lundi 18 février 2013 - par Nanoub

Margaux aussi s’est exilée en Belgique

Plusieurs personnes m'ont demandé de parler de mon expérience de mère d'enfant autiste. Ce sujet m'est très douloureux, aussi ai-je choisi de vous parler de l'exil (pas fiscal du tout) de ma fille, qui a 22 ans, en Belgique, qui est ce qui nous est arrivé de mieux depuis la découverte de son handicap.

Exil relatif, puisque ma fille rentre un weekend par mois, l'établissement où elle réside rapatriant les Parisiens en bus, à ses frais.

 

Je ne dois pas cacher les 3 années de galère pour chercher puis trouver un centre pour adultes, les stages ratés en Région Parisienne faute de personnel et d'encadrement pour les autistes.

Alors que je commençais à perdre espoir, une proposition est arrivée de Belgique. Un centre pour handicapé mentaux allait s'ouvrir à Spa.

Nous y sommes allées, toutes les deux, un peu sur la défensive ; l'atmosphère était lugubre, les locaux étaient vides, il s'agissait d'un ancien hôtel de luxe.

L'entretien s'étant bien déroulé, ma fille est entrée dans ce centre en Septembre 2010. Après une période d'adaptation relativement courte, elle a commencé à évoluer et progresser ; nous avons en effet noté des changements significatifs chez elle lors de ses retours.

Elle commençait à faire preuve d'une personnalité bien assise, savait nous dire non, prenait des initiatives et surtout, devenait indépendante. Nous n'avons plus eu, ces 2 dernières années, de crises de violence incontrôlables, mais nous avons aussi reçu moins de câlins, ce qui prouve que notre "petite" est devenue une adulte.

 

Mais qu'a donc ce centre de si magique ?

- Une directrice, jeune, dynamique et tellement engagée qu'elle sacrifie tout son temps à son établissement, qu'elle s'y investit totalement. Elle est le moteur du centre.

- Des éducateurs en nombre suffisant, jeunes, motivés et gais, une équipe formidable.

- Les moyens nécessaires au bon fonctionnement des ateliers et de la vie quotidienne.

- Des activités extérieures, des sorties, des randonnées, spectacles, etc...

- Un grand respect du pensionnaire, de sa personne, une attention sans faille pour ces patients qui demandent beaucoup de temps et d'attention et de tendresse.

Bref, de quoi passionner, ravir, intéresser même les plus handicapés, sans compter une ambiance jeune et décontractée.

 

Pourquoi la Belgique et pas la France ?

- Parce que les centres français pour adultes sont trop peu nombreux et qu'ils ont des listes d'attente pouvant dépasser 100 personnes.

- Parce que les budgets alloués aux foyers ont été drastiquement réduits, notamment sous le dernier quinquennat, malgré de grands effets d'annonce.

- Parce que beaucoup des éducateurs de notre pays sont peu motivés par leur travail qui n'est que trop souvent qu'un gagne-pain.

- Parce que les centres français comptent jusqu'à 5 cadres, sans parler des comptables et secrétaires pour une soixantaine de pensionnaires ( J'évoque là l'ancien IME de ma fille).
 Les sommes pléthoriques dépensées pour leurs salaires grèvent le budget des soins et de l'éducation des pensionnaires.

- Parce que nos règles sont si rigides que personne n'a, par exemple, le droit de mettre les pieds dans la cuisine, et surtout pas les pensionnaires. Parce qu'on interdit aux jeunes filles les jupes, même longues, et les décolletés.

- Parce que tout rapport affectif est prohibé entre éducateurs et enfants.

 

Sachez que nous recevons chaque mois des vidéos des activités du centre, et plus particulièrement des vues prises lors des fêtes quasi mensuelles, tout étant prétexte à rassembler les pensionnaires dans des occasions festives et hors d'un cadre rigide.

Noël a été l'occasion d'un beau feu d'artifice, le père Noël est arrivé sur le balcon du Château, a lancé des friandises. On les voit tous, immobiles dans l'obscurité du parc uniquement éclairé par des feux de bengale, saisis par la magie du moment et n'osant bouger, puis se précipitant pour ramasser les bonbons.

Il suffit de voir les photos de ces personnes enlacées et il est évident que l'équipe ne ménage pas les câlins, pour le plus grand bénéfice des patients.

 

Une mère apaisée



8 réactions


  • fatizo fatizo 18 février 2013 13:01

    Bonjour Nanou, 


    Comme quoi, avec de l’amour et du personnel en nombre et en qualité on peut réussir de belles choses.
    Et dire que pendant ce temps là, en France tout se dégrade, y compris ce qui faisait sa force .
    Bises et bonne journée .

    • Nanoub Nanoub 18 février 2013 15:35

      Bonjour Fatizo,

      les Belges ont bien compris qu’il y avait une grosse demande en structures pour handicapés.
      Et ils ont investi pour en créer.
      Ils forment aussi énormément de personnel, très motivé.
      La France, pendant ce temps-là, coupe dans le budget du handicap (comme de l’éducation, de la recherche, etc...).

      On reconnait un pays à la façon dont il s’occupe de ses handicapés...


