, lui-même déclaré conforme à la Constitution le 9 août 2012. C’est donc au Parlement maintenant de ratifier ce traité.

Si j’applaudis le fait que le Président François Hollande n’ait pas arrêté le processus de ratification de ce traité qui me paraît essentiel dans la période actuelle, je regrette toutefois qu’il ne soit pas allé au bout de sa logique en inscrivant dans la Constitution la règle d’or budgétaire comme l’avait prévu son prédécesseur en août 2011.

Interdire aux gouvernements suivants de jouer sur le clientélisme et la démagogie en finançant sans argent et donc à crédit sur les générations futures des cadeaux électoralistes comme cela fut le cas depuis trente ans est effectivement un gain pour la démocratie, et surtout, un gain pour les citoyens qui ne pourraient plus être pris pour des imbéciles par les gouvernants et les candidats gouvernants pendant les campagnes électorales.

Dans tous les cas, l’épisode du TSCG, qui est, à quelques semaines près, assez parallèle à l’épisode du Traité de Lisbonne au début du quinquennat précédent, est un élément essentiel dans la politique nationale du gouvernement actuel. D’ailleurs, des personnalités à gauche telles que Jean-Pierre Chevènement ou Jean-Luc Mélenchon l’ont bien compris et s’ils s’y opposent aussi fermement, c’est qu’ils voient bien que le sujet est crucial.

Dès lors, l’opposition des écologistes donnent un tour très différent de la définition de la coalition gouvernementale. Comment les ministres écologistes peuvent-ils sérieusement rester dans un gouvernement alors qu’ils s’opposent à l’une des mesures essentielles de sa politique économique et financière ?

Et le corollaire : comment le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault et le PS peuvent-ils accepter un jour de plus une alliance dont ils n’ont aucun intérêt ni politique ni gouvernemental ?

Il est temps, ministres écologistes du gouvernement Ayrault, de donner votre démission ! Sans cela, vous confirmez toutes les critiques que vous avez eues (avec raison) depuis une année, à savoir que le seul moteur de votre action politique est l’arrivisme.

Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Lorsque, le 23 septembre 2012, l’important président du mini-groupe des sénateurs EELV, Jean-Vincent Placé, proclame la liberté de vote à l’intérieur du gouvernement, il devrait réviser les bases minimales de l’action politique : si un parti s’oppose à une mesure fondamentale du gouvernement, il ne peut plus participer à l’action de celui-ci.

Depuis le coup de tonnerre de samedi, plusieurs personnalités ont déjà exprimé cette évidence dans la logique politique : si un parti vote contre ce projet du gouvernement, il ne peut plus avoir de ministres ! 

L’ancien Premier Ministre François Fillon l’a notamment exprimé dans le "Grand Jury" le 23 septembre 2012 sur RTL. De même, directeur de recherches au CNRS, le politologue Gérard Grunberg en profite, le 24 septembre 2012, pour se poser la question : « Comment en effet ne pas considérer que la décision des écologistes constitue une rupture grave de la majorité ? ». Gérard Grunberg s’était toujours étonné de la « générosité excessive » du parti socialiste à l’égard des écologistes.

En effet, alors que la candidate EELV, Eva Joly, obtenait très laborieusement 2,3% des suffrages exprimés au premier tour de l’élection présidentielle du 22 avril 2012, le PS a littéralement offert à EELV (sans contrepartie) deux groupes parlementaires (12 sénateurs et 17 députés) et deux ministres (Cécile Duflot et Pascal Canfin). Il faut insister sur le fait qu’aucun parlementaire national EELV n’aurait pu être élu en septembre 2011 et en juin 2012 sans la volonté affirmée du PS (au point de désavouer dans ses investitures ses propres militants).

Quand Cécile Duflot demande ouvertement, alors qu’elle est ministre, la légalisation de la drogue, on répond que c’est son droit, qu’être au gouvernement n’est pas une caporalisation. Je note cependant que si le professeur Léon Schwartzenberg a battu le record de brièveté au gouvernement (du 29 juin au 7 juillet 1988), c’est justement parce qu’il s’était déclaré favorable à cette légalisation mais au contraire de son imitateur François Hollande, François Mitterrand n’avait pas hésité à en tirer très rapidement la conclusion qui s’imposait.

Aujourd’hui, alors que le pouvoir exécutif est en total effondrement dans les sondages, sa propre majorité est boiteuse et si François Hollande ne met pas de l’ordre dans tout cela, nul doute que son immobilisme sera inéluctable.

L’aventure d’Europe Écologie était pourtant bien partie. Grâce à Daniel Cohn-Bendit et à son charisme, les écologistes avaient réalisé un score exceptionnel aux élections européennes du 7 juin 2009 en remportant 16 sièges avec 16,3%, en faisant jeu égal avec le PS, ce qui a dû le traumatiser vis-à-vis de ce mouvement politique. Daniel Cohn-Bendit avait réussi de fédérer des personnalités aussi différentes que Dominique Voynet, Cécile Duflot, José Bové, Eva Joly Philippe Meirieu, Augustin Legrand, Robert Lion etc.

