Vers un droit opposable à la scolarisation des enfants handicapés ?
Le Conseil d’Etat vient de rendre une décision importante. Dans l’affaire Laruelle jugée le 8 avril 2009, il a imposé à l’Etat une obligation de résultats pour la scolarisation des enfants handicapés. L’administration ne pourra plus désormais se retrancher derrière l’insuffisance du nombre de places dans les établissements spécialisés pour se soustraire à ses obligations. En langage juridique, on dit que l’on passe d’une obligation de moyens (comme l’obligation qui pèse sur le médecin pour soigner son patient) à une obligation de résultats.
- Les parents de Guillemette
Cette décision est porteuse d’effets importants. D’abord, elle met fin à la diversité des jugements rendus qui étaient autant de ruptures d’égalité de traitement entre les enfants handicapés. Or, notre république est fondée sur le principe d’égalité de droits entre ses citoyens. A Versailles, le tribunal s’en tenait à l’obligation de moyens, et à côté, à Pontoise, on tranchait sur la base d’une obligation de résultats ! D’autre part, cette décision est un signe en direction de parents d’enfants handicapés qui ne parviennent pas à obtenir satisfaction de leurs demandes auprès de l’administration. C’est surtout un message en direction de l’Etat qui peut se sentir invité à prendre cela pour une vive incitation à rendre le droit à la scolarisation des enfants opposable comme l’est le droit au logement et comme le sera peut-être (promesse de Sarkozy passée à la trappe) le droit de garde des jeunes enfants.
Cela dit, si l’Etat ne s’empare pas de cette réforme en consacrant la jurisprudence de la haute juridiction administrative, cela restera pour les parents concernés un parcours du combattant. Il faut savoir, en effet, que l’affaire jugée le 8 avril 2009 par le Conseil d’Etat, remonte à 2001. A l’époque, faute de places en IME, Guillemette, la fillette handicapée à 80% du couple Laruelle, a bien du mal à effectuer sa scolarité. Elle est toujours en attente de placement après un an d’attente. Excédés, les parents finissent par saisir le tribunal administratif de Versailles qui leur donne raison. Mais c’était sans compter sur la vigilance du ministère de la santé, lequel interjette appel de l’arrêt devant la cour administrative d’appel et obtient gain de cause. Aucune obligation de moyens ne pèse sur l’Etat en la matière, décide la cour.
Persévérants, les parents vont devant le Conseil d’Etat qui tranche en leur faveur et impose aujourd’hui l’obligation de résultats. Le problème est que cette obligation ne sera pas applicable sur le plan général puisque c’est l’Etat qui dispose des moyens et qu’il n’a pas fait voter un droit opposable ni, par conséquent les budgets qui vont avec.
L’autre intérêt de cette décision du Conseil d’Etat réside dans le rappel de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances Cette loi affirme le principe du droit à l’éducation pour tous les enfants handicapés, et le plus souvent qu’il est possible du droit à étudier en milieu scolaire ordinaire plutôt qu’en établissement spécialisé.
La loi de 2005 dit aussi que chaque enfant doit être inscrit dans l’établissement qui correspond à son lieu de résidence et bénéficier d’un projet personnalisé de scolarisation (PPS). Sur ce point, le gouvernement vient de faire un effort en décloisonnant les classes d’enseignement ordinaire et les classes d’enseignement adapté. Désormais, les établissements scolaires et les établissements spécialisés devront coopérer dans l’intérêt de l’élève Le décret est paru le 2 avril. Il fixe les modalités de coopération (une convention doit être signée entre ces établissements). Un arrêté créant les unités d’enseignement devrait sortir prochainement.
Mais cet effort ne doit pas faire oubllier que plus de 5000 enfants sont actuellement sans aucune solution d’orientation scolaire, selon les chiffres donnés par l’UNAPEI.
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