vendredi 17 avril 2009 - par carnac

Vous avez dit « dialogue social » ?

Quand le déni de « dialogue social » est la vraie « violence sociale ».

Alors que le mot clé « dialogue social » ouvrait sur Google, hier encore, près de 16 millions 500 000 occurrences, les salariés, eux,  observent une toute autre réalité : témoignages sur un  temps de CRISE … de la responsabilité sociale des entreprises et de celle de l’Etat …

La « violence sociale » est dans une crise dont les conséquences pour les salariés sont souvent amplifiées par l’attitude même des employeurs :

Lundi passé, j’étais appelée à siéger en audience de référé : se présente un groupe de salariés d’une officine en négociation de crédits : ACE, groupe d’envergure nationale ayant en région Rhône-Alpes plusieurs implantations.

Les difficultés économiques ne faisaient aucun doute puisque l’un des salariés, cadre ayant accès aux données sur le chiffre d’affaires, nous signalait une chute libre de 70% ce qui, dit en passant, témoigne aussi de l’attitude des banques qui malgré les objurgations de notre gouvernement et, pour certaines, bien que renflouées par des deniers publics pour faciliter l’accès au crédit, font exactement l’inverse de ce que l’on attend d’elles.

Ce contexte de crise n’autorisait  nullement l’employeur à ne pas répondre à la convocation du Conseil des prud’hommes  laissant une chaise vide face à l’exaspération et la désespérance des salariés  depuis deux mois sans salaires, sans remboursements des frais professionnels qu’ils avaient avancés et sans la moindre information sur les intentions de l’employeur qui prétendait avoir saisi le Tribunal de commerce ce que démentait journellement le greffe depuis deux mois.

Pendant ce temps les personnels en fin de CDD ne pouvaient pas s’inscrire au chômage faute d’obtenir de l’employeur introuvable  l’attestation requise pour l’inscription au pôle emploi et l’on s’étonne en haut lieu de la violence des salariés ?

« Violence sociale » encore quand le droit des sociétés est utilisé contre le droit du travail.

ENTHEUS est un groupe travaillant dans le domaine de la performance industrielle en Rhône-Alpes. Performance industrielle peut-être, mais pas performance sociale !

2008 avait été une année bénéficiaire pour ENTHEUS. 

En 2009, compte tenu des champs d’intervention du groupe,  les difficultés de l’industrie automobile ont évidemment eu des conséquences sur le chiffre d’affaires mais la clientèle était diversifiée si l’on en croit le site internet de l’entreprise et les observations faites par les salariés eux-mêmes qui demeuraient occupés à 100%.

Doté  de longue date d’une vingtaine de salariés, cadres de haut niveau, ENTHEUS n’avait jamais jugé utile de désigner des représentants du personnel, pas plus d’ailleurs que les salariés ne l’avaient demandé jusqu’à ce mois de décembre 2008 où le tout nouveau délégué du personnel en fonction, suite aux élections initiées soudainement par l’employeur, apprend, un vendredi soir, qu’il lui appartient de  donner son avis autorisé sur le licenciement de 9 de ses collègues le Lundi matin suivant !

Comme il ne lui restait qu’internet pour s’informer du rôle qu’il était censé tenir dans ce contexte il m’a contactée le week-end via mon blog prud’hommes  Isère .

Le lundi matin,  les salariés d’ENTHEUS étaient en état de faire valoir leurs droits et par ailleurs informés de l’existence en Rhône-Alpes d’un financement régional (le Fonds régional d’actions d’urgence : FRAU ) affecté à la réalisation d’une contre expertise économique pour les TPE et PME ne disposant pas d’un comité d’entreprise.

Devant  l’indigence des informations économiques fournies par l’employeur pour justifier des 9 licenciements qu’il envisageait, le tout nouveau délégué du personnel a saisi le service emploi de la région Rhône-Alpes qui lui a accordé le bénéfice du FRAU et l’employeur ce voyant …  a saisi le  tribunal de commerce en vue d’une liquidation pour éviter d’avoir à justifier de ses décisions : Les premiers éléments portés à ma connaissance laissent penser que des jeux d’écriture entre les différentes entités du groupe sont suspects … 

« La crise » cache ainsi les abus d’un groupe qui n’hésite pas à faire supporter le coût de sa « profitation » par la collectivité car le licenciement injustifié de 20 cadres n’allègera sûrement pas le budget du Pôle Emploi.

Parlez moi du « dialogue social » dans une France qui n’est déjà plus tout à fait celle des « droits de l’homme » et qui, manifestement n’est plus celle des droits de  « l’homme au travail » … puisque le droit des sociétés devient une arme utilisée sans vergogne contre le droit du travail.

Il est vrai que notre Président a promis un allègement des sanctions contre les détournements de fonds sociaux alors pourquoi se gêner ?

« Violence sociale » toujours,  une crise amplifiée par les décisions gouvernementales : CATERPILLAR le dessous des cartes …

A l’origine directe de l’affaire CATERPILLAR, un fait : les ouvriers sont passés d’une rémunération de 6 mois avec heures supplémentaires systématiques et confortables au chômage partiel indemnisé à 50% du salaire de base : un effet de montagne russe des ressources qui a mis la plupart d’entre eux dans une situation financière désespérée.

 Quant aux intérimaires ils ont depuis plusieurs mois déjà perdu leurs emplois grâce au dispositif TEPA, le coût des heures supplémentaires étant inférieur au coût horaire d’un intérimaire.

Cela n’empêche pas notre Président de la République de se pencher avec « compassion » sur le sort des CATERPILLAR qu’il a lui-même généré.

Quant à la direction « introuvable » de CATERPILLAR,  c’est elle qui, par son long refus de dialogue avec les instances représentatives du personnel,  a mis le feu aux poudres et occasionné la création spontanée d’un « comité de grève » radical.