Depuis ces européennes, Europe Écologie n’a cessé de s’effondrer au fil des différentes élections locales et nationales, pendant que le mouvement se structurait au profit seul de l’appareil d’origine des Verts sous la houlette de Cécile Duflot et de Jean-Vincent Placé.

Le 23 septembre 2012, Daniel Cohn-Bendit, l’initiateur du succès originel, a jeté l’éponge et a considéré que la décision du conseil fédéral d’EELV n’avait plus rien à voir avec la vision qu’il avait proposée en 2009. En effet, il n’y a plus rien d’européen dans cette vision rétrécie qui rejoint en somme les peurs actuelles de l’extrême gauche.

En juin 2009, François Bayrou et ses listes centristes avaient raté le coche. En insistant trop sur l’antisarkozysme et en faisant fi de la construction européenne, François Bayrou s’était effondré électoralement et n’a jamais vraiment pu se relever électoralement. Alors que l’UMP et le PS montraient une europhilie très mitigée (pour le moins !), François Bayrou et Daniel Cohn-Bendit auraient dû s’allier à l’époque pour proposer une Europe réellement intégrée où puisse se bâtir une gouvernance politique démocratiquement élue et médiatiquement identifiable.

La vision étriquée actuelle d’EELV est l’achèvement du projet de Cécile Duflot et de Jean-Vincent Placé de faire de ce micro-parti ("Les Verts"), ne représentant même pas un million de citoyens, l’un des partis les plus puissants de France, bien plus que le FN, que le MoDem, en devenant un parti parlementaire et gouvernemental. Ces deux têtes pensantes se moquent bien du devenir de leurs relations avec le PS. En effet, misant sur l’instauration du scrutin proportionnel pour les élections législatives, EELV pensent ainsi avoir définitivement réussi son intégration durable dans le paysage politique français. Pour le seul profit de ses quelques élus arrivistes.

Alors, ministres EELV, soyez au moins d’accord avec vous-mêmes, et quittez ce gouvernement qui, visiblement, n’a pas la même vision que vous de l’Europe et de la France !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (24 septembre 2012)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Cécile Duflot et le cannabis.
Hollande la farce.
Texte intégral du TSCG du 2 mars 2012.
Jean-Marc Ayrault.
La règle d’or budgétaire.
Daniel Cohen-Bendit.
La construction européenne.

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17 réactions


  • foufouille foufouille 24 septembre 2012 14:58

    entre le vote oui obligatoire et pas de droit de vote, c’est quoi la difference ?


  • HELIOS HELIOS 24 septembre 2012 18:17

    Bonsoir...
    Je pense que vous faites une confusion dans votre message...

    Les ministres font parti de l’executif et respectent globalement les decision du premier d’entre eux, le premier ministre. En ce sens, si le premier ministre souhaite qu’il y ait ratification du traité, c’est son devoir d’exiger de ces ministres qu’ils soient solidaires du reste du gouvernement......

    Les deputes, ceux qui votent la ratification, ne font pas partie de l’executif. Ce sont les representants du peuple et a ce titre ils doivent respecter la volonté du peuple d’une part et en regle générale les orientations de leur parti. Ils ne sont pas a la solde de l’executif, ils sont la force legislative de notre pays et ne sont soumis a rien d’autre que leur conscience et le respect republicain de la volonté des français qu’ils representent.

    Si les deputés d’EELV ne votent pas la ratification du traité, ce n’est pas du tout de la faute des ministres, et donc cela ne doit en rien interferer sur leur participation au gouvernement qui rappelons le, les a appelé pour une mission administrative de notre pays.

    Comme vous le voyez, il y a une sacré difference entre participer a l’administration du pays sous la direction du premier ministre, sans legitimité elective... et elaborer les lois par delegation des citoyens apres avoir ete élu. Ce sont ces derniers, les elus, qui vont voter et le resultat du vote ne remet pas en cause le choix d’administration du premier ministre.

    Je comprends tres bien, qu’apres 5 ans d’etat « UMP » où le president cumulait les fonctions de president, de premier ministre et souvent ministre et où il se croyait encore a la tête de son parti, que les députés ne respectaient pas les citoyens qui les avaient elus en votant comme le parti le leur demandait (les godillots) au lieu de representer en leur ame et conscience ces citoyens .... que vous soyez encore dans le même schema mental. Or, le PS n’est pas l’UMP, il se trouve qu’il partage avec EELV la domination politique avec toutes les dissonances et les divergeances qui sont normales et souhaitables dans une democratie.

    Le premier ministre tente bien une sorte d’intimidation et de chantage, mais j’espere que les deputes verts, que personnellementr je n’apprecie pas trop pour leur dogmatisme, fassent preuve d’independance face a l’executif, me ravit

    Bonne soirée


  • alinea Alinea 24 septembre 2012 22:17

    Cela ne m’était jamais arrivé à ce point : un article où j’ai envie de contredire chaque phrase.
    C’est épatant, merci !


  • Loïc Decrauze Loïc Decrauze 24 septembre 2012 22:57

    On s’élève tous avec Dany l’intègre –

    Il y a de la grandeur gaulliste chez Cohn-Bendit : un comble lorsqu’on se rappelle son cv d’étudiant insurrectionnel. Finalement, il est le seul à faire primer sa cohérence lorsque certains se ratatinent sur un marigot politique et d’autres cultivent le grand écart pour cause de maroquin. Coup de chapeau à l’un, chapeaux à manger pour les ministres écolos, à gerber pour le conseil fédéral d’EELV. Cf. le thème « Cohn-Bendit » sur "Le Lyonnais pamphlétaire« .


  • titi titi 24 septembre 2012 23:20

    « Un ministre, ça ferme sa gueule ou si ça l’ouvre, ça démissionne. »

    J.P.Chevènement.

     


  • Stof Stof 25 septembre 2012 07:53

    La droite se réjouit de la politique gouvernementale du PS et crache sur les écologistes. Rien de neuf sous le soleil.


    A ce compte, la prochaine élection se fera front contre front.

  • Denzo75018 25 septembre 2012 08:59

    Les Ministres « Verts » sont accrochés à leur Marocain comme les morpions à leur poil !

    Quelle rhétorique à la langue de bois de Cécile Duflot sur FR2 !
    Mais en tant qu’extrême Gauche, son Parti l’a bien formé...

    Dommage que les cardes d’ELV soient plus attachés à leur statut qu’à leur conviction ...

    On s’étonne que l’écologie stagne à moins de 5% en France ...


  • eric 25 septembre 2012 09:32

    Une dizaine de milliers d’activistes à jour de leur cotisation. Pour l’essentiel des élus et autres professionnels tirant leurs revenus de l’argent public. Ils exploitent un capital électoral et médiatique pour en tirer des postes et des prébendes publics dans leurs négociation avec un PS qui est la même chose en plus gros. La même chose aussi que Le FdG mais en plus jeune. C’est du reste pourquoi ils tirent mieux les marrons du feux que les communistes. Ils sont plus cyniques. Le vrai problème est qu’ils donnent un mauvais exemple aux générations de jeunes élus PS. Pour le reste, pour qu’on envisage de les virer, il faudrait : que le PS ne soit pas aussi sociologiquement minoritaire ( 60% de vote à droite au premier tour des présidentielles), n’ait pas besoin de leurs vote localement, qu’il ait une colonne vertébrale et une volonté politique.

    le plus hilarant dans cet épisode,n’est pas que les écolos inventent la « participation sans soutien », mais ce que cela signifie. Le PC a souvent soutenu des politiques de gauche misent en œuvre par un gouvernement PS sans participer à leur application. Soutien sans participation.
    En acceptant la participation sans soutien, le PS admet en quelque sorte qu’il n’a en réalité pas de politique autre que le partage des pouvoirs, postes et argents entre lobbies.

    En même temps, ce n’est pas réellement un scoop. Il ne se passera rien d’important. Au pire, une OPA PS sur une partie des verts. Pour le reste, je parierait sur un passage au FdG.


  • Taverne Taverne 25 septembre 2012 10:08

    Duflot de paroles, il n’est rien sorti. Dix minutes de journal télévisé qui auraient pu être consacrées à de l’information...


    • chantecler chantecler 25 septembre 2012 10:25

      Ah pardon !

      J’ai apprécié l’interview de ce vermisseau de Pujadas , comme qu’il te l’a triturée la Cecile Duflot qui affirmait être solidaire de ce gouvernement en tant que ministre ...

      Ce Pujadas , quelle pointure ! Je me souviens de toute sa morgue quand il recevait NS , les ministres et les membres UMP ...

      Comme il les contredisait ce journaliste que le monde entier nous envie .

      Le journalisme TV : une passion .


  • eric 25 septembre 2012 10:42

    Je pense que l’OPA aura lieu partie en cash partie en action. Cohn Bendit a bien dit qu’il ne partirait pas seul. D’ailleurs à gauche quand on part seul, c’est à dire quand on parvient à rompre le cordon ombilical, c’est pour aller à droite. Il va falloir que Désir fasse un peu de place dans les instances du PS aux nouveau arrivant.
    L’intégration de l’aile gauche des verts au FdG sera plus compliquée. Il y a plus de cadres que de militants dans les différentes composantes et le PC n’est guère partageux en interne.
    Un avantage, les rares qui resteront au parti ecolo bio seront peut être les moins indifférents aux vraies problématiques écologiques. Mais qui s’en soucie ?


  • le poulpe entartré 25 septembre 2012 12:22

    Encore une bouse de la danse du ventre de l’ UMP.
    ils sont pathétiques à la permanence informatique nocturne du web. Le jockey a été limogé mais ils veulent encore le remettre en selle. Ces boyscouts avec leurs combats d’arrière garde en déroute sont vraiment des comiques troupiers. Ils méritent leurs oeufs pourris.


  • Morpheus Morpheus 25 septembre 2012 13:45

    C’est bien de pouvoir identifier les collabos.


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