mercredi 30 juillet 2014 - par C’est Nabum

Un courage sans égal

Une administration si peu humaine ...

Parcours du combattant.

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J'aimerais vous parler d'une collègue et amie, femme opiniâtre qui ne cesse d'aller la tête droite dans la tourmente et les difficultés, « mère courage » qui tient le cap quand le navire tangue et que le second a posé les amarres. En ai-je le droit, moi qui n'en sais pas beaucoup sur elle, bien assez pourtant pour lui tirer mon chapeau et avoir honte de notre administration ?

Je l'ai découverte cette année et l'ours mal léché que je suis, de prime abord, a sans doute mis bien trop de temps pour aller vers elle. On ne peut se refaire. Il me faut prendre mes marques, savoir à qui j'ai affaire avant que de donner ma confiance et quelques conseils. C'est un métier si complexe qu'il se joue bien trop souvent en solitaire, porte de classe et cœur fermés.

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La glace s'est brisée pourtant bien vite avec elle qui voulait tant donner, sans mesurer ni ses efforts, ni ses marques d'intérêt ; aussi gourmande de conseils, qu' avide de projets. Une vraie battante, une femme portant haut le flambeau d'un métier qui ne laisse pas de place aux tièdes et aux calculateurs, aux chafouins et aux mesquins.

Bien loin de s'économiser, elle donne sans compter ni son temps, ni sa peine. C'est pourquoi, en découvrant notre structure si nouvelle pour elle, elle voulait la comprendre dans sa totalité. Comme elle n'a pas reçu de formation particulière l'administration la ballotte, de poste en demi-poste, de remplacements en congés de formation et cela depuis cinq années. Elle bouche des trous à 130 kilomètres de son foyer, d'un mari et de deux enfants. Travailler dans de telles conditions : une sinécure n'est-ce pas ?

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Plus d'un remplaçant, comme c'est souvent le cas, confronté à des furieux, des élèves qui dépassent les bornes et les schémas habituels, se serait donné bonne conscience et aurait déposé les armes en se faisant porter pâle. Ce serait mal connaître notre battante que de la croire capable de renoncer ; au contraire, elle a tenu le choc, elle a pris des initiatives pour tenter de garder le cap dans la tempête. Elle a donné au-delà du possible, au-delà de ses doutes, au bout de ses interrogations.

Puis le temps fut venu de laisser une moitié de place à la titulaire qui revenait de congé de maternité. Sans ménagement, sans un merci pour son investissement, on l'envoya parcourir encore un peu plus ce département, si loin de son domicile. On lui fit faire le grand saut, passer d'une structure à une autre sans aucun rapport, sans aucune cohérence, sans penser à elle. L'administration est une entité sans âme, elle le montre chaque jour.

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Employée encore deux jours par semaine dans notre structure, elle allait, n'importe où, deux autres jours. C'est le sort des remplaçants, des jeunes qui débutent et de ceux qui n'ont pas de chance. Il n'y a pas à s'en étonner et surtout pas à s'en plaindre même si, pour elle, ce cirque honteux dure depuis cinq ans …

Hélas, chez elle, cette vie de folie avec ses départs aux petites heures du matin, ses retours tardifs le soir firent des dégâts. Son mari ayant craqué, fut soigné en centre de repos et ses jeunes enfants se retrouvèrent sans garde. La mère dut prendre des congés de maladie pour sauver ce qui pouvait l'être. On lui fit des ennuis, sans honte ni compassion.

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Pire, quand elle reprit le travail en trouvant des solutions de bric et de broc, on l'envoya deux jours par semaine encore plus loin, dans un établissement tout aussi difficile. Quelle gestion sans humanité d'un dossier qui n'est qu'un numéro et certainement pas celui d' un être humain ! Elle a tangué, elle a souffert et elle a serré les dents, faute d'autre solution.

Toutes ces difficultés n'ont pas nui à son travail qu'elle a accompli sans jamais mesurer ses efforts malgré l'angoisse éprouvée pour ses petits, loin d'elle, et pour ce mari qui perdait pied. Elle a oublié ses blessures personnelles, cette vieille et terrible faille, dégâts causés par des monstres à certaines femmes. Elle a tenu bon, espérant, cette fois, au prochain mouvement de personnel, un peu de chance et plus d'humanité du côté de notre administration.

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Vain espoir, pauvre espérance devant l'inhumanité du système et sa lourdeur considérable ! Le mouvement est passé, elle restait, lui apprit-on, dans ce département si loin de chez elle. Sa situation pour dramatique qu'elle fût, ne pouvait être prise en considération. Pire encore, elle n'eut pas de poste au premier mouvement, pas plus qu'au second.