Quelle sera la conséquence de cet épisode tirée par notre Président ? Je mets ma main au feu qu’il pontifiera sur le thème de « l’inefficacité et de l’absence de représentativité des syndicats »

Ce que constatent les salariés c’est que LA FIN DE NON RECEVOIR est, en cette période de crise, érigée en système à tous les niveaux de responsabilité qui pourraient être régulateurs :

· Du coté des directions d’entreprises soudainement introuvables,

· du coté du MEDEF grenoblois qui, contacté avant ces incidents par les organisations syndicales a déclaré : « je n’ai pas mandat d’aller au-delà de l’écoute »,

· du coté gouvernemental qui  médiatise ses interventions auprès des salariés alors qu’il a lui-même attisé l’incendie mais se garde de donner une suite à la proposition concrète des syndicats d’une suspension de la loi TEPA malgré deux mobilisations d’envergure le 29 Janvier et le 19 Mars.

Autre exemple d’impéritie gouvernementale : le prêt de salariés

Le Monde s’est récemment fait l’écho de cette modalité de gestion du personnel dans les pôles de compétitivité. A vrai dire elle est courante dans le BTP mais pas avouée …

Ce système est également communément utilisé dans l’industrie des jeux vidéo en Rhône-Alpes et se trouve en cours d’extension sur MINALOGIC, le pôle des nanotechnologies de Grenoble.

Ce pourrait  être un des outils  permettant d’assurer le maintien dans l’emploi en période de crise avec la mise en formation, l’utilisation de la modulation des accords de réduction du temps de travail et le chômage partiel.

Ce système s’appuie légalement sur la notion de groupement  d’employeurs  et, dans les pôles de compétitivité, est soumis à  l’autorisation de l’inspection du travail.

Or il fait manifestement l’objet de décisions contradictoires de l’autorité publique sur le pôle de compétitivité  MINALOGIC et dans une même situation de pénurie de commandes.

Ainsi SOITEC semble-t-il autorisé à utiliser le dispositif alors que ST MICRO ELECTRONICS aux dernières nouvelles ne parvenait pas à décrocher cette autorisation : est-ce parce que le gouvernement veut se débarrasser de cette dernière entité dans laquelle il a des capitaux par un de ces mécanos de restructuration qui font passer des perles de l’industrie dans le giron des amis du Fouquet’s.

Comment comprendre cette tergiversation des services de l’Etat si ce n’est  parce qu’après cette période de crise, il y a fort à parier que le marché sur lequel évolue ST MICRO ELECTRONICS sera juteux et qu’il serait intéressant fut-ce au prix de quelques milliers de chômeurs en plus que cette industrie soit totalement privatisée ? La question est posée.

Par ailleurs comment ne pas souligner l’indécence de MINALOGIC  qui refuse tout dialogue avec les organisations syndicales sur « le prêt de salariés » au motif … qu’il n’est pas « employeur » et qui prête son nom en tant que « groupement d’employeurs » pour une démarche  qui s’apparente tout de même à une « chosification » des salariés  sans concertation avec les syndicats de salariés  pour résoudre des questions comme :

· « qui s’occupe de la protection de la santé au travail des salariés » ainsi prêtés ?

· ou « auprès de qui les salariés doivent-ils solliciter une formation ?

Or ces questions ne relèvent pas seulement du champ social, ce sont aussi des questions citoyennes  dans le contexte qui est la spécificité du pôle de compétivité MINALOGIC,  à savoir l’innovation en vue de la production industrielle de nanoparticules pour lesquelles on est loin de tout maîtriser techniquement .

Aura-t-on demain grâce à MINALOGIC un dossier des salariés victimes des nanoparticules comme on a eu un dossier des salariés victimes de l’amiante ? Soyons clairs : en cas d’accident du travail dans cet environnement très particulier qui sera responsable ?

· le « prête-nom » MINALOGIC ?

· la société qui a prêté son salarié lequel fait toujours partie de son personnel ?

· ou la société utilisatrice ?

Ce  « détail » des « prêts de salariés » n’est pas réglé malgré les multiples relances des organisations syndicales toutes obédiences confondues.

Curieux  « dialogue social » dont les modalités pour le moins contestables relèvent d’une « violence sociale » organisée à tous les niveaux de responsabilités et pour laquelle sont seuls montrés  du doigt les victimes c’est-à-dire les salariés.

La résistance doit s’organiser à commencer par la large diffusion de ce témoignage sur un temps de crise de la responsabilité sociale des entreprises et de l’Etat.

Je compte sur vous chers agoranautes ! Sanctionnons le déni de dialogue social à tous les niveaux !



2 réactions


  • sisyphe sisyphe 17 avril 2009 13:57

    Devant le mépris et le refus de dialogue des employeurs, la séquestration des patrons semble finalement une excellente solution ; qui permet, au moins, aux employés méprisés d’avoir voix au chapitre.

    On en vient à souhaiter que cette contre-violence, légitime, se généralise, pour faire face à la véritable violence faite, jour après jour, à ceux qui ne sont là que pour être corvéables à merci.

    Merci pour l’article.


    • carnac carnac 17 avril 2009 15:31

      Personnellement je ne suis pas une fanatique de la « retenue » des dirigeants d’une entreprise, mais ce dont je suis certaine c’est que ce type de mouvement est la marque d’un désespoir total car loin d’être des « va t’en guerre », je peux constater tous les jours que les salariés sont d’une grande patience et d’ailleurs les statistiques prud’homales le prouvent :

      moins de 1% des salariés introduisent un prud’hommes. Il faut croire que du coup, les employeurs en profitent pour pousser le bouchon plus loin encore ... comme ces exemples le montrent.


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