  • velosolex velosolex 18 février 2013 14:25

    De même, malheureusement, beaucoup de familles, souvent frontalières, ont placé leurs parents âges dans des structures belges, en raison des couts, moindres, et d’une meilleure qualité.
    Pourtant, jamais le PIB du pays, n’a jamais, en dépit de ce qu’on nous dit, jamais si élevé !


    • Nanoub Nanoub 18 février 2013 15:40

      Bonjour Velosolex,

      Effectivement, les prestations sont meilleures en Belgique pour les personnes âgées aussi.
      Et les maisons de retraite sont plus nombreuses et moins couteuses qu’en France.
      Si la personne âgée est mieux dans un établissement belge, la famille n’étant pas trop loin, tout le monde s’y retrouve.
      Le PIB n’est pas dans nos porte-monnaie, hélas. Ceux-ci se dégonflent vitesse grand V.


    • rosemar rosemar 18 février 2013 21:53

      Bonsoir nanoub


      contente que ton article soit publié : un beau témoignage... sur des structures d’accueil qui devraient exister aussi en France...

      A + nanoub



    • Nanoub Nanoub 18 février 2013 22:44

      @ Rosemar,
      merci pour ta gentillesse.
      J’ai l’intention de mettre le turbo maintenant que j’ai recommencé à écrire !
      Bises


  • Surya Surya 24 février 2013 11:22

    Bonjour Nanoub,

    Je suis vraiment heureuse pour vous, que vous soyez enfin apaisée, et pour votre fille qui a enfin trouvé un lieu ou elle pourra s’épanouir.
    Ce que vous décrivez des centres d’accueil pour personnes autistes en France ressemble plus à un bagne qu’autre chose. Où est passée l’humanité la plus élémentaire ? C’est consternant.
    C’est tellement vrai, que l’on peut juger un pays sur la façon dont il s’occupe de ses handicapés ! Pourquoi ce retard de la France dans la prise en charge des personnes handicapées ?
    J’avais vu à la télé il y a quelques années un reportage sur une femme française, en chaise roulante, obligée de partir vivre en Suède parce que sa vie d’handicapée en France n’était tout simplement pas possible.
    Le simple fait pour un handicapé de se déplacer dans Paris est un parcours du combattant. Même pas la peine d’espérer prendre le métro. Et pourtant les handicapés payent aussi des impôts, comme tout le monde, (ah, quand il s’agit de payer ses impôts, l’administration les considère comme tout le monde, du coup...) ils sont donc en DROIT d’exiger des services de qualité pour tous.

    Puissent les choses s’améliorer aussi rapidement que possible en France, afin que toutes les personnes autistes trouvent l’aide dont ils ont besoin sans être obligés de s’exiler ainsi.
    Malheureusement, il me semble qu’il n’est pas dans le caractère français d’accepter facilement de prendre exemple sur les autres. ll y a une sorte d’orgueil mal placé qui fait qu’on rejette systématiquement ce qui vient de l’extérieur, même si c’est mieux et mieux organisé. Par contre nous sommes toujours en tête de peloton pour montrer du doigt et critiquer autant qu’on le peut, jusqu’à l’injustice, même, les failles des pays étrangers. Si on fait remarquer que ici ou là, les choses se passent différemment, que l’on donne des exemples pour illustrer son propos, c’est extrêmement mal perçu, presque comme une insulte.

    Juste une petite remarque que, j’espère, vous me pardonnerez de glisser ici car c’est hors sujet, mais le fait d’être quasi obligés aujourd’hui de se justifier pour prouver que l’on n’a pas quitté la France pour des raisons fiscales, le seul fait de se croire obligé de préciser que la personne n’est pas partie pour des raisons fiscales, me fait penser que nous vivons actuellement une véritable chasse aux sorcières. C’est devenu suspect de vivre ailleurs qu’en France, et on montre désormais du doigt ceux qui s’expatrient. La France est en train de se refermer sur elle même et devenir complètement parano.

    Revenez, si vous le souhaitez, donner des nouvelles de votre fille, et tenir au courant de l’évolution des institutions pour personnes autistes en France. Très bonne journée à vous,


    • Nanoub Nanoub 24 février 2013 12:12

      Bonjour Surya,
      Que la France soit parano est tout à fait évident. Mais schizo aussi, ce qui ne gâche rien !
      Mon fils ainé s’est expatrié il y a plus de 7 ans, avec ma bénédiction, pour des raisons de carrière. Et je sais qu’il ne reviendra plus travailler en France.

      En ce qui concerne l’autisme, les Français sont très en retard. On en est à se demander encore si c’est la mère qui est responsable du handicap.

      Actuellement, faute de personnel, les centres pour adultes handicapés en sont réduits à prendre... les moins handicapés, ceux qui sont les plus faciles à gérer. C’est une honte de laisser les plus atteints sur le bord de la route.

      Quant à prendre modèle sur d’autres pays, c’est non, bien sur.
      Nous cocoricons sur notre tas de fumier avec un orgueil incommensurable.

      Pour ma fille, le fait qu’elle soit à l’étranger ne me pose aucun problème, alors que mon entourage en a été surpris et presque outré.
      Qu’ils ragotent, je m’en fiche, ma fille va bien et fait continuellement des progrès.
      Merci de votre passage, j’ai besoin de soutien, les luttes que j’ai du mener m’ont durement éprouvée.


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