Elle va passer ses vacances à courir avec ses enfants,à visiter de temps à autre un mari qui a sombré un peu plus, à assumer un déménagement qu'elle n'a pu éviter dans de telles circonstances. Sans compter toutes les catastrophes à supporter, celles qui n'arrivent que dans ce genre de galère. Elle ne sait pas à quelle sauce elle sera mangée à la rentrée, ni où on va l'envoyer. Comment passer un été serein, comment être disponible aux siens ?

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Bien sûr, l' assistance sociale de l'académie a assuré suivre son dossier, en reconnaissant toutefois son incapacité à améliorer la situation de cette pauvre femme. C'est à s'étouffer de honte et d'indignation ! Mais, dans cette maison qui va si mal, les gens qui ne vont pas bien-et pour cause- sont si nombreux, qu'on s'avoue impuissant à leur venir en aide.

Elle sera pourtant présente le jour de la rentrée quand d'autres ont déjà prévu, depuis belle lurette, de se mettre en arrêt de maladie. Mais ceux-là sont titulaires et, devant cette justification, qu'importe les fautes, les maladresses et les incompétences : la maison baisse pavillon et ne joue de l'autoritarisme que contre les plus vulnérables, dont cette collègue fait partie, hélas !

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J'espère que cette colère sera entendue. Qu'il y aura une bonne âme dans cette maison pour prendre pitié de cette dame. J'en doute un peu. Il y a bien longtemps que la machine s'est emballée et dévore les siens sans aucune pitié. Je ne peux que souhaiter bon courage à ma vaillante collègue, je sais qu'elle n'en manque pas afin de supporter, une année encore, l'insupportable !

Honteusement leur.

 

Photographies de Loire en Bretagne

 

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12 réactions


  • Doume65 30 juillet 2014 11:54

    Bonjour.
    Pour moi, ce récit met en lumière l’inutilité pour ne pas dire la nocivité du principal syndicat de l’enseignement qu’est le SNES. Ce syndicat porte mal son nom car ce n’est pas un syndicat, mais le bras armé dans l’éducation nationale du parti socialiste.
    Je ne suis pas personnellement dans l’éducation nationale, mais plusieurs membres de ma famille proche oui. N’hésitez pas à me réfuter si je me trompe.


    • C'est Nabum C’est Nabum 31 juillet 2014 08:14

      Doume65


      J’ai toujours pensé celà sans jamais l’avoir dit dans cette maison qui ne supporte pas d’entendre les vérités essentielles !

      Se syndiquer, c’est souvent une garantie de promotion plus rapide. Lamentable

  • Jeff84 30 juillet 2014 12:55

    Si seulement les établissements étaient mis en concurrence, la solution serait facile, partir travailler pour quelqu’un d’autre qui rémunérerait son travail à sa juste valeur, pas forcément seulement en argent, mais aussi en conditions de travail. A la place, vous avez cet esclavage moderne. Si vous voulez être enseignant, c’est ca et rien d’autre.

    Vous avez voulu ce monopole, voila ce que vous récoltez.

    • C'est Nabum C’est Nabum 30 juillet 2014 19:01

      Jeff84


      L’idée n’est pas mauvaise à la condition que la désignation des chefs d’établissements ne soit pas l’occsion d’une pensée unique en matière de pédagogie.

    • Jeff84 30 juillet 2014 20:04

      Evidemment, je ne l’envisagerais jamais autrement :)


      Donner leur chance à une palette la plus large possible de méthodes est le meilleur moyen de progresser.

    • C'est Nabum C’est Nabum 31 juillet 2014 08:16

       Jeff84


      C’est hélas impossible dans une administration qui choisit les plus confirmistes pour tenir les rennes d’un système qui se meurt.

  • L'enfoiré L’enfoiré 30 juillet 2014 13:42

    Bonjour Nabum, Belle présentation qui fait penser à un côté positif et à un négatif. Le travail dans le sens pur du mot ( vient du bas latin « tripalium », lui même issu du latin « tripaliare » signifiant « contraindre ») ne paie plus. C’est celui qui parvient à l’éviter par n’importe quel entourloupe, avec une idée géniale derrière la tête qui gagnera au centuple ce que cette pauvre dame gagne en un mois.

    Il n’y a pas de colère à avoir, seulement un raisonnement pour se positionner dans l’époque où nous vivons.
    Savez-vous quel est l’article qui est beaucoup lu chez moi (souvent par des Français d’ailleurs) ?

  • 65beve 65beve 30 juillet 2014 21:41

    Bonsoir Nabum,

    Devant ce naufrage, vous auriez dû mettre des photos de la Bérézina au lieu de la Loire.

    cdlt


  • C'est Nabum C’est Nabum 31 juillet 2014 09:38

    igorencore


    Bonjour cher ami
    Je vous remercie pour votre franchise et espère n’avoir jamais à vous compter parmi mes relations.
    Cependant, je respecte votre opinion et déplore votre manière d’en faire part.